WikiLeaks, une opération anti-américaine? C'est à vérifier. Car sans
crier au complot, il faut bien admettre que les pays arabes sont la première
victime de l'affaire WikiLeaks.
Ce sont les Etats-Unis qui étaient visés, mais ce sont les pays arabes
qui ont trinqué. Ainsi pourrait être résumé le résultat de la publication de
documents diplomatiques américains par le site internet WikiLeaks. Car si
l'Amérique s'en sort plutôt bien de cette épreuve, du moins pendant cette
première semaine, il n'en est pas de même des pays arabes qui ne subissent pas
seulement les effets collatéraux de l'opération, mais semblent bien en
constituer la principale victime. Peut-être la principale cible.
Ce qui devait constituer une
fuite sans précédent de documents américains se révèle donc, en fin de compte,
comme une épreuve amère et, d'une certaine manière humiliante, à travers
laquelle se confirme l'extrême fragilité des pays arabes et musulmans, ainsi
que leur vulnérabilité à la moindre secousse qui affecte les relations
internationales. Car, sans céder à la traditionnelle thèse du complot, et sans
forcément approuver l'iranien Mahmoud Ahmadinedjad, qui accuse l'administration
américaine d'avoir commandité cette opération, il faudra bien admettre que la
première victime de l'affaire WikiLeaks, ce ne sont pas les Etats-Unis, mais
les pays arabes.
En effet, les documents publiés
par WikiLeaks sont essentiellement dominés par des notes concernant le
Proche-Orient, et révélant des pays arabes plus préoccupés par la menace
virtuelle iranienne que par la Palestine, avec des dirigeants hantés par l'Iran
alors qu'Israël ne fait plus partie de leurs préoccupations, le tout sur fond
d'une abdication totale face aux Etats-Unis.
Le Roi Abdallah lui-même est mis en cause dans ces documents. On lui
prête une demande explicite adressée aux Etats-Unis pour qu'ils attaquent
l'Iran afin de l'empêcher d'accéder à l'arme nucléaire. Les autres dirigeants
des pays du Golfe et du Moyen-Orient, rois, émirs et chefs d'Etat, sont
présentés sous la même image, celle de dirigeants implorant ou suppliant les
Etats-Unis de veiller à contenir la menace iranienne, et d'utiliser tous les
moyens pour y parvenir.
L'Iran n'est pas épargné non
plus. Les notes rendues publiques convergent toutes pour insinuer ou confirmer
l'image que la propagande occidentale veut à tout prix coller au régime de
