Grands colons devant l?histoire, les Ottomans nous ont laissé une tradition de pratiques de pouvoir qui restent à analyser pour comprendre le reste. 1° - L?habitude de justifier le coup d?Etat par la nécessité comme le fit Barberousse. Un bon Chef arrive toujours dans l?urgence, est toujours soutenu par des Pirates, se présente toujours comme un sauveur. 2° - Le besoin d?être sauvé par des corsaires plutôt que par soi-même, les partis, les tribus ou la démocratie. 3° - l?habitude d?accepter que le chef ait un frère ou, du moins, une doublure, un sosie, un successeur désigné et qu?il commande autant que lui, mais derrière lui ou à partir de son oreille. 5° - L?habitude d?être bastonné à la moindre révolte, de voir les quartiers fermés dès le coucher du soleil et de craindre le cheval, l?uniforme et la matraque. 6° - L?idée que le Pouvoir réel dépend moins du sol où il se trouve que d?une Porte sublime qui existe quelque part, au loin, derrière le mur ou la mer et qui peut faire trancher la tête et qui prend une bonne moitié de l?or national. 7° - La tradition du remplacement du Dey au pied levé, sans consultation avec les tribus, pour des histoires de sou et de soldes. 8°- La compassion amusée pour le Dey piégé entre ses officiers qui l?ont amené dans une chaloupe, le menacent chaque soir, promettent de l?ébouillanter chaque fin de mois, et le reste du peuple qui attend qu?il soit pendu, exilé, licencié ou envoyé pour soins à Istanbul ou ailleurs, selon les époques et les empires. 9° - La notion du Beylek avec l?idée que le meilleur moyen de se venger de l?Etat et de son Administration c?est de casser le bien public ou de voler le bien de tous. 10°- Un rapport de désappropriation vis-à-vis du réel considéré comme un objet frauduleux, un bourrage d?urnes et une arnaque dont il faut tirer profit. 11° - La culture de démission vis-à-vis des plus simples responsabilités avec l?idée que l?on ne commencera vraiment à vivre que le jour de départ des Ottomans, leurs chevaux et leurs officiers faiseurs de Dey et de pluies. 12° - L?acceptation de la corruption et de la violence comme attributs naturels de l?exercice de l?autorité et de l?absurde comme idéologie dominante. 13° - L?aménagement du territoire sous forme de tribus plutôt que par le schéma des institutions élues et locales. 14° - L?achat et la vente des Caïds et autres destriers comme pratique rationnelle de la représentativité des populations tribales. 15° - L?amour des armes, martinet, médailles, des sardines, de la mer, du butin et des démonstrations d?autorité par les flagellations à la plante des pieds pour les opposants ou ceux qui gâchent les siestes. 16°- La concentration des pouvoirs à Alger, les rapports tendus avec le Royaume marocain et les Espagnoles. 17° - Le scepticisme de fond et la ruse éternelle des gouvernés, impossibles à gouverner autrement que par la matraque, les cris, la menace, le ton rude et la colère ostentatoire. 18°- L?attente auprès de la mer pour voir qui sera le prochain Chef que vont nous ramener les chaloupes.
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Posté Le : 05/05/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com