Algérie

La réforme judiciaire en butte à l'inertie du système politique


Notre justice ne peut se réformer et adapter ses outils et pratiques aux exigences de la vie moderne lorsque le système politique demeure lui-même imperméable à toute refonte de l'esprit. Une véritable réforme suppose donc l'indépendance des pouvoirs et, partant, la fin de l'interférence du politique et de l'administratif sur le judiciaire. Pour que le juge puisse faire son « métier » en toute indépendance, il faut que le politique cesse non seulement d'empiéter sur ses prérogatives, mais il doit également s'y soumettre en vertu du principe constitutionnel selon lequel « nul n'est au dessus de la loi ». Puisque le juge, aux termes de la Constitution, « n'obéit qu'à la loi » (article138) et que « le pouvoir judiciaire est indépendant » (article 129), pourquoi ces principes transcrits sur le frontispice de ce texte fondamental se trouvent-ils vidés, en pratique, de leur substance ' C'est parce que l'Exécutif phagocyte le pouvoir judiciaire et l'asservit à ses desseins politiques. Entre les proclamations théoriques et les pratiques du droit, il y a donc un hiatus insurmontable. Que faire pour lever cette aporie ' Une refonte radicale de la pensée politique serait le meilleur remède à cet état de fait. Mais cette refonte de la pensée butte elle-même à un autre obstacle, et de taille : la rigidité de « l'esprit du système ».Une justice victime de l'ankylose de la « pensée politique »S'il est un mot qui rend mieux les traits pertinents de notre « classe politique », c'est bien le mot ankylose. Nos dirigeants politiques formés dans le moule rigide de l'idéologie héritée du FLN (pensée unique, uniforme et barbe uniques) et de sa version bis née après l'indépendance (les parvenus du 19 mars) dont l'effectif n'a cessé de grossir, d'enfler de manière démesurée, n'agréent qu'une chose : l'éloge, l'exaltation et la glorification de leurs paroles et gestes. Tous nos chefs ou presque, depuis le plus haut sommet de l'Etat en passant par le DG et le PDG d'une entreprise nationale et jusqu'au chef du personnel et au directeur d'une administration locale, répugnent à la critique de leurs actes ou de leur gestion, même brouillonne, calamiteuse, lamentable. Ce qu'ils apprécient par-dessus tout, ce sont les louanges, l'exaltation, le discours flatteur, le respect et la soumission des « inférieurs » à leur autorité, qui se dégrade souvent en autoritarisme déplacé.Tant que ces messieurs détiennent ces parcelles de pouvoir, générateur de prébendes et de prestige, ils se considèrent non seulement comme les « commis de l'Etat », mais comme l'Etat lui-même ! Mais une fois congédiés ou renvoyés à la retraite anticipée, ils s'aigrissent et s'emplissent d'amertume jusqu'à devenir les dénigreurs premiers de l'Etat dont ils furent théoriquement les serviteurs. Alors ils deviennent « critiques ». Mais il s'agit d'une critique négative, de revanche, de ressentiment et non une critique constructive destinée à corriger les insuffisances et les failles de l'Etat. L'absence ou la faiblesse de la conviction, voilà qui rend versatile !Lorsque la culture demeure nourrie ou prisonnière des notions pré-modernes, archaïques ou patriarcales, il ne faut pas s'attendre à ce que la culture au sens d'ouverture d'esprit, de souplesse, de dispositions pour le dialogue et l'acceptation de la différence et de l'opinion de l'Autre pénètrent l'univers des représentations des détenteurs du pouvoir. La culture juridique moderne, apprise par c'ur dans les écoles, les instituts, les universités, etc., se heurte elle-même à cette représentation traditionnelle des hiérarchies, des valeurs et des ordres. C'est dire que notre représentation du droit reste tragiquement dominée par le système d'allégeance, de protecteurs et de protégés, de commandement et d'obéissance dans lesquels la subjectivité et l'arbitraire déterminent en dernier ressort les décisions et les jugements ultimes.Une Justice à la dérive par la faute des politiques'La fameuse Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, reprise par l'Assemblée nationale constituante et placée en tête de la Constitution française de 1791, dispose que « Toute société dans laquelle (') la séparation des pouvoirs n'est pas déterminée n'a point de Constitution » (article 16). Quatre