Algérie

"La République est encerclée par l'oligarchie"



Un fin analyste
Le docteur Mohamed Hadef fait partie d'une pléiade d'Algériens qui font honneur au pays par leur démarche rigoureuse en matière scientifique et sur le plan de l'analyse relevant de la haute stratégie. Eminence grise, ce fin intellectuel ne fait pas dans la légèreté quand il s'agit d'établir un constat de la situation globale du pays, sur le plan politique ou autres. Il énonce des ébauches sérieuses et des pistes concrètes quant à la sortie d'une crise comme c'est le cas pour notre pays. Pour lui, seule la République républicaine et son Etat juste et non pas fort peuvent redonner au pays son aura et agir en vue d'asseoir les règles des institutions démocratiques et foncièrement libres.
L'Expression: Qu'en est-il de votre Mouvement national d'espérance'
Docteur Mohamed Hadef: Le Mouvement national d'espérance comme son nom l'indique n'est pas défini tel un comité de supporteurs ni un comité de soutien. C'est un instrument national, au service du pays et doté d'engagements profonds. Depuis sa création, et tout le monde le sait, certains milieux, je dirais bien, des milieux politico-médiatiques, veulent étouffer le mouvement, et cela remonte à une vingtaine d'années. Pourquoi' Tout simplement parce que il traite des sujets très sensibles pour avancer notre pays. Enfin, ce mouvement-là, n'a pas été étouffé et enterré, nous avons continué à travailler sereinement. C'est la seule force politique qui a été créée en 1998 et rencontré que des problèmes, pas d'aide, rien, mais j'assume mes responsabilités.
Depuis ce jour, on a participé à pas mal d'élections avec une position constante et autonome surtout avec des objectifs clairs et une démarche cohérente.
Quels sont ces objectifs'
Les objectifs politiques pour nous à travers tout ce que j'avais écrit, c'est d'abord renforcer l'unité de la nation...
Pensez-vous que l'unité de la nation est réellement menacée'
J'arriverai à cette question, c'est l'unité de la nation, parce que tout le monde avait repris ce que j'avais écrit. Je parle d'une unité dans la diversité. Maintenant pour répondre à votre question, je dirai que cette unité-là, certes, elle est menacée, si on se réfère à mes positions et mes écrits, on pourrait soulever la question qui nous mène à dire, quels sont les facteurs susceptibles de renforcer cette unité nationale' l'unité nationale est menacée par le chômage, par les inégalités qui créent des exclusions, surtout l'inculture. Alors, ça c'est le premier objectif de notre mouvement.
Donc, la définition de la menace n'est pas classique. C'est une menace qui a trait à un enjeu sociétal. C'est de cela que vous vouliez parler'
Absolument, les menaces ne sont pas uniquement militaires. Donc la première priorité, c'est l'unité nationale. La deuxième, c'est de construire la République. Moi, je suis un républicain d'acier et pas de roseau. La République est un régime qui peut sauver l'unité républicaine. Je m'explique sur ce volet, la République est un système politique fait pour tous les gens. N'importe quelle race, n'importe quel citoyen peut vivre dans un Etat républicain...
Vous faites allusion à la notion de cosmopolitisme, n'est-ce pas'
Absolument, cosmopolite et surtout elle donne les chances à tout le monde. Regardez les Républiques qui naissent partout dans le monde, elles ont des milliers de problèmes, mais elles arrivent à émerger de l'eau et ça marche très bien pour elles. Le régime républicain tel qu'il a été rêvé par nos martyrs, a été dé-républicanisé par la montée des clivages, la montée du clientélisme, le clanisme et le népotisme. Ce sont des facteurs dangereux, ce ne sont pas des faits divers comme c'était le cas avant. Maintenant, ils sont considérés comme facteurs de menace contre la République. Je peux aussi ajouter un autre facteur de menace contre la République, à savoir le notabilisme. Il y avait des notables sages dans le temps, pour résoudre certaines situations. Mais maintenant ce qui est dangereux, c'est que on assiste à une situation où le notable se substitue à l'Etat et à des hauts fonctionnaires.
Peut-on savoir l'origine de ces fléaux et phénomènes'
