Algérie

La réforme de la santé en question



Le ministère de la Santé vient d'être déchargé de son dossier le plus lourd, à savoir la réforme hospitalière, voire la restructuration d'un système de santé publique dans ses dimensions les plus larges. Système que le président de la République vient de lier «à la sécurité et à la stabilité nationale».Des portefeuilles ministériels à être vidés de leur substance avant même un quelconque remaniement du gouvernement, celui de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Dirigé depuis quelques mois par le Pr Abderrahmane Benbouzid, ce ministère vient en effet d'être privé de deux de ses missions qui ont fait sa raison d'être depuis sa réorganisation dans les années 90 à ce jour. «La population et la réforme hospitalière» ne relève plus de ses prérogatives si l'on se réfère aux nouvelles «créations» dans le secteur. Le président de la République semble l'établir après qu'il ait adhéré à l'institution de l'Agence nationale de sécurité sanitaire à laquelle il a accepté de conférer, selon le communiqué officiel, «des prérogatives importantes en ce qu'elle sera totalement souveraine dans ses décisions». Le président de la République estime que «l'Agence constituera le cerveau à même de garantir un haut niveau de soins, de médecine qualitative, de protection maternelle et infantile et de prévention plus large des différentes maladies(...), le ministère constituera les membres exécutants». Une précision du premier magistrat du pays qui exclut catégoriquement le ministère de Boubouzid dans la réflexion «scientifique» sur la réforme de la santé publique et de ses différents volets. «Le ministère pourra être transformé en secrétariat de l'Agence dans le but d'archiver son travail», pensent les professionnels. Installé samedi dernier par Tebboune comme président de l'Agence en question, le professeur Kamel Senhadji a donné, à propos des missions qui viennent de lui être imparties, des informations d'une importance cruciale.
Santé publique, sécurité et stabilité nationale '
L'Agence, a-t-il dit, «?uvrera à réformer l'ensemble du système sanitaire» qui, souligne-t-il, est «une démarche de sécurité nationale». Senhadji précise notamment que l'Agence «(...) vise à établir une relation directe entre la sécurité et la stabilité nationale et la santé publique, une question extrêmement importante». L'on se demande comment un professeur de médecine de renommée internationale pourra établir «une relation directe» entre la santé des populations, «la sécurité et la stabilité nationale» d'un pays qu'il a quitté depuis longtemps. Ce «grand projet» doit certainement exiger des coordinations très étroites entre ses précurseurs et l'Armée nationale avec toutes ses branches d'activité sur le terrain. Sinon, rien n'explique comment des scientifiques pourraient-ils s'occuper de la sécurité et de la stabilité du pays avec comme seuls outils de travail leurs approches « intellectuelles » de réorganisation d'un système qui a failli sur toute la ligne ' Vu sous cet angle, ce rapport entre la santé, la sécurité et la stabilité du pays amène à un décryptage simple, le Pr Senhadji ne devra donc rendre compte qu'au Haut Conseil de sécurité que préside le chef de l'Etat. Une mission bien délicate dans une conjoncture d'une sensibilité effrayante au regard, entre autres, de ce qui est instillé par diverses parties du fin fond du Sud ou de la région de Kabylie, sans compter la dégradation de la situation sécuritaire en Libye dont les échos terrifiants se répercutent sur les 1.000 km de frontières que se partagent les deux pays. Charger la nouvelle agence d'une «prévention plus large des différentes maladies», c'est affirmer de fait le caractère très conjoncturel du travail que doit effectuer « la cellule opérationnelle chargée exclusivement d'investigation et de suivi des enquêtes épidémiologiques autour des cas confirmés ou hautement suspects du Covid-19 » que Tebboune a décidé de confier au Pr Mohamed Belhocine. Son intitulé le stipule même clairement. Le Pr Belhocine n'est pas compté comme «un bras exécutant» de l'Agence du Pr Senhadji parce qu'il devra rendre compte seulement au Pr Benbouzid. «Il devra travailler en étroite collaboration avec toutes les autorités concernées à travers le territoire national relevant du ministère de la Santé (...)», a dit le communiqué de la Présidence.