ans avant la proclamation de la République, l'invention républicaine est ici condensée : une Constitution, c'est une séparation des pouvoirs. En clair, une Constitution « civilisée » n'est pas seulement l'énoncé des règles fondamentales d'un Etat, mais, de plus, un Etat où tous les pouvoirs seraient concentrés n'aurait pas de Constitution. Séparer les pouvoirs, c'est empêcher « qu'un même organe ne puisse cumuler la totalité des fonctions ni même deux d'entre elles ». On sent ici l'influence, mais aussi le v'u de Montesquieu. V'u plus facile à proclamer qu'à réaliser, comme le prouvera la dissociation de la Déclaration de 1789 et de la Constitution de 1791, privant la première de toute valeur juridique. Comme quoi même « le pays des droits de l'homme » s'est trouvé en butte à ses propres contradictions internes' et ne réussit à équilibrer relativement les « trois pouvoirs » qu'au bout de deux siècles de révolutions et de refontes successives'Mais que signifie d'abord « séparer les trois pouvoirs » : législatif, exécutif et judiciaire ' Cela signifie qu'il faut admettre le jeu autonome et la dimension créatrice de leurs relations inévitablement conflictuelles. Equilibrer les pouvoirs ne veut pas dire les placer sur le même pied d'égalité ' nul autre ne peut concurrencer celui de faire la loi, mais refuser une distribution hiérarchisée où un pouvoir s'approprierait ou contrôlerait les deux autres. Ainsi l'extraordinaire intuition des révolutionnaires français aura été d'accoucher d'une belle théorie des contre-pouvoirs dont Montesquieu était le précurseur principal. Ce rappel nous permet d'aborder le contexte algérien et la question de l'indépendance de la justice. Une justice indépendante est celle qui peut s'affirmer comme un contre-pouvoir face aux excès et abus de l'Etat. Ou comme le recommande, à juste titre, l'ancien ministre français de la Justice, Robert Badinter, il faut que « ceux qui gouvernent l'Etat se voient retirer tout moyen d'influence sur la magistrature ».Qu'en est-il au juste en Algérie ' Il est permis d'affirmer, sans risque d'erreur, que le pouvoir non seulement empiète sur les compétences de la justice, mais il l'inféode complètement ou presque à ses visées politiques.Exemples concrets qui mettent à nu l'absence d'autonomie de la justiceOn le voit bien au niveau de la lecture de notre droit constitutionnel et de notre code pénal par certains de nos juges. Je ne cite à ce propos que des exemples concrets observés et vérifiables à M'sila. Le juge condamne l'accusé, qui est pourtant présumé innocent tant que les preuves de sa culpabilité ne sont pas établies, en se basant uniquement sur les témoignages du plaignant. Il fait non seulement une lecture unilatérale et partiale des documents livrés par les justiciables, mais il prend subjectivement partie pour l'une contre l'autre. La condamnation pour diffamation de notre collègue Nourreddine Hebiche, enseignant en mécanique à l'université de M'sila, illustre de manière éclatante un parti pris net du juge en faveur de la partie adverse, en l'occurrence, le recteur de l'université. Dans ce cas comme dans bien d'autres, le juge n'a pris en compte que les allégations du recteur et non les éléments de preuve de son détracteur, éléments attestés par le contenu de l'article incriminé qui ne comporte pas de diffamation et par les témoins au nombre de trois qui se sont présentés à la barre en confirmant la véracité des propos de Hebiche reproduits dans El Watan du 31 janvier 2007 sous le titre « Malaise à l'université de M'sila ». Le juge s'est fondé essentiellement sur la requête de l'avocat du recteur, requête édictée essentiellement d'ailleurs par ce dernier en qualité de « victime ». Mais victime de quoi 'La requête le dit : d'une « atteinte à sa personne en sa qualité du recteur de l'université de Msila » et qui a été décrit comme « un homme violent qui suscite des problèmes à l'université ». Pourtant, dans cet article, Hebiche se plaignait justement d'avoir été victime ' ainsi que ses deux collègues Amar Bougeura Et Djamel Taou ' d'une violence de la part du recteur qui avait ordonné à ses agents de sécurité de confisquer brutalement son appareil photo et d'immobiliser son véhicule à l'intérieur du parking de l'université. Hebiche ne parlait donc pas d'une violence imaginaire, mais