On peut dire que la République est prise actuellement par une oligarchie. Une oligarchie financière. Espérons que cette oligarchie n'arrivera pas à prendre le pouvoir. On peut dire que l'Etat est encerclé actuellement par cette oligarchie, parce que la République est en train de perdre ses valeurs républicaines, à savoir l'égalité, la justice et même des fois on confond tout comme c'est le cas pour la solidarité avec la générosité, ça n'a rien à voir.
Maintenant, le troisième objectif c'est la construction d'une République avec un Etat juste, mais je ne dirais jamais un Etat fort. Je dirais un Etat juste devient un Etat fort. Pour moi un Etat fort étouffe tout le monde. Un Etat fort, comme un empire qui est mort d'ailleurs par sa force, mais un Etat juste, devient un Etat fort parce qu'il se légitime pour légitimer le reste des institutions. Et enfin, cet Etat juste, crée la confiance, les problèmes de l'Algérie aujourd'hui, c'est quoi' c'est la crise de confiance. Les citoyens n'ont pas confiance dans les partis, ils n'ont de confiance en personne, c'est une crise de confiance profonde. Par contre, un Etat juste, c'est un Etat qui fonctionne et qui est au service du peuple, c'est-à-dire il crée la confiance, pour ainsi dire, il est le ciment de l'unité nationale. Ça c'est le troisième objectif. C'est stratégique, ce ne sont pas des faits divers. Ce sont les libertés, et ce ne sont pas les libertés qu'il faut introduire dans la Constitution, il faut mettre les moyens pour faire fonctionner ces libertés...
Un vrai levier, quoi...
Absolument, il faut les garantir, les protéger et je m'explique pourquoi. Le pays comme c'est le cas dans les pays de l'Est où le développement s'est substitué à la liberté, n'importe quelle théorie économique ne pourrait assurer le vrai développement sans liberté, c'est-à-dire qu'il faut faire des libertés une exigence et un élément incontournable. Pourquoi il n'y a pas de développement' parce qu'il n'y a pas de liberté et de démocratie. Et qui dit liberté, ça ne veut pas dire, liberté de se balader, c'est la liberté de réfléchir, et cela crée une atmosphère incitative. Une économie de marché par exemple, ça ne peut pas exister, on ne peut pas la développer sans liberté. Comme c'est le cas pour la démocratie, on parle de la démocratie participative, j'ai essayé de réfléchir sur ce mot-là, la démocratie participative, c'est une démocratie dépolitisée, cette démocratie n'a pas une dimension nationale. Par contre la démocratie politique, c'est le fondement, je dis bien c'est le fondement du développement de l'économie. Si l'on avait une démocratie qui fonctionne, c'est-à-dire, vivante et créative, la corruption serait foutue, ce ne sont pas les lois qui vont juguler ces phénomènes, c'est la démocratie politique, ou vous êtes libre et en démocratie et c'est comme ça que la gestion de l'économie et la gestion financière seront conçues, d'où la transparence. Il faut savoir pourquoi on a choisi ce projet et pas l'autre. Moi, je dirai que les choix économiques sont dictés par les choix politiques.
Donc, la démocratie stimule l'économie, elle est le premier élément de la croissance économique; dans un dictionnaire de la science économique vous ne trouverez pas le mot croissance, vous le trouverez en science politique, la croissance est processus politique plus qu'économique. Le chômage et l'emploi, aussi. C'est-à-dire qu'au fond, il n'y a aucune loi de la science économique qui prouve qu'une société est condamnée au chômage, ça n'existe pas, comme ça n'existe pas une loi en science économique qui dit qu'il y a la pauvreté. J'ai étudié cette notion de la pauvreté, j'ai même fait un rapport sur la pauvreté, portant le titre de «processus d'appauvrissement national», j'ai constaté qu'il n'y a aucun facteur d'ordre économique, ce sont des facteurs politiques, constitutionnels. Donc, on revient aux choix politiques qui dictent les choix économiques. Par exemple l'Inde, un pays qui a échappé il y a quelques années à la famine parce que le programme allait dans le sens de résoudre la question de la famine, inspiré de la démocratie indienne qui fonctionne à merveille. .


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)