De l?Europe à l?Afrique, en passant par l?Asie et l?Amérique, la communauté internationale a unanimement condamné hier l?attentat qui a coûté la vie, lundi dernier, à l?ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri ainsi qu?à quinze autres personnes. La presse a été aussi unanime à mettre en garde contre un retour du chaos dans ce pays poudrière du Proche-Orient, ravagé par quinze ans de guerre civile (1975-1990). Mais alors que la presse européenne et américaine, dans son ensemble, voit dans l?Etat syrien le principal bénéficiaire de cet assassinat, les pays arabes préfèrent y voir un complot israélien visant à jeter le discrédit sur Damas. Au lendemain de l?attentat, la presse libanaise, stupéfiée, se préoccupait avant tout de maintenir l?unité nationale. « Ils veulent tuer l?espoir », titrait le quotidien francophone l?Orient le Jour, tout aussi effondré que le Daily Star, pour qui « le Liban, qui a renoué avec les pires moments de la guerre civile, risque de nouveau d?être plongé dans les ténèbres ». « L?enfer s?est de nouveau emparé de Beyrouth », écrivait le quotidien d?opposition An Nahar, appelant les Libanais à « surmonter l?épreuve » et à « resserrer les rangs ». As-Safir et Al Moustaqbal, le journal de l?homme d?Etat assassiné, précisant que Rafic Hariri « est mort en martyr ». « Si on pose la question à qui ce crime profite, la première réponse est bien la Syrie », estime le quotidien français de gauche Libération. Expliquant que les assassins du riche homme d?affaires « avaient pour but de déstabiliser le Liban et d?y empêcher toute remise en cause du statu quo, c?est-à-dire de l?occupation syrienne ». Comme Libération, Le Parisien voit dans l?attentat « un message adressé à Jacques Chirac », « très proche ami de Hariri », et « une réponse à la résolution 1559 de l?ONU », soutenue par la France et les Etats-Unis, et qui réclame le retrait des troupes syriennes du Liban. « Faut-il pourtant porter uniquement son regard vers Damas pour situer les commanditaires présumés de ce crime ? », s?interroge La Croix. Le quotidien catholique français juge que l?on « ne saurait évacuer la piste d?un règlement de comptes de nature non politique. Ni la piste iranienne », Téhéran pouvant chercher à envoyer un message aux Etats-Unis à travers l?un de ses « pions ». De même, le Sueddeutsche Zeitung, en Allemagne (centre gauche), constate que « les regards se portent automatiquement sur la Syrie. Mais un acte terroriste dans son Etat satellite peut-il représenter un intérêt pour la Syrie ? », s?interroge le média. Pour le reste, la presse en Europe est unanime pour désigner Damas comme le principal « présumé coupable ». En Italie, où le Corriere della Sera titre sur « Un complot pour interrompre les adieux à Damas », en Espagne où El Pais estime que « tous les soupçons se portent sur le régime de Damas » ou encore en Grande-Bretagne où The Times (droite) voit dans l?assassinat de Rafic Hariri « une atrocité marquée de la main sinistre de la Syrie ». Dans son éditorial, le New York Times, qui en appelle à une « enquête internationale », voit plus loin et juge que « l?assassinat de M. Hariri pourrait temporairement effrayer les critiques de Damas au Liban, mais que son effet à long terme devrait provoquer un effort renouvelé pour que la Syrie quitte le Liban ». Al-Watan, au Koweït, est l?un des rares journaux arabes à risquer d?évoquer la piste de Damas. Concluant de toute façon que « si la Syrie est incapable de préserver la sécurité, comme certains incidents l?indiquent, elle doit quitter le Liban immédiatement ». Mais pour Al-Khalee, aux Emirats arabes unis, comme pour l?essentiel de la presse arabe, « ce crime ne profite qu?à l?ennemi israélien ». « On ne peut pas dissocier cet acte terroriste des développements critiques dans la région et dans lesquels Israël joue un rôle primordial », analyse ainsi le quotidien qatari Al-Raya. La presse syrienne, sur la défensive, accuse elle-même Israël de chercher à semer « l?anarchie et la division au Liban ». Le journal gouvernemental Techrine explique qu?« Israël a adopté une position hostile au rôle arabe du Liban depuis la fin de son occupation du sud du pays (en mai 2000, ndlr) et qu?il continue d??uvrer pour saboter les réalisations libanaises afin de ramener l?anarchie dans ce pays » et de « voler les eaux et les richesse du Sud libanais ». De la même façon, écrit Al-Watan, en Arabie Saoudite, « ceux qui rejettent l?accusation sur la Syrie feignent d?ignorer les relations excellentes entre le Liban et la Syrie (...), comme ils feignent d?ignorer (...) les menaces auxquelles elle est exposée de la part des Etats-Unis et d?Israël ». De leur côté, les analystes égyptiens - anciens ministres, politologues ou militaires - refusent de croire à la culpabilité de la Syrie. Raouf Ghoneim, ancien vice-ministre des Affaires étrangères, qui s?exprimait sur la chaîne publique Nile-TV et dont les propos sont rapportés par l?AFP, penche pour une « diversion américaine » ou une action israélienne destinée à déstabiliser le Liban et à accroître la pression sur la Syrie. « J?écarte totalement la piste syrienne », déclarait, pour sa part, le politologue Gamal Salama sur la chaîne Al Akhbar. « Au contraire, c?est la Syrie qui est visée par cet attentat. »
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Posté Le : 16/02/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Saïd Aït Hatrit
Source : www.elwatan.com