d'une violence réelle, subie par lui et suite à laquelle lui et ses deux collègues avaient déposé, le 5 décembre 2007, une plainte auprès du procureur de la République, mais sans suite ! Alors qu'elle est antérieure à la plainte du recteur et devant être examinée en premier lieu et avec célérité, celle de Hebiche et de ses deux compagnons a été au contraire purement et simplement reléguée à l'arrière-plan et comme « gelée » au profit de celle du recteur qui fut immédiatement examinée !Enfin, la reconstitution rétrospective des faits et la relecture attentive de l'article incriminé d'El Watan démontrent que l'auteur de la violence réelle n'était pas Hebiche ni ses deux compagnons mais bel et bien le recteur et ses agents de sécurité et que l'argument diffamatoire avancé ne résiste guère à l'épreuve des faits.En dépit de tous ces éléments de preuves irréfutables qui devraient en toute logique militer en faveur de l'innocence de Hebiche, le juge l'a condamné le 26 mai 2009 à 25 000 DA d'amende, en sus de 50 000 DA à la partie civile représentée par la personne de Barhoumi Slimane, en compensation des dommages qu'il a subis en qualité de « victime » ! Comment expliquer dès lors ces deux poids, deux mesures au terme desquels la victime se transforme en coupable, et le coupable en victime ' Par quelle subtile dialectique opère-t-on cette inversion des choses et des priorités ' La réponse est que de deux choses l'une : ou bien le juge a été mu par un parti-pris en faveur du recteur, ou bien il a fait preuve d'incompétence à dire et à appliquer le droit. Dans les deux cas, le droit a été malmené. Pour que le droit conserve sa dignité et son primat au dessus de toutes les considérations subjectives et partisanes, ne faut-il pas reconsidérer la formation de certains de nos magistrats, mais aussi de bon nombre de nos avocats, qui semblent nager au vu de l'observation dans un flou artistique ' Ne faut-il pas revoir et transformer de fond en comble les méthodes et le contenu de leur formation ' L'Etat de droit ne peut en effet s'édifier sur des bases solides et durables sans l'existence de juges et d'avocats bien formés et autonomes vis-à-vis du pouvoir exécutif.De l'abus de pouvoir à l'état purQue font les juges pour faire respecter les dispositions fondamentales de notre Constitution qui, au plan de la jurisprudence, n'a rien à envier aux Constitutions régissant les Etats moderne ' Savent-ils que le recteur de M'sila abuse de son pouvoir et viole constamment, depuis près de cinq ans de gestion de l'université, toutes les règles élémentaires du droit et de la réglementation interne ' Ont-ils examiné avec la neutralité et l'indépendance requises la cinquantaine de plaintes déposées auprès de la justice et qui concernent l'université ' La même question se pose à propos du silence inexpliqué de la tutelle concernant ces affaires judiciaires dont le recteur a été le principal instigateur. Outre ces plaintes qui ont défrayé la chronique judiciaire locale, il faut ajouter les dizaines de courriers envoyés au ministre de l'Enseignement supérieur par des enseignants lésés et qui n'en pouvaient plus d'être menacés, intimidés et harcelés par un recteur qui ne semble obéir qu'à ses sautes d'humeur et qui plus est, faisait de « l'abus du pouvoir » un principe de conduite fondamental' Courriers et doléances n'eurent jamais de suite.Que dit donc notre Constitution, qui devient presque mon livre de chevet et dont je caresse des yeux avec amour tous les soirs ou presque les articles et les dispositions prometteurs de justice, d'équité et d' « épanouissement de l'homme » ' Elle dit sans détours, en son article 22, que « l'abus d'autorité est réprimé par la loi ». Bel article qui aurait pu s'appliquer sans faute à ce recteur fortement grisé et « abusé » par ses relations réelles ou fictives avec les hautes instances du pouvoir'Les victimes expiatoiresde l'abus d'autoritéQuiconque a eu l'occasion de s'aboucher avec le recteur de M'sila ne peut manquer d'être surpris par certains traits de ses conduites. Il vous frappe l'esprit par son esprit volcanique, explosif, par ses paroles saccadées, ses débits précipités et torrentiels, et le tout se déroule sur un fond embrasé. Il s'excite tout seul, s'embrase comme une paille et pour un oui ou pour un non, il monte sur ses