« La négation des droits du peuple algérien est la cause profonde du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Mais plus directement, le 1er Novembre a pris ses racines au lendemain des massacres du 8 Mai 1945 », affirmait un militant algérien. Les Algériens venaient de prendre une part importante à la guerre contre le nazisme et le fascisme, mais la liberté retrouvée n'était pas la leur. Ils subiront une répression féroce qui se solde par plusieurs dizaines de milliers de victimes. Une répression sans précédent s'est abattue aussi sur les militants algériens regroupés notamment au sein du PPA-MTLD. Ces derniers comprennent alors que la voie de l'action pacifique leur était fermée et qu'il ne leur restait que le recours à l'action armée pour obtenir l'indépendance de l'Algérie. Selon Mohamed Mechati, l'un des 22, le début de l'action armée contre les forces d'occupation a commencé en 1947 grâce à l'Organisation spéciale paramilitaire (OS) issue du MTLD. « Nous étions une nouvelle génération impatiente de passer à l'action et déterminée à lutter, malgré tout, à la faveur d'une action où se mêlaient désespoir et défi. » M. Mahsas rappelait, de son côté, que « la répression et les souffrances subies au quotidien ont poussé le peuple algérien à accueillir la lutte armée pour la libération du pays avec enthousiasme ». L'annonce du déclenchement de la guerre de Libération, a-t-il précisé, était minutieusement préparée » pour pallier les insuffisances et les erreurs cumulées dans l'action du mouvement national à travers « des actions brèves et rapides ». Le passage au 1er Novembre est le fruit d'un long cheminement. A la suite de la répression de mai 1945, la plupart des dirigeants nationalistes avaient été emprisonnés puis libérés à la fin de 1946 et en 1947. A cette date, les partis nationalistes choisirent de combattre dans le cadre légaliste des luttes électorales. « Toutefois, au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), cette ligne n'était pas approuvée par l'ensemble des dirigeants : certains se montraient plus favorables à la lutte armée. C'est ainsi que, sous l'impulsion de Mohamed Belouizdad qui devait mourir en 1952, fut créée l'Organisation spéciale (OS) », explique feu Rabah Bitat dans un témoignage (*). Durant l'année 1948, un certain nombre de militants du MTLD fut sélectionné pour constituer l'Organisation spéciale. « Nous reçûmes une formation politique et paramilitaire. Au nombre de 1.000 à 1.500 hommes, nous formions ce qui allait devenir le noyau d'une armée. Mais cette prévision devait être contrariée », raconte-t-il. L'Organisation fut démantelée et ses membres passèrent à la clandestinité entre 1950 et 1952, vivant tantôt dans les Aurès, tantôt dans le Constantinois et l'Oranie. Cinq réussirent, précise Bitat, « à maintenir des relations étroites et envisageaient de plus en plus le recours à la lutte armée ». Ce sont Mostefa Benboulaïd, membre du comité central, Mohamed-Larbi Ben M'hidi, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf et Rabah Bitat.Les cinq décident de lancer le CRUA
Le MTLD connaissait des dissensions entre membres du comité central et le bureau politique, regroupé autour de Messali Hadj. Un sentiment de malaise s'empara de nombreux militants devant ces affrontements entre centralistes et messalistes, qui se disputaient la direction du parti. En 1953, le conflit s'aggrava. Le 23 mars 1954, ceux qui étaient devenus le groupe des Cinq constituèrent le Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) avec l'idée de « transformer la société par la lutte armée et par la révolution, réaliser l'unité du parti pour engager le combat et enfin user de l'action directe qui seule pouvait obliger le colonialisme français à reconnaître l'indépendance de l'Algérie ». Aux cinq membres fondateurs du CRUA se joignirent dix-sept autres militants du parti, « choisis tant pour leur action au sein du parti que pour leur refus de choisir entre les deux factions qui déchiraient le MTLD ». Le groupe des 22 demanda à Mostefa Benboulaïd de s'entourer de quatre hommes de son choix, ce qu'il fit en maintenant autour de lui Mohamed-Larbi Ben M'hidi, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf et Rabah Bitat. Benboulaïd reprit alors les contacts avec Messali Hadj et les centralistes pour obtenir leur participation au déclenchement de la lutte armée. Les deux premières rencontres avec les représentants du comité central n'aboutirent pas. Une troisième rencontre, qui devait se tenir à Berne, n'eut pas lieu. Elle devait réunir des représentants des 22, du comité central et du bureau politique. Les préparatifs pour le déclenchement de la lutte armée étaient suffisamment avancés. L'Algérie fut divisée en quatre zones : les Aurès, l'Algérois, l'Oranie et le Nord-Constantinois. Mostefa Benboulaïd, originaire des Aurès, devait assurer la direction de cette zone ; Mohamed-Larbi Ben M'hidi, qui avait travaillé pour le parti en Oranie, se vit confier cette région ; Mourad Didouche, originaire de l'Algérois, commanderait cette zone, et le Nord-Constantinois fut attribué à Rabah Bitat.
Pourquoi la date du 1er Novembre
Les contacts furent engagés pour rallier la Kabylie qui était encore en dehors du mouvement. Un premier contact fut établi en mai 1954. D'autres rapprochements aboutirent à une union des Cinq à laquelle participèrent, comme observateurs, des responsables de la Kabylie dont Krim Belkacem qui sera responsable de la région dont il était originaire. Plus tard, une permutation dans le commandement des hommes de l'Algérois et du Nord-Constantinois intervint entre Didouche et Bitat. Les cinq zones avaient désormais leurs responsables et Boudiaf devait, au dernier moment, gagner l'étranger pour mettre en demeure centralistes et messalistes de se joindre à la lutte, sur la base de la liste des objectifs prévus et sur la base de la proclamation qui devait être publiée lors du déclenchement. Le CRUA s'était auto-dissous le 20 juillet 1954. Le Front de libération nationale, qui fut créé par les Six le 23 octobre 1954, était conçu comme « un rassemblement de tous les militants de la cause nationale, partisans de la lutte armée pour l'indépendance, quelle que fut leur appartenance politique ». L'Armée de libération nationale (ALN), créée en même temps que le FLN, constituait son instrument militaire. Il restait à fixer la date du déclenchement de la lutte armée. Le 1er novembre, jour de la Toussaint, fut choisi parce que c'était un des jours où certains militaires de l'Armée française bénéficiaient de permission de nuit. Un des objectifs des attaques prévues le 1er novembre était de « nous emparer d'armes dans les casernes de l'armée française, et pour cette raison, cette date fut retenue », a précisé Bitat. Dans les derniers jours d'octobre, chacun avait rejoint sa zone. Boudiaf était au Caire pour informer l'opinion internationale des objectifs attaqués le 1er novembre et faire connaître les buts de la guerre menée par le FLN et l'ALN. Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre, des dizaines d'objectifs répartis sur tout le territoire algérien furent attaqués par moins d'un millier de combattants de l'Armée de libération nationale.
K. Daghefli
(*) Voir le long témoignage de Rabah Bitat rapporté par Khaled Abbas, ancien militant du MTLD, membre de la Fondation de la Wilaya IV historique publié in Mémoria, octobre 2012.
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Posté Le : 30/10/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Horizons
Source : www.horizons-dz.com