Les bribes d'une gouvernance de «contingences»
Ce dispatching des tâches a dû titiller bien des susceptibilités entre ces «sommités» des systèmes de santé, d'ici et d'ailleurs. D'autant qu'ainsi, il semble que Senhadji est placé en haut de la pyramide pour contrôler tout le monde puisqu'il est chargé de missions hautement stratégiques. Il est clair que le Comité scientifique de suivi de l'évolution de la pandémie du Covid-19, dont le porte-parole est le Dr Djamel Fourrar, continuera sa mission d'information quotidienne sur les cas enregistrés tandis que la cellule de Belhocine va prendre sa canne de pèlerin pour se lancer dans le recensement à travers le pays des «foyers à risque coronavirus» afin de les soumettre aux tests de dépistage «systématique» et des mises en quarantaine. Reste en marge de cette restructuration du système de santé, le ministre délégué chargé de l'Industrie pharmaceutique, Lotfi Benbahmad, que la contestation n'a pourtant pas épargné. Il est ciblé, ces derniers temps, par les associations des pharmaciens qui refusent que le médicament soit taxé pour permettre à la Caisse nationale de retraite de rééquilibrer ses finances. Les pharmaciens déplorent que le médicament soit inclus dans une même liste d'impositions que l'alcool et le tabac, «des produits nocifs et dangereux», disent-ils. Celui qui a parlé de cette liste, c'est le directeur général de la CNR qui a, pendant un moment, joué au chat et à la souris avec les médias en démentant une décision de relèvement des pensions des travailleurs retraités pour la confirmer à peine une semaine plus tard. Aujourd'hui, il se met au-devant de la scène médiatique pour crier au déficit de la Caisse qu'il estime à 700 milliards DA. Pour sa part, Benbahmad a été incapable de faire produire des quantités de masques suffisantes pour les besoins pays. Lui aussi aime la médiatisation mais n'a pas réussi à faire respecter par aucune officine le prix plafond de 40 DA d'une bavette.
Au-delà, le ministère du Commerce a failli à sa mission de contrôle des commerces qui s'adonnent à une mercuriale de prix irraisonnables.
Tinzaouatine, ce point zéro du Sud
L'autre secteur inintelligent, celui de l'industrie qui a choisi la solution de facilité en fermant les ateliers de montage pour rouvrir l'Algérie à l'importation de véhicules avec le peu de devises qu'elle possède en ces temps de crises. Le choix de cette solution n'a nécessité aucun effort sérieux de réflexion, il est celui de la facilité. C'est le retour au point zéro où les constructeurs étrangers faisaient ramener des bateaux pleins de véhicules prêts à circuler. Pourtant, ce gouvernement de «hirakistes» a hérité d'un tissu d'infrastructures de base assez performant, de tout gabarit et dans tous les domaines. La seule mission dont le gouvernement Djerrad aurait dû s'acquitter est celle de le remettre en marche par un encadrement compétent pour commencer à produire sur la base d'un mode opératoire de maintenance approprié. « Abdelmadjid Tebboune, c'est pratiquement l'antithèse d'un Etat de droit, je l'ai pratiqué un certain temps, il a été pendant deux malheureux mois, un 1er ministre qui a mené «zaama» la guerre à l'oligarchie (...),» a déclaré Ferhat Aït Ali Braham l'année dernière. Près de six mois après sa nomination en tant que ministre de l'Industrie, Aït Ali ne dit pas comment il s'est accommodé d'un président de la République «antithèse de l'Etat de droit». Ces bribes d'une gouvernance de contingences et d'opportunisme cachent pour l'heure les véritables problèmes qui apparaîtront en «taille réelle» d'ici à la rentrée sociale. Tinzaouatine, le point le plus reculé du sud du pays, en donne déjà le ton.


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