ergots comme un coq en rut. Il s'écoute parler et n'a d'oreille attentive et complaisante que pour ceux qui lui disent toujours « oui, oui ya cheikh », ou « monsieur le président, vous avez raison ». Le « non » et le « mais », même nuancés, le mettent dans un état second, hors de lui. La violence intérieure lui semble consubstantielle et un romancier talentueux pourrait le prendre pour un modèle d'inspiration pour restituer les caractères dominants d'une époque. Si Flaubert était en vie, il s'en serait inspiré pour un personnage central de roman. C'est le côté vraiment original, atypique de M. le recteur.Le grand mérite du MESRS aura été donc de nous révéler un gestionnaire dont les talents résident peut-être moins dans ses compétences particulières (la science physique) que dans son art, également singulier, de mener ses administrés à la hussarde. Son langage est sans aménité. Lorsqu'il sévit, il se montre impitoyable. Il se laisse guider par ses propres lubies qui le conduisent, sans s'en rendre compte, à se monter insensible aux souffrances qu'il inflige à autrui.Lorsque monsieur le recteur traite Miloud Bedar, un professeur respectable et non violent de menteur en le qualifiant textuellement de « achbah al-rijâl » (tu n'es pas un homme) ; lorsqu'il suspend le juriste Rabah Zetchi de son poste en lui coupant les vivres et en le traitant de falsificateur, lorsqu'il entraîne, enfin, pour diffamation devant les tribunaux le mathématicien Zeddam Lemnawar, le professeur de littérature Abou Nadja, le juriste Ouhib Boussadia, le professeur de mécanique Hanafi Belgacem, le technicien de labo Djamel Boussena, le fonctionnaire Farid Sraïche, etc., il ne fait en fait qu'exercer une violence impunie qu'il s'efforce vainement de masquer sous les apparences de la légalité.Tout en pratiquant la violence institutionnelle, M. le recteur se pose en « victime » et certains juges locaux semblent lui donner raison puisque aucun d'eux ne s'est soucié du sort de ces malheureux enseignants, tous pères de famille, qui ont des enfants à nourrir et à éduquer, mais qui se trouvent, en vertu de l'ironie du sort, contraints à bricoler à droite à gauche pour s'acquitter des honoraires des avocats. Le recteur, lui, n'a pas de souci d'argent pour payer ses défenseurs : il puise directement du Trésor public. Il est dispensé d'assister aux audiences des tribunaux et s'épargne toutes les tracasseries administratives qui sont le lot quotidien de ces victimes du déni de justice. Certains de ces enseignants, comme Rabah Zetchi, et Hanafi Belgacem, sont privés de leurs salaires depuis 2004, et peinent terriblement à nourrir leurs enfants, et Djamel Boussena n'a retrouvé son poste qu'en 2008, après avoir longtemps « galéré ».L'indépendance et la neutralité des juges, mythe ou réalité 'En suivant de près les dossiers de ces victimes d'arbitraire, en écoutant leurs témoignages, en lisant leur correspondances administratives et judiciaires et en passant au crible leur requêtes et celles des parties adverses, on s'aperçoit que certains juges locaux ne sont là que pour exécuter la volonté de monsieur le recteur. Tout se passe en somme comme s'il était à la fois juge et partie, gestionnaire administratif et homme de droit, sauf professeur de physique nucléaire. Par ailleurs le nombre de dossiers (plaintes et contre-plaintes) déposés auprès de la justice par l'université de M'sila et son recteur dépasserait, selon des témoignages et des données plusieurs fois recoupés, plus d'une cinquantaine. La question qui se pose est de savoir pourquoi ni la tutelle ni la justice locale ne se sont montrées à aucun moment préoccupées par le volume de ces contentieux qui grèvent à la fois le budget de l'Etat, suscitent de sérieux dysfonctionnements de l'université et reportent les nobles préoccupations de celle-ci sur des conflits et frictions souvent stériles et, partant, producteurs d'injustice et d'exclusion 'Comment un homme qui a été congédié de l'Andru, à laquelle il a posé maints problèmes, s'est retrouvé du jour au lendemain promu recteur d'une grande université ' On reste perplexe devant un tel choix. Si l'on voulait résumer le bilan de son mandat de cinq ans à la tête de cet établissement, je dirais qu'il aura été une immense accumulation de cartons de papiers et de dossiers judiciaires avec