Algérie

La rente qui pourrit et divise



À l’issue de leur congrès, les scouts ont appelé Bouteflika à se représenter pour un troisième mandat. On pourrait se demander ce qui pousse des scouts divisés, qui n’arrivent pas à s’entendre sur un nom pour leur propre commandement, se paient le luxe de conseiller un chef pour l’Algérie. La réponse est donnée : le Président avait offert un pactole de vingt-cinq milliards de centimes à la congrégation pour la confection des uniformes. C’est ce magot qui est à l’origine de la discorde qui a mené le mouvement scout à l’éclatement bicéphale et ses dirigeants bientôt devant les tribunaux.
L’affaire rappelle les péripéties de l’Union nationale des zaouïas qui, en mars dernier, appelait en même temps “à la révision de la Constitution”, priant “le président de la République” de se présenter à un troisième mandat, tout en demandant l’interdiction de la tenue du congrès de l’aile rivale et concurrente. Les antagonismes des confréries ne connaissaient pas la médiatisation publique avant que les subventions n’apparaissent à l’occasion de la campagne électorale de 2004 ! Subsides alloués à telle wilaya, subventions octroyées à telle zaouïa et don accordé à tel club de football…
L’argent, qui se déverse dans les caisses des associations sportives de l’élite, a fini par provoquer une inflation salariale dans le secteur à un point tel que les rémunérations de joueurs et d’entraîneurs n’ont plus aucun rapport avec le niveau technique du championnat algérien. Le fait qu’un club puisse, aujourd’hui, programmer la date de ses rencontres, les institutions se chargeant de lui improviser les justifications, illustre l’essence politico-financière des enjeux dans ce qui fait office de sport d’élite.
Le ministre de l’Intérieur, lui-même, se plaignait de la prolifération d’associations budgétivores de toute nature, dont le coût est supporté par le Trésor public et ne correspond guère à leur piètre efficacité sociale. Excepté l’action de quelques collectifs militants, on retrouve rarement l’impact de cette “société civile organique” dans l’issue des grands problèmes qui se posent au pays : analphabétisme, désespoir de la jeunesse, prolifération des sans- abri, accidents de la circulation, environnement. Sa passivité semble même justifier son financement par sa passivité : la faune qui peuple ces organisations rentières et entristes est payée pour occuper l’espace civil à l’effet d’en éloigner les militants de conviction généralement moins conciliants avec les abus, les incompétences et les injustices du pouvoir.
Divers “ayants droit” ne voient plus dans le pays, providentiellement pétrolier, qu’un butin de guerre.
La rente permet de soudoyer politiquement une fausse société civile et de vrais héritiers de l’indépendance. Le souci du conservatisme politique, l’emportant largement sur le sens de l’intérêt général, ces “acteurs” ne paraissent qu’une fois toutes les échéances “électorales” pour se comporter en garde prétorienne civile du régime.
L’argent facile ne pourrit pas que la fonction politique ; il altère dangereusement la société en lui imposant une vie civile d’imposture.
On le voit : même les “congrès” associatifs tournent aux règlements de comptes financiers. Mais n’omettent jamais de proclamer leur lucratif “soutien”.


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