Algérie

La prostitution clandestine



Un sujet de thèse controversé La prostitution clandestine a fait l?objet d?une thèse de magistère en anthropologie soutenue la semaine dernière par notre cons?ur du quotidien El Djoumhouria, Keltoum Boulkhadrati, au département sociologie. Elle a été particulièrement mise à rude épreuve par les jurys, mais elle a obtenu une très bonne note. Une étude inédite, du moins à l?université d?Oran. Depuis la création de cette institution, durant les années 1960, aucun travail de ce genre n?a été signalé. Mme Boulkhadrati a fait preuve d?un véritable courage en s?attaquant à un tabou non seulement social, mais aussi intellectuel. Une enquête menée dans un milieu réputé être dangereux lui a permis de sortir avec des conclusions intéressantes allant, dans beaucoup de cas, au-delà des idées reçues, l?image véhiculée dans la société de ces femmes qui ont « sombré » (ce n?est pas toujours le mot qui convient) dans ce fléau. Pour poser sa problématique et définir le concept de prostitution qui suppose l?introduction d?un rapport marchand, l?universitaire a eu recours aux travaux et législations européennes élaborés dans le domaine, mais aussi aux écrits produits dans le monde musulman, notamment à l?époque du Prophète. Pour le cas de l?Algérie, des documents écrits portant sur la collecte des impôts liés à cette activité remontent au XVIe siècle, à la Régence d?Alger, sous le protectorat ottoman. A Oran, originaire de régions diverses, notamment du centre du pays, une quarantaine de sujets ont accepté de se livrer pour cette étude via de longs entretiens soutenus par un questionnaire élaboré à cet effet. Ces femmes ont été choisies dans des milieux sociaux divers pour des rencontres dans des salons de coiffure, des pizzerias, à domicile, dans les maisons closes gérées par l?Etat (prostitution déclarée), etc. La représentation qu?elles se font d?elles-mêmes, de leur activité, du regard qu?elles portent sur la société en général et sur l?homme en particulier sont des thèmes abordés et analysés en fonction des catégories prises en compte : jeunes, âgées, veuves, divorcées, violées, issues de milieu économiquement défavorisé, etc. La notion de plaisir fait également partie intégrante de cette étude qui ne s?est pas limitée à une description en surface, mais à des préoccupations particulièrement profondes. Pour les besoins d?une approche anthropologique, l?universitaire s?est même introduite, en usant de subterfuges (femme de ménage), dans les maisons de rendez-vous (luxueuses ou mal loties) afin d?étudier de près ce type de commerce des corps de femmes, dont certaines, contre toute attente, s?accommodent. Certaines d?entre ces femmes évoquent en revanche la difficulté liée au monopole des proxénètes considérés comme « près à tuer afin de sauvegarder leur source de revenus ». D?autres pensent que « les nouveaux amendements apportés au code de la famille éviteront à beaucoup de femmes divorcées de s?enliser dans ce milieu particulièrement dangereux » quand il est géré par des intermédiaires sans foi ni loi. Mme Boulkhadrati, dans son souci d?adopter une démarche scientifique, évoque le point de vue de la religion, mais se garde d?apporter des jugements, car il s?agit de tenter de comprendre un phénomène. Sexiste (malgré l?apparence de réalité) est, par contre, l?attitude d?une source tunisienne, citée dans le travail, qui trouve une vertu à la prostitution : un équilibre social traditionnel qui préparerait les jeunes gens au mariage.


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