des préjudices « collatéraux » multiples : préjudice pour l'université en termes de perte d'enseignants suite aux procès, aux suspensions et à exil à l'étranger ; perte d'argent au détriment du Trésor public, gaspillage de temps et d'énergie en querelles et démarches administratives ; pertes en termes de production scientifique et, enfin, surcharge inutile de travail pour les juges déjà écrasés des tâches multiples et harassantes. Si certains avocats pouvaient trouver leur bonheur grâce à des « commandes » régulières et rémunératrices, tel n'est pas le cas cependant des institutions éducative et judiciaire, les grandes perdantes dans ce jeu à « somme nulle ».L'exemple d'un jugement bâcléJe reviens maintenant aux juges. Sont-ils indépendants au sens le plus large du mot ' A s'en tenir à la Constitution, ils le sont de jure et de facto. En son article 129, cette dernière dispose que « le pouvoir judiciaire est indépendant ». Et l'article suivant assure qu'« il protège la société et les libertés. Il garantit à tous et à chacun la sauvegarde de leurs droits fondamentaux ». Et que dit-on du juge ' Qu'« il n'obéit qu'à la loi » (article 138). Ce qui veut dire nulle personne, quels que soient sa fonction, son statut ou son grade dans l'ordre hiérarchique, ne saurait l'influencer ou le détourner de sa mission qui est l'application stricte de la loi qui, à son tour, le protège contre les potentats. L'article 139 précise sans ambages que « le juge est protégé contre toute forme de pression, interventions ou man'uvres de nature à nuire à l'accomplissement de sa mission ou au respect de son libre arbitre ». Article louable, mais qui se trouve dans beaucoup de cas transgressé. S'il est sans doute dans notre pays des magistrats compétents, honnêtes et imbus des valeurs éthiques et morales qui l'appliquent malgré toutes « les interventions » ou « man'uvres » dont ils pourraient faire l'objet, il en est d'autres cependant qui en font peu cas et prennent de larges latitudes pour le détourner de sa finalité.Pour éviter les généralisations abusives et les malentendus éventuels, je me limite au cas de M'sila, et en particulier au mien, qui constitue un exemple illustratif de la conduite de ces juges qui enfreignent la Constitution et l'esprit « fraternel » qui président à notre culture et à nos lois.Le 13 janvier 2009, je suis auditionné par le juge auquel j'ai démontré, preuves en main, que dans mon article paru dans El Watan en date du 10 mai 2008, il n'y avait pas l'ombre d'un seul mot de diffamation et qu'il y avait en revanche une critique visant l'incorrect comportement du recteur vis-à-vis des enseignants et portant aussi sur la gestion purement scientifique qui n'était pas à la hauteur des attentes de l'université et des universitaires dont je suis partie prenante. Je lui ai exhumé l'article que j'ai traduit de l'arabe devant l'assistance, où le juge n'avait rien trouvé à redire. D'ailleurs, cet article aurait dû être traduit par un traducteur assermenté avant le jugement final, ce qui aurait pu faciliter la tâche du juge pour donner un verdict équitable et non expéditif.Les six témoins cinq enseignants de l'université et un représentant des étudiants au moment des faits défilèrent tour à tour à la barre en corroborant les propos reproduits dans mon article. Au juge qui écoutait sans ciller, les témoins dirent en ch'ur que que les faits que j'avais relatés dans l'article en question était non seulement véridiques, mais qu'ils l'étaient « à trois cents pour cent ». Ils ajoutèrent, unanimes, que ce que j'avais exposé dans mon récit journalistique n'était que la partie immergée de l'iceberg et que toute la violence verbale et parfois physique dont faisait preuve le recteur n'était pas complètement rendue par mon article. Aux six témoins s'est joint un autre élément de preuve : l'ex-représentant des étudiants, Salah Saoudi, avait remis au juge, via mon avocat, maître Mohamed Attoui, une attestation de témoignage signée par lui et agréée par les étudiants qui témoignaient en ma faveur en stigmatisant la pétition contre moi que le recteur avait tenté vainement de leur arracher sous la pression et la menace, juste avant ma suspension le 22 juin 2008. J'ai relaté déjà ces faits dans mon article précédent.Quand l'incompétence conjugue ses effets à l'absence de