Algérie

La presse française entre la mémoire et l'oubli



La presse française entre la mémoire et l'oubli
  Paris.
De notre correspondant

Ils jettent les Algériens à la Seine !» «Par-delà le temps, ce cri d’horreur retentit encore au cœur d’un Paris humilié à lui-même.» «Ils les tuent ! Ils les noient !» «Une ratonnade en règle, froidement exécutée, lâchement assumée dans les coulisses du pouvoir. Un pogrom en pleine Ville lumière. Et soudain, la Seine devint rouge sang... De tous les crimes de la guerre d’Algérie, dont il est impossible d’établir une ‘‘échelle’’  dans  l’infamie, le massacre du 17 Octobre 1961 est à l’évidence l’un des plus signifiants, l’un des plus honteux, celui dont la France gardera la  trace-sans-trace- avec, au fond de l’âme ce spectre du colonialisme et du  racisme qui continue de hanter nos consciences. (...) Plus que jamais, les Français ont aujourd’hui besoin d’une reconnaissance officielle!», s’indigne Jean-Emmanuel Ducoin de L’Humanité.
Le quotidien progouvernemental Le Figaro fait, lui, le service minimum. Il se contente de reprendre une dépêche de l’AFP. Ainsi que L’Express et Le Point. Ainsi, il faut remonter… au 1er novembre 1997 pour trouver trace du 17 Octobre 1961 dans l’hebdomadaire de Claude Imbert, à l’occasion du procès de Maurice Papon. «Que s’est-il donc passé dans les rues de la capitale cette nuit-là ' Etrangement, le bilan des événements n’a jamais été établi. Une chose est sûre : celui, lénifiant, présenté par les autorités - 2 morts, 68 blessés - est peu crédible. Mais faut-il aller, comme on le fait désormais, jusqu’à parler de 200, voire 300 morts ' Le scénario de cette terrible journée rend cette version plausible, mais non certaine», s’interrogent François Dufay et Jean Guisnel.
Le passé complexe
Dans Libération du 15 octobre, Béatrice Vallaeys parle de «mémoire interdite» et s’amuse avec les dates nationales. «Dites 732, la réponse fuse, apprise par cœur sur les bancs de l’école : ‘‘Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers.’’ Le massacre de la Saint-Barthélemy ' On hésite sur la date, mais on sait que Charles IX en fut le commanditaire. Tentez, maintenant, le 17 octobre 1961 et attendez les réactions : regards interrogateurs, que s’est-il bien passé ce jour-là ' Beaucoup de gens ignorent encore qu’une terrible ratonnade a été commise par la police parisienne. Car l’histoire est ainsi faite : plus un événement est éloigné, mieux on le connaît. Les faits récents, eux, restent obscurs, entretenus dans le flou, quand ils ne sont pas mis sous le boisseau, interdits de mémoire». «50 ans après la répression contre des Algériens qui fit plusieurs centaines de morts, les commémorations tentent de faire sortir de l’oubli cette page sombre de l’histoire. (...) La journée du 17 octobre a été un tournant dans la guerre d’Algérie qui continuera jusqu’au cessez-le-feu du 19 mars 1962 et à l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet. Les journaux relatent les faits, des demandes d’enquêtes sur la répression et le rôle de la police sont réclamées, mais Maurice Papon comme ses supérieurs les ont toujours refusées. La censure s’abat sur les journaux, les livres, documentaires qui tenteront de faire la lumière sur cette nuit-là », rappelle le Nouvel Observateur.  Pour le site Mediapart, qui a lancé avec succès une pétition pour la reconnaisse du massacre du 17 Octobre, la position de la France reste celle de Maurice Papon. «Il y a cinquante ans, les forces de police, agissant sous les ordres du préfet Maurice Papon, se livraient à une véritable chasse à l’homme : plus de 14 000 manifestants (…) furent arrêtés - presque un sur deux -, frappés souvent et détenus parfois pendant plusieurs jours. En français, n’en déplaise à ceux qui ont longtemps usé ou usent encore d’un langage délicatement euphémisé dès qu’il s’agit d’atténuer les exactions commises par l’Etat français au cours de cette période, de telles pratiques portent un nom précis : rafles», écrit l’universitaire Olivier Le Cour Grandmaison.

 


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