Algérie

La quête



C'est l'histoire d'une comète qui rencontre un astre. La comète vient d'échapper à un trou noir, manquant de peu d'être absorbée à jamais dans le néant sidéral. La comète est en mouvement perpétuel, poursuivant malgré tout sa course cosmique, charriant dans son sillon des millions de rayonnements et de particules puisés de l'univers entier. L'astre est plutôt stable mais sa force de gravité est immense, irrépressible et insoupçonnable au vu de son volume. Paradoxe, la comète est irrésistiblement attirée par l'astre. Forces centrifuges, puissances d'attraction, dynamiques à la fois contraires et convergentes. L'Etoile et la Comète, c'est le titre d'une pièce d'El Gosto Théâtre en 2005. Cela pourrait être un petit conte astronomique où Kateb Yacine serait la comète ; le trou noir, le 8 Mai 1945 et, bien sûr, Nedjma, l'astre. De là pourrait démarrer le reste de l'histoire à l'échelle des galaxies humaines.Une histoire qui a enfanté d'un génie littéraire, un homme tourbillonnant, étincelant, taraudé par la passion, assoiffé par la justice, entier, électrique souvent, généreux, aux majestés populaires. Et, à chercher les mots pour le dire, seuls nous viennent à l'esprit ceux d'un autre rebelle, Jacques Brel, poète émérite ' et non chanteur comme on l'a cru ' dans son texte La Quête, en hommage à Don Quichotte de la Manche : « Rêver un impossible rêve/ Porter le chagrin des départs/ Brûler d'une possible fièvre/ Partir où personne ne part/ Aimer jusqu'à la déchirure/ Aimer, même trop, même mal,/ Tenter, sans force et sans armure,/ D'atteindre l'inaccessible étoile/ Telle est ma quête,/ Suivre l'étoile/ Peu m'importent mes chances/ Peu m'importe le temps/ Ou ma désespérance/ Et puis lutter toujours/ Sans questions ni repos/ Se damner/ Pour l'or d'un mot d'amour. »Jusqu'au bout, Kateb Yacine a poursuivi l'étoile. Par tous les moyens : roman, théâtre, journalisme, poésie, parole publique, actes et façon de vivre'L'étoile, celle de son amour, Nedjma, celle de l'Algérie, son autre et même amour car il était incapable de compartimenter sa passion. Honorer un homme, même le plus simple, est déjà difficile. Honorer un écrivain, même le plus transparent, est une aventure. Qu'est-ce donc qu'honorer Kateb Yacine, aujourd'hui, vingt ans après son décès dans une équation à trois H : hiver, hôpital, hexagone ' Il y a sans doute maintes façons de le faire. Scientifique comme dans les dizaines de thèses qui lui ont été consacrées ici et dans le monde. Elogieuse, à la manière des rencontres d'hommages ' Docte comme dans les colloques littéraires. Personnelle, par une simple pensée. Toutes aussi respectables, ces démarches se valent. Mais aucune ne saurait remplacer la lecture de ses 'uvres, leur traduction en arabe et tamazight, leur disponibilité dans les librairies, bibliothèques et écoles. Honorer un écrivain, c'est avant tout rendre ses créations accessibles à ceux pour lesquels elles étaient destinées.


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