neutralitéC'est qu'il faut noter, c'est que non seulement le juge s'est dispensé de lire, de faire lire ou traduire mon article, mais il s'est contenté tout bonnement de prendre textuellement l'accusation du recteur, telle qu'elle est transcrite dans sa déposition et reprise dans sa requête, pour argent comptant ! Plus grave encore et qui porte gravement atteinte à la crédibilité de la justice mais aussi au professionnalisme et à la probité des magistrats pétris des valeurs du respect du droit et de l'éthique de leur profession, c'est que le juge Ahmed Gouassmia et ses deux assesseurs n'ont nullement pris la peine de vérifier si les propos qui m'étaient imputés dans la requête du recteur ' représenté et défendu par son avocate, Mekhiche Hadda ' étaient vrais ou relevaient de la fantaisie. C'est bien que le verdict rendu le 27 janvier 2009 ne pouvait qu'être biaisé. Il comportait de graves entorses à la vérité et une violation flagrante de l'éthique, de l'impartialité et de l'indépendance du juge.Cette décision inique s'est fondée sur trois termes : « dictateur », « terroriste », « régionaliste », des qualificatifs que j'aurais employés dans l'article. Mots qui en vérité ne figurent nulle part dans mon article, sinon dans l'imaginaire du recteur et de son avocate. Par ailleurs celle-ci m'impute dans sa requête ces phrases non moins graves : « Sa gestion (du recteur, ndlr) suscite une sorte de bureaucratie et de régionalisme globaux dont ont bénéficié certains au détriment d'autres. » Idées fallacieuses que je n'ai pas écrites, comme l'atteste de manière irréfutable mon article.Sur la base de ces données mensongères, je suis donc condamné au motif de diffamation au terme des articles 296/298 du code pénal à 25 000 DA d'amende, augmentés de 8000 DA de frais judiciaires plus un dinar symbolique à verser à la partie civile'.Je fais donc aussitôt appel de cette décision le 1er février 2009 auprès de la cour de M'sila, et le 1er avril devait avoir lieu la première audience, qui fut reportée au 22 avril, puis au 3 juin, puis au 10, puis au 17 juin, et enfin au 1er juillet 2009. Elle est encore repoussée au 7 octobre 2009. Les deux derniers reports ont été motivés par une pièce essentielle portée manquante dans le dossier du recteur : mon article, objet de poursuite en diffamation contre ma personne ! Au total ce sont six reports, dont au moins deux ne sont pas fondés, alors que la loi les fixe à trois au-delà desquels il y a prescription.Mais c'est là que le bât blesse : comment mon article, objet de litige et constituant en théorie une pièce à conviction entre les mains du recteur pour me confondre, se trouve-t-il par deux fois absent de son dossier ' Pourquoi le juge qui m'a condamné à cette amende injustifiée ne s'est-il point donné la peine d'ordonner une traduction dûment agrée de mon article pour faire la vérité ' Je laisse cette question momentanément en suspens et passe pour en soulever une autre dont le caractère énigmatique laisse perplexe : est-il légal de donner ordre au receveur des impôts de m'acquitter, sous peine de recourir à la contrainte publique, de l'amende de 25 000 DA, plus les 8000 DA de frais de justice en sus du dinar symbolique alors que j'ai fait appel le 1er février de cette condamnation 'Mais dans notre pays, rien n'est impossible, tout peut se produire et jusqu'à l'absurde : le 11 juillet 2009, je reçois un courrier de la direction des impôts, agissant sur l'ordre du tribunal de M'sila, me sommant de m'acquitter dans les 8 jours qui suivent des montants ci-dessus indiqués. Ce type de démarche n'est pas seulement contraire au bon sens, à la logique, il contredit aussi de manière flagrante le code de procédure pénale dont l'article 425 stipule avec une netteté d'épure que « pendant les délais d'appel et durant l'instance d'appel, il est sursi à l'exécution du jugement, sous réserve des dispositions des articles 357 alinéas 2 et 3, 365, 419 et 427 » ( code de procédure pénale 2007-2008).Comment expliquer dès lors cette condamnation illogique, sinon par le non-respect de la loi et l'incompétence qui lui fait escorte et qui, tous deux, dénotent cette dichotomie existant entre la proclamation des principes de notre Constitution et la pratique à laquelle celle-ci donne lieu '
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