Seif Al-Islam Kadhafi sera-t-il à la Libye du «Livre vert» ce que Mohamed VI a été à la monarchie alaouite, Abdellah II au royaume Hachémite et Bachar Al Assad à la «dynastie» alaouite ? Est-il tenté, à l'image des ambitions velléitaires de son alter ego égyptien Gamal Moubarak, de se préparer à la «khaïma-trône» de son guide de père? En l'air depuis deux bonnes années, la question, devenue un véritable sujet de prospective, intrigue. Chancelleries diplomatiques, services de renseignements et think tank occidentaux n'en finissent pas de la passer au crible. De la retourner dans tous les sens, contraints en cela par l'illisibilité légendaire de la «Jamahiriya» et par la facette imprévisible de son chef. En attendant que les Occidentaux voient plus clair, Seif Al-Islam Kadhafi poursuit, imperturbable et sûr de lui, son exercice de marketing politique. Depuis le début de l'année, il a multiplié les interventions publiques. Qu'il le fasse au travers des médias ou à la faveur d'une manifestation de la Fondation Kadhafi dont il préside les destinées, «Seif Al-Islam» s'octroie volontiers un rôle. Il s'exprime dans le costume de véritable numéro deux du régime. Et se paie le «luxe institutionnel» d'évoquer des questions «souveraines» qui, de tradition, sont de la prérogative exclusive du bouillant colonel. La visite, à partir de lundi à Paris, du chef de la Jamahiriya - la première depuis 1973 -, le remet au premier rang de l'exposition médiatique. Hier, via un portrait étalé en pleine «une» du Figaro, il a devancé son père sur le territoire hexagonal. En «précurseur», il s'est chargé de fournir les premiers éléments de langage sur la virée parisienne de son père. Un séjour dont il ne sera pas de la partie. «Pour nous, elle doit couronner les nouvelles relations entre la France et la Libye (...) elle montre que nous avons atteint le sommet de notre relation», souligne celui qui, parlant médiatiquement du colonel, le désigne souvent sous le vocable de «guide». A quelques nuances près, l'interview du Figaro confirme une tendance déjà observée au travers des exercices antérieurs. De son interview fleuve à Al-Jazeera à celle de la BBC en passant par celle, plus réduite, de France 2 au moment du dénouement du supplice des infirmières bulgares, le ton est quasiment le même. Le fils de son père parle en dauphin. Il est à la fois «vice-guide», porte-parole de la Jamahiriya. Il confirme, infirme, lance un ballon d'essai sur tel sujet délicat, augure du bout des lèvres une décision lourde en voie d'élaboration. Et dessine des perspectives et installe la Libye dans des horizons lointains. Il n'en faut pas plus pour attiser davantage la curiosité des chancelleries et pousser les services de renseignements occidentaux à multiplier les exercices sur l'équation libyenne. Joue-t-il un rôle politique, est-il «l'héritier du pouvoir», l'interroge Pierre Prier, le spécialiste «monde arabe» au Figaro. Réponse intégrale de Seif Al-Islam Kadhafi : «Je suis un catalyseur, un élément dont la présence produit les réactions, fait arriver les choses, comme en chimie. Pour l'avenir, je ne suis pas devin». A défaut de deviner de quoi l'avenir institutionnel de la «Jamahiriya» sera fait, le fils de son père confirme qu'il a bien un rôle. Et de poids, car le «catalyseur» qu'il est va bien au-delà du rôle «humanitaire» qu'il se taille dans le cadre de la Fondation Kadhafi. Autre question de souveraineté soumise à son appréciation : le prochain envoi d'une force d'interposition européenne au Tchad, un pays en direction duquel le colonel Kadhafi n'a jamais cessé de lorgner. Seif Al-Islam a-t-il une position sur le déploiement d'une force militaire à un jet de pierre de la Libye ? «Je pense que mon père est contre, mais moi, je suis pour. Car je pense que cette force peut arriver à arrêter le bain de sang au Tchad». Dans les rédactions occidentales, d'aucuns, s'appuyant sur certaines de ses déclarations, sont tentés d'y voir une prise de distance par rapport au «Livre vert», la référence doctrinale sous les cieux de la «Jamahiriya». Qu'en pense l'intéressé ? «Nous voulons garder et améliorer notre troisième voie, notre propre vision du socialisme. Nous avons nos propres idées, comme la distribution d'actions des sociétés privatisées aux plus pauvres. C'est une interprétation du livre vert, pas un abandon». Son père approuvera-t-il cette vision édulcorée et soft du «Livre vert» ? Au risque de donner le sentiment que la «dé-kadhafisation» est en marche. Réponse instantanée du fils de son père. «J'en suis sûr» que le père est d'accord. Dans une Libye en quête de nouvelle image internationale, le partage des prérogatives de marketing et de communication est déjà à pied d'oeuvre. En attendant le transfert des prérogatives du pouvoir du guide au guide-junior.
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Posté Le : 09/12/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : L'un de nos correspondants à Paris: S Raouf
Source : www.lequotidien-oran.com