Pour dire la vérité, le journaliste s’interdit d’être juge vaniteux, c’est pourquoi personnellement sa décision relève toujours de la qualité du fort sentiment qui l’habite.
Réflexion, sans doute trop hasardeuse et trop intelligemment façonnée par la passion du journaliste d’être au cœur de l’actualité aussi. Cela, de toute façon, suppose, après la liberté, le courage d’aller droit au but. Le devoir devient l’urgence d’ouvrir les esprits fermés à la vérité, coûte que coûte, c’est-à-dire brandir l’argument ad hominem par excellence.
Et cela est parfaitement vrai, si l’on pense à la presse algérienne et si l’on se remémore sa longue marche, depuis le prétexte bulletin de l’expédition coloniale L’Africaine du 26 juin 1830 en passant par La Résistance algérienne de 1955-1957, à Al Chaab du 11 décembre 1962 et jusqu’au Code de l’information (3 avril 1990) consacrant le pluralisme de la presse écrite. Cette « longue marche», Achour Cheurfi nous la raconte spécialement, professionnellement, en journaliste attentif et réfléchi dans son ouvrage mêlant heureusement récits et documents et ayant pour titre La Presse algérienne (Genèse, conflits et défis) (*). On y trouvera un épilogue, une chronologie sommaire, un petit glossaire, des biographies et des annexes.
Autant qu’il l’avait fait pour ses précédents travaux (ses fameux dictionnaires réunissant des biographies, des écrivains, des musiciens, des peintres,... N’oublions pas qu’il est aussi poète avec Cornaline et Chahla suivi de Danse Infidèle), Achour Cheurfi nous rappelle avec modestie dans l’épilogue de son présent livre : «Sans avoir eu la prétentieuse ambition de pouvoir aborder ici tous les aspects liés à la presse algérienne, écrite et audiovisuelle, à son histoire, son évolution et ses perspectives, nous avons tenté d’offrir au lecteur une vision panoramique de ce domaine si complexe.» Justement, c’est cette «complexité», au reste informelle, provoquée par les comportements barbares de l’administration coloniale et la frustration atroce subie par la société dite « indigène » de ne pas avoir la presse quotidienne qui la dise durant l’époque coloniale, qu’il est intéressant d’apprendre, point par point, «la genèse, les conflits et les défis» de la presse algérienne. L’auteur attire encore notre attention : «La première observation à faire est que la presse en Algérie, si elle peut se targuer d’être relativement ancienne puisqu’elle remonte à plus d’un siècle, force est de retenir que la pratique journalistique la plus performante réside dans la publication de quotidiens. Or à ce sujet, il faudrait savoir qu’en 132 ans de colonisation, les Algériens n’ont jamais pu disposer d’un quotidien régulier parce que le colonialisme les marginalisait et les tenait pour citoyens de seconde zone. L’Algérie ne connaîtra donc le journal quotidien qu’après l’indépendance.»
Au premier temps de la colonisation, «les premières feuilles» sont caractérisées par «l’esprit d’une presse militaire et gouvernementale». Puis dès 1850, apparaissent «des quotidiens d’une grande influence politique sur l’opinion locale et sur la métropole, concentrés entre les mains de quelques familles de gros propriétaires. On citera entre autres : L’Écho d’Alger fondé en 1912, La Dépêche quotidienne, Le Journal d’Alger, La Dépêche de Constantine et L’Écho d’Oran.»
Pourtant, la rupture est signifiée, quoique modestement, par la presse pré-nationaliste (1881-1930) qui développera son élan nationaliste tout en popularisant l’idée d’indépendance (1930-1954). On retrouvera dans l’ouvrage un grand nombre de titres très évocateurs du sentiment nationaliste des Algériens, en particulier les duels journalistiques historiques suscités par Abdelkader Hadj Ali, Malek Bennabi, Cheïkh Abdelhamid Ben Badis, Hadj Senoussi, et la jeune et fugueuse presse en langue française et en langue arabe : Liberté, El Djazaïr el Djadida, Égalité, La République algérienne,... «Les historiens, note Achour Cheurfi, s’accordent d’ailleurs pour affirmer que la presse algérienne de cette période fut une presse d’opinion qui privilégie le commentaire aux dépens de l’information. Et pour cause, l’information, c’est le quotidien, le rêve impossible que l’élite algérienne ne réalisera qu’après l’indépendance.»
Ce «rêve impossible» a pourtant bellement abouti en un triomphe flamboyant, aguerrissant, en quelque sorte, les journalistes durant la période coloniale et davantage au cours de la lutte de libération nationale. Achour Cheurfi s’attache alors à la presse écrite de l’indépendance face aux nouveaux défis de l’Algérie en reconstruction nationale, décrivant son développement et plus particulièrement son évolution vers un genre et un style essayant d’établir l’adéquation la plus appropriée entre les exigences politiques et les exigences populaires appelées par des espérances démocratiques de la nouvelle Algérie en mouvement... Des chapitres d’un réalisme extrême abordent les vérités d’une constante recherche pour «une vie meilleure», inégalement engageante, inégalement comprise et donc inégalement partagée. Tous les ingrédients pour une discussion populaire large et démocratique, sont souvent ignorés, parfois méconnus et que de fois jetés par-dessus l’épaule! L’auteur ne cesse d’expliquer, et, indirectement, de justifier – a contrario – les soubresauts d’une presse écrite ou audiovisuelle postindépendance. Une conscience professionnelle factuelle apparaît : servir le pays, servir le secteur public. Mais comment? Après le monopole du système colonial, s’installe le monopole du parti unique et de ses préceptes politiques... Pendant la décennie noire, la presse a prouvé son courage et sa liberté, malgré «les rencontres fatales». Après «la tragédie nationale», la presse a renforcé les objectifs de ses idéaux inscrits dans l’éthique du journalisme professionnel algérien. Les nouveaux défis se caractérisent franchement par un esprit d’indépendance toujours en éveil au moment où l’Algérie développe l’accès à la téléphonie mobile et l’accès à la large bande ADSL, augmentant tous les jours le nombre des utilisateurs de la «Toile».
Le pluralisme de la presse écrite et audiovisuelle et d’autres moyens de communication, est une heureuse préoccupation à la fois sociale, économique, culturelle et politique. De la conclusion générale de Achour Cheurfi à son livre La Presse algérienne (Genèse, conflits et défis), il est bon d’observer ceci : «Le contexte dans lequel elle [la presse algérienne] émerge accompagnant la nation dans ses évolutions peut expliquer ses limites mais il lui appartient également ainsi que d’ailleurs aux autres acteurs de la vie sociale et politique de faire en sorte que sa visibilité, sa crédibilité et sa pérennité ne dépendent plus de la contrainte du contexte, de ne plus servir d’instrument ou d’argument à un quelconque régime ou pouvoir mais d’être constamment au service d’un État de droit et de justice, de la liberté et de la dignité citoyennes.»
(*) La Presse algérienne (Genèse, conflits et défis) de Achour Cheurfi, Casbah Éditions, Alger, 2010, 392 pages.
En vente ici : https://www.vitamine.dz/fr/1468.php
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Posté Le : 25/03/2023
Posté par : litteraturealgerie
Ecrit par : Kaddour M'HAMSADJI ' 16-03-2011
Source : lexpressiondz.com