Algérie

La régression



Seuls les syndicats autonomes se sont émus lorsque du haut de la tribune de la Maison du peuple, le chef de l?Etat (leur) a affirmé qu?il ne reconnaissait que l?UGTA. Aucune autre voix ne s?est élevée contre ce positionnement présidentiel, pourtant anormal du fait qu?il soit allé à l?encontre d?une disposition constitutionnelle fixant la liberté syndicale. Rien ne doit cependant dispenser un parti ou une personnalité politique d?exprimer son souci de la légalité constitutionnelle : c?est le devoir de l?opposition et c?est aussi le rôle de ceux qui gravitent autour du Pouvoir. Car la Loi fondamentale est l?expression de la volonté populaire et elle garantit la marche de la nation même si ses dispositions ne sont pas partagées par tous. Lorsque s?estompe la vigilance sur l?application de ce texte, comme d?ailleurs des autres lois, c?est que la politique - la bonne - est en mauvaise santé. C?est certainement le signe d?une inquiétante poussée de divers cancers de la chose politique ; parmi eux, la désertion, la peur ou la complaisance. Ces quinze dernières années, en dépit de tous les déboires, un peu de bonne politique a été engrangé dans le pays, dans le sillage du multipartisme qui a extirpé l?Algérie de l?ère glaciale du parti unique. Diverses formes d?oppositions politiques se sont créées parallèlement à l?émergence d?une presse indépendante et d?une société civile organisée. Ce capital inestimable pour un pays du tiers monde demandait à être préservé et fructifié dès lors qu?il y avait une ambition nationale de se placer dans le concert des nations. Mais aujourd?hui beaucoup de choses commencent à prendre le chemin inverse, c?est-à-dire vers la régression. La politique commence à se raréfier et à se rétrécir, victime du déclin de l?opposition, elle-même subissant les contrecoups de l?absence d?enjeux importants, du rétrécissement des libertés publiques et de l?affaiblissement des contrepouvoirs. Le président de la République cumule des pouvoirs exorbitants, l?amenant à prendre des libertés avec la Constitution, la dernière étant de freiner l?ouverture syndicale. Nombre de principes généreux sont d?ailleurs déjà malmenés. Parmi eux, l?indépendance de la justice, le droit à l?expression politique publique et l?égalité de l?homme avec la femme. Débusqué après avoir régné en maître durant bien des décennies de monopartisme, l?opportunisme politique retrouve son terrain de prédilection et pervertit la politique. Quel spectacle affligeant devant les caméras complaisantes de la télévision unique que ces nouveaux chantres de la politique qui rivalisent en surenchère pour gagner les faveurs des maîtres du moment ! Tout est prétexte, y compris l?exploitation des sentiments de paix et de pardon, chers à la population algérienne traumatisée par dix années d?une guerre impitoyable livrée par l?intégrisme islamiste. L?amnistie perdra inéluctablement son âme dans ces appétits politiques d?un genre nouveau.


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