Algérie

La République ne s’accommode pas de l’ombre! Automne 1976:



Publié le 16.07.2024 dans le Quotidien l’Expression

«Si nous, notre responsabilité est de diriger tout le pays, vous devez gérer vous-mêmes, au moins, les dix kilomètres qui vous incombent! Ce sont vos problèmes; ce ne sont pas les miens. Que ce soit très clair, une fois pour toutes, les problèmes de coordination sont vos problèmes, et localement même, pas au niveau d'Alger. Que chacun prenne ses responsabilités, sinon les sanctions tomberont», ainsi s'était adressé Houari Boumediène en tournée d'inspection dans une région située aux portes d'Alger et menacée par une désertification latente.

Décembre 2023:
Abdelmadjid Tebboune signalait, comme un effet de réverbération, que «la non-application des décisions ayant été données pour améliorer la situation des zones d'ombre est à l'origine du récent limogeage de plusieurs responsables locaux» soulignant, qu'«être au service du citoyen, c'est renforcer son sentiment d'appartenance à sa patrie», assurant qu'il «ne s'agit pas de slogans populistes, mais d'une question de principe». Ce même principe réitéré la semaine dernière, lors de sa visite à Tizi-Ouzou, au pays de Ali Zamoum et de Slimane Dehiles, auteur de ce mémorable: «Il n'y pas de Pharaon chez nous; ici, il y a le peuple», deux hommes, parmi tant d'autres, dont le chef de l'État a tenu à rappeler la proximité fraternelle devant des membres de la société civile avec lesquels il s'est réuni à la Maison de la culture Mouloud-Maameri.

Arrêt sur image:
Entre l'ère de Boumediène et le temps de Tebboune, des décennies se sont écoulées, charriant dans le cours de leur fleuve aussi bien des alluvions, façonnant des plaines alluviales d'une grande richesse mais aussi des colluvions. Ainsi est mère nature... Mais il y a eu également une sombre période où le fleuve a été détourné, comme l'a si bien décrit dans un roman éponyme Rachid Mimouni.
Depuis décembre 2019, un homme de terrain qui a appris son pays, l'Algérie - du bas jusqu'à plus haut - s'est donné pour objectif d'arrimer efficacement les wagons d'une locomotive qui avait subi pas mal d'avaries, qui ont même failli la faire dérailler... Autant de ratés avaient engendré inévitablement autant de déceptions que de démobilisations... Mais, comme au pire moment de son histoire (celui de la décennie noire), le pays n'a pas cédé au découragement, encore moins aux sirènes du démembrement du tissu sociétal, cousu main et avec le fil d'une Histoire peu commune.
Ce n'est donc pas étonnant qu'un des premiers chantiers ouverts par Abdelmadjid Tebboune dès l'entame de sa première législature aura été celui de l'éradication de ces zones d'ombre, autant de plaies, de preuves de l'existence d'une injustice caractérisée. Et, du coup, le sentiment d'abandon avait toutes les (mauvaises) raisons de songer à prendre racine. «L'ombre est quelque chose d'inférieur, de primitif, d'inadapté et de malencontreux, prévient Carl G. Jung, le pionnier de la psychologie des profondeurs. Plus nous ignorons volontairement cette lie, plus elle devient noire et épaisse (...) elle peut figurer aussi bien le Mal absolu, surtout sur le plan collectif.» Ces zones d'ombre qui restent aussi bien des foyers d'indigence économique, social que culturel. En invitant la société civile à saisir à bras-le-corps ce problème, en faisant remonter les doléances des citoyennes et des citoyens de ces régions encore isolées et, d'une certaine manière, le président de la République est en train de court-circuiter des canaux qui se sont avérés inopérants et qui, le plus souvent, font des effets d'annonce, du genre «conformément aux orientations du président de la République», tel un paratonnerre, alors qu'il est plus simple et plus efficace que certaines autorités locales, régionales et même parfois certains ministères, fassent des visites d'inspection et procèdent à des bilans ponctuels, sans tambours, ni trompettes, afin d'évaluer le chemin parcouru pour sortir de l'ombre vers la lumière.
La dernière sortie à Tizi-Ouzou et celle qui l'a précédée à Khenchela de Abdelmadjid Tebboune n'augurent pas d'un optimisme béat, mais plutôt responsable. Le nettoyage des écuries d'Augias n'est pas du ressort du seul chef de l'État, que les manches soient retroussées tout le temps de ce deuxième mandat que Abdelmadjid Tebboune soumettra le 7 septembre prochain à la volonté populaire. Pour le postulant à la magistrature suprême, l'objectif est clairement identifié: ce sont, entre autres, ces «six millions de citoyens algériens qui ont vécu dans des conditions qui auraient dû être dépassées depuis l'indépendance».
La pérennité d'une nation réside dans l'instauration d'un climat de confiance réciproque, et ce dernier ne croît durablement que sur un terrain où le dialogue existe, loin de toute suspicion paralysante. Et dans l'Algérie de 2024, sans aucun doute, ces atouts existent. La République ne s'accommode pas de l'ombre, car «mettre l'homme en face de son ombre, cela veut dire aussi lui montrer sa lumière».

Saïd OULD KHELIFA



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