Au moment où les écoles de la spiritualité dans le monde se penchent sur la pensée universelle dans les oeuvres de Muhyeddine Ibn’Arabi et dans les Mawâqifs de l’Emir Abdel-Qâder Ibn Muhyeddine, leur maître commun Sidi Chouaïb Aby-Madyan réapparaît à partir du site où il avait laissé ses derniers messages à ses disciples à Aïn Taqbâlet près de Tlemcen.
Depuis quelques années, de fidèles pèlerins se rendent sur les lieux de sa Qot’blya deux fois par an: le vendredi qui suit chaque Mouloud et le vendredi autour du 13 novembre.
La légende veut que Sidi Chouaïb Aby-Madyan rendit l’âme vers 15 heures d’un 13 novembre de l’année 1197 correspondant au premier jour de l’an Hégirien 594 sur les hauteurs du site d’Aïn Taqbâlet d’où il aperçut le village d’Al-Eubbad de Tlemcen, là où il avait commencé ses enseignements plus d’une trentaine d’années auparavant.
Ce regard de Sidi Chouaïb Aby-Madyan entre Aïn-Taqbâlet et Al-Eubbad, distant de trente kilomètres à vol d’oiseau, sera-t-il un jour restitué pour immortaliser ce rayon de lumière spirituelle entre ces deux prestigieux sites de la Méditerranéenne?
Près de ce site, il a dû jeter aussi un regard sur les côtes andalouses par delà le tapis bleu de la Méditerranée séparant les deux rives de l’Occident musulman.
Tous les étudiants et les collègues de Sidi Chouaïb Aby-Madyan venus l’accompagner dans son périple force de Bédjaïa vers Marrakech assistèrent à cette scène que Muhyeddine Ibn’Arabi nous restitue dans ses oeuvres.
Trois heures avant qu’il ne rende l’âme, Sidi Chouaïb Aby Madyan, se voit sublimé par la grâce de la Qotbîya, ce qui lui vaut sa présence spirituelle perpétuelle malgré toutes les vicissitudes des époques traversées.
Une immense procession s’organisa pour accompagner le défunt d’Aïn-Taqbâlet vers Tlemcen Al-Eubbad.
Aïn Taqbâlet vit partir ce convoi et très peu de sites dans le monde peuvent le décrire, huit siècles après, avec la même intensité et le même décor auquel il ne manque que les grandes figures que furent les élèves et disciples de Sidi Chouaïb Aby Madyan. Les étudiants de Béjaïa pourront-ils un jour contribuer à restituer au IIIe millénaire avec d’autres pèlerins la procession spirituelle sans pareille de leurs ancêtres ?
De Cantlana, près de Séville en Espagne, où il naquit entre 1120 et 1130, Sidi Chouaïb Aby Madyan entreprit le voyage qui le conduisit d’abord à Fès où il termina un cycle d’enseignement et entreprit d’ouvrir sa voie dans le chemin de Dieu en s’arrêtant à Tlemcen une première fois. Après avoir éparpillé les pétales d’une rose blanche sur la jatte pleine de lait que lui présentaient les notables de la ville venus d’ailleurs l’accueillir avec beaucoup de réserve, il se retira ensuite avec ses compagnons auprès du mausolée de Sidi Abdallah Ben’Ali sur les hauteurs d’Al-Eubbad pour assurer ses premiers enseignements.
C’est là qu’il confia à ses disciples Abou Mohamed et Abderrahmane Al-Madani ainsi que Sidi Abdesslam Ben Machich le soin de propager son enseignement prenant source dans le Livre sacré du Qo’rân et la recenssion de la tradition prophétique ainsi que les enseignements de grands maîtres tels qu’Aboul-Qâsem Al Djouhald.
Abdessalâm-ben-Machich envoya son élève favori Aboul-Hacan ‘Ali ben ‘Abel-Djebbar Al-Ghomari vers le Maghreb oriental pour répandre ses enseignements qu’il avait reçus. Il prit alors le nom de Chadhoull et continua ses pérégrinations à travers l’Orient jusqu’à Baghdad après avoir effectué son pèlerinage. Il décéda à Homeïthéra en Haute-Egypte vers 756 de l’Hégire soit 1258 de J.C.
La chaîne se continua au Maghreb par l’imam Sidi Ahmed Zerouk Al-Bernoussi et Sidi Ahmed Benyoucef jusqu’à Moulaï-Larbi ed-Derqâoui mort en 1236 H/G 1823.
Sidi Chouaïb Abi Madyan ne se douta pas alors que plus tard il reposerait près de ces lieux et que huit siècles après, tout le monde parle encore de lui, mais, ces notables de Tlemcen, qui pourrait les nommer?
Cet espace des hauteurs d’Al-Eubbad est de nos jours confié aux bons soins du Parc national de Tlemcen dont la mission se trouve ainsi élargie à la dimension spirituelle dans son cadre écologique.
Les pérégrinations de Sidi Chouaïb Aby Madyan le menèrent ensuite en Orient jusqu’à la ville sainte d’Al-Quods où ses actes de bravoure contre les croisés le distinguèrent et bénéficia ainsi de biens waqfs près de la Grande mosquée d’Al-Aqçâ dans ce qui deviendra le quartier des Magharibas.
Pendant plusieurs siècles tous les maghrébins en visite à Al-Quods ont pu bénéficier des commodités de leur séjour rituel de trois jours grâce au waqf de Sidi Aby-Médian et par la même occasion plusieurs ont fait accéder ce patrimoine au statut universel.
Si la génération des Maghrébins de la fin du XXe siècle n’a pu bénéficier de ces biens waqfs, d’autres générations ne manqueront pas de veiller aux clauses de ces waqfs.
Dans son périple, Sidi Chouaïb Aby-Madyabm accomplit son pèlerinage et c’est au Mont’Arafat qu’il rencontra son maître spirituel Sidi’Abdel-Qâder Al-Djillâly qui lui compléta sa formation et lui confia sa succession spirituelle.
Il retourna après au Maghreb central et s’installa à Bédjaïa dans le quartier d’Al-Lu’lu’a où il commença son enseignement à la Mosquée d’Aby Zakarya’Yahyya Ez-Zwawi.
On aurait dit à propos de cette ville: «Béjaïa permet le gain licite».
Diffuse la science sans te préoccuper de quoi que ce soit et tu planeras dans les cieux avec les grands!»
Il fût rapporté au Sultan Ya’qoub Al-Mansour qu’il serait à craindre pour son trône devant la célébrité d’Aby Madyan lui conférant l’aura d’un nouveau Mahdy et qu’il recevait les passagers clandestins des Banou-Ghania débarquant des Iles Baléares sur Béjaïa avant de rejoindre Biskra. Ya’qoub chargea son gouverneur à Béjaïa de lui faire amener Aby Madynan à Marrakech pour s’en assurer.
Sidi Chouaïb Aby Madyan dit alors à ses disciples que sa mort était prochaine mais qu’elle devait survenir ailleurs qu’à Béjaïa, qu’il ne verra pas le roi et que le roi ne le verra pas!
Lorsqu’il fût arrivé avec ses étudiants à Aïn Taqbâlet, que ceux-ci l’entendirent répéter sans fin «Dieu est la vérité absolue! Dieu est la vérité absolue ! Dieu est la vérité absolue!...» Ils assistèrent tous à sa Qotbiya et rendirent compte par la suite.
Le secret de la Qotbiya que nous décrit Sidi Muhyeddine Ibn’Arabi est resté entre ses disciples dans leur chaîne de transmission.
En ces lieux, Sidi Chouaïb Aby Madyan aperçut au loin le ribât d’Al-Eubbad et tout en mesurant devant ses disciples le chemin parcouru dans la voie de Dieu, il s’écria dans ses derniers moments: «Oh ! Que ce lieu est propice au sommeil».
Cette halte de Taqbàlet, qui vit une si dense spiritualité dans le concept de la globalisation et de l’unique vérité, sera-elle un lieu de pèlerinage.
Posté Le : 13/07/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Mohammed BAGHLI
Source : www.lexpressiondz.com