Algérie - Patrimoine Architectural et Immobilier


La Qal‘a des Banu Hammad, M'sila
Date/période de construction : 1007, début de la construction ; 1010, finition des remparts ; 1062-89, Grande Mosquée, palais des Deux mariées, palais de Bellara, palais des Émirs, palais du Lac ; 1089-1105, construction des palais du Manâr, de l’Étoile et du Salut.
Matériaux de construction : Moellon de grès local, tuf, mortier de chaux et de gypse, sable et chaux, gravier, briques crues et cuites, pierre taillée, blocs de terre crue, béton, plâtre ; décor de stuc, céramique glacée et lustrée, verre coloré, bois, marbre de couleur
Destinataire/mandataire : le souverain ziride Nâsir al-Dawla Bâdîs (r. 996-1016) ou le fondateur de la dynastie hammadide, Hammâd ibn Buluggîn ibn Zîrî (r. 1015-1028)
Dimensions : Périmètre de l’enceinte : 7 km

Restauration :

1974, restauration du minaret de la mosquée ; 1976-1982, mise en place d’un plan de sauvegarde et de restauration du site par l’UNESCO ; 1987, mission algéro-polonaise de restauration de la Qal‘a
Fouillé depuis le XIXe siècle, le site de la Qal‘a souffre aujourd’hui des méthodes archéologiques qui furent employées par les premiers chercheurs. Certaines données manquent et l’état lacunaire des vestiges rend ces structures parfois difficiles à appréhender et à interpréter.

Cette forteresse (Qal‘a) en ruine, première capitale des Hammadides, fut édifiée dans un contexte de renforcement politique et économique de la dynastie. Cette ville résidentielle fut construite en trois ans. D’après les sources, elle connut au XIe siècle un important rayonnement culturel, scientifique et commercial, attirant des personnages célèbres de l’époque, comme le savant juif ‘Abd al-Rahîm ibn Isaac ibn al-Majlûn al-Fâsî, ou le poète et savant Abû al-Fadl ibn al-Nahwî. Dans le courant du XIIe siècle, la puissance de la ville commença à décliner au profit de Bougie ; pillée et détruite à plusieurs reprises, notamment par les Almohades, elle n’apparaît plus dans les sources après la fin du siècle.

L’architecture et les objets produits à la Qal‘a témoignent de différentes influences, qui sont peut-être à mettre en lien avec la diversité de peuplement du site[1]. Celui-ci a livré plusieurs édifices importants, comme une grande mosquée, plusieurs palais dont celui du Manâr, une citerne et un certain nombre d’objets utilitaires et ornementaux, ainsi que de la céramique à lustre métallique. Il constitue un excellent exemple de ville-forteresse, tirant partie de sa topographie : entouré de monts aux versants inaccessibles, le terrain très escarpé était bordé d’une large enceinte en pierre qui comportait trois portes principales. Une seule est relativement bien conservée, munie d’un porche rectangulaire et flanquée d’un bâtiment qui servait sans doute au corps de garde. L’aménagement urbain s’est fait sur les quatre parties plus basses du terrain, constituant des quartiers, chacun doté d’un palais : palais du Manâr, du Lac (Bahr), du Salut et de l’Étoile. Sur la partie la plus élevée s’étendait le coeur de la ville, où prenait place le palais du Lac, la Grande Mosquée et les bains. La partie Sud du coteau, plate et étendue, devait être réservée aux souks. Le très petit nombre de matériaux remployés[2] sur le site s’explique par cette situation géographique escarpée.

Les chercheurs de la Qal‘a[3] se sont penchés sur l’origine des formes architecturales qu’ils découvraient. Plusieurs éléments ont été mis en lien avec l’Iran : l’arc en carène, les coupoles sur trompes en forme de demi voûtes d’arrêtes et les vastes niches en plein-cintre à fond plat du palais et du donjon du Manâr. Certains éléments comme la disposition des entrées des palais (avant-corps ornés de niches semi-circulaires et séparées de piliers) trouvent peut-être leur origine dans le porche de la mosquée de Mahdiya en Ifriqiya et celui de la mosquée al-Hakîm au Caire (Xe siècle). Une nette influence de l’art de l’Égypte transparaît dans l’architecture de la Qal‘a à travers des éléments de décor comme des ornements végétaux. Les niches semi cylindriques sont fréquentes à l’époque des Fatimides, des Zirides et des Normands en Sicile ainsi que les niches à fond plat que l’on connaît au palais d’Ukhaydir (Irak), à Kairouan, à Mahdiya ou à Sfax (Tunisie). On rencontre également des liens avec l’Espagne méridionale, à travers les chapiteaux composites et la disposition en terrasse de la ville, qui ne sont pas sans évoquer la ville de Madinat al-Zahra.

Si un grand nombre de chercheurs ont vu dans le décor de la ville des influences de l’orient musulman, l’art hammadide a ses caractéristiques propres qu’il a transmis à la Sicile et à l’Espagne. En effet, trois siècles avant l’Alhambra de Grenade, les trompes à demi voûtes d’arêtes, les stucs sculptés et les parements de céramique glacée bleue et blanche étaient déjà fabriqués et employés à la Qal‘a.

Bibliographie

Blanchet, P., « La kalaa des Beni Hammad », in Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de Constantine, Constantine : L. Arnodet, 1898, p.97.

Beylié, L.M.E. de, La Kalaa des Beni-Hammad : une capitale berbère de l'Afrique du Nord au XIe siècle, Paris : E. Leroux, 1909.

Golvin, L., Recherches archéologiques à la Qalà des Banû Hammâd, Paris : G.P Maisonneuve et Larose, 1965.

La Qal’a des Bani Hammad : rapport de la mission polono-algérienne 1987-1988, vol.1, Varsovie : Éditions de la mission de conservation PKZ, 1990.

Marçais, G., « La kalaa des Béni Hammad », in Recueil des notices et mémoires de la Société Archéologique de Constantine, Constantine : L. Arnodet, 1908, p. 161.

Saladin, H., « Note sur la kalaa des Béni Hammad », in Bulletin Archéologique, Paris : Imprimerie nationale, 1904, p. 243.

Golvin, L., « Kal‘at Banî Hammâd » in Encyclopédie de l’Islam, t. IV, nouvelle édition, Leyde : E.J. Brill/Paris : Maisonneuve et Larose, 1998, p. 499-502.

Bourouiba, R., L’art religieux musulman en Algérie, Alger : SNED, 1983.

Marçais, G., L’architecture musulmane d’occident : Tunisie, Algérie, Espagne et Sicile, Paris : Arts et Métiers Graphiques, 1957, p. 87.

Notes

[1] Les Sanhaja, parents des Hammadides, constituèrent en premier lieu une classe privilégiée dans la ville, au sein de laquelle coexistaient également des populations provenant des cités voisines, comme Msîla et Sûk Hamza. Un groupe semble avoir été à l’écart des autres, dans le quartier est où se trouve le Qasr al-Manâr : les Jarâwa, communauté berbère qui selon Ibn Khaldûn était de religion juive ou chrétienne. Enfin, au XIe siècle des populations de Kairouan dont un certain nombre de Juifs migrèrent à la Qal‘a.

[2] Il s’agit de colonnes en marbre rose, placées dans la Grande Mosquée et originaire d’un bourg romain du Hodna.

[3] Parmi les chercheurs du site le général de Beylié , George Marçais, Lucien Golvin et Rashid Bourouiba.


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