La pomme de terre est devenue un thème national. Les cafés maures et les forums virtuels s'en sont emparés. On s'en régale. Grâce à son prix record, elle prend des allures de truffe. Pour sûr que le tubercule vient de conquérir son titre de noblesse. Désormais son nom ne servira plus de quolibet ; il ne servira plus de matière à l'industrie, florissante de nos quartiers et villages, des surnoms.
En Algérie, la pomme de terre n'est plus une nourriture du pauvre. Pas plus que tout autre produit agricole d'ailleurs. Dire que lorsque Parmentier entamait la promotion de cette plante à amidon, au milieu du XVIIIe siècle, c'était pour combattre les disettes encore endémiques en France !
Pour éviter qu'elle ne 'casse toute la filière' qui saigne les ménages depuis des semaines, l'importation de la pomme de terre reste interdite, comme l'a confirmé le ministre de l'Agriculture le 8 avril dernier.
Le gouvernement ne peut pas sauver notre pouvoir d'achat, mais il nous demande quand même de serrer la ceinture pour sauver une filière agro-spéculative !
Le ministre du commerce était encore plus hardi. Il nous promet une baisse du prix de la pomme de terre pour fin juin. C'est-à-dire quand les fruits et légumes maraîchers de saison envahiront les marchés et que leur relative abondance, conjuguée aux conditions climatologiques, nous détournera de la pomme de terre. On voit mal, en effet, les Algériens se bousculer autour d'une pomme de terre à plus de 100 DA en juillet-août. Benbada, qui n'a pas de solution immédiate pour le prix de la patate, s'est penché sur la conformité de notre consommation aux prescriptions rituelles des articles fabriqués ou distribués en Algérie. À part qu'elle renforce une bigoterie d'Etat qui va en s'atrophiant, à quoi sert de rendre obligatoire une mention 'halal' quand on sait que, dans la structure du panier de la ménagère, la viande et les produits à base de viande ne sont plus un luxe ; ils sont détrônés par les légumes et même les légumes secs qui sont déjà un luxe. Pour l'Algérien de base, la viande est déjà économiquement 'haram' et un ministre probablement inspiré par les polémiques télévisées de la campagne pour la présidentielle française, se fend de la lumineuse idée de nous offrir la coquetterie marketing du label 'halal', en pleine spirale inflationniste. D'une pierre deux coups : d'un côté, l'idéologie islamiste est confortée au prétexte de la défense d'un consommateur, par ailleurs livré à la rapine d'un marché débridé, de l'autre, le discours et les gestes populistes que cette idéologie justifie voudraient compenser l'impuissance de l'autorité publique à régler les vrais problèmes qui accablent la population.
L'Algérien endure depuis longtemps tous les fléaux susceptibles de surgir dans la sphère de distribution : pénurie, contrefaçon, péremption, hygiène' Malgré ce contexte marécageux, les autorités ont détecté l'urgence de nous assurer la conformité rituelle de notre consommation. On parle de patate chère, pas de pâté, pour nous répondre ainsi par 'halal'.
C'est là un peu la revanche de la batata, ce tubercule qu'on évoquait avec un certain mépris, comme un aliment dénué de noblesse : elle donne l'ultime preuve d'une gestion inique qui tente de se réfugier dans l'incantation religieuse.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
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Posté Le : 17/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha Hammouche
Source : www.liberte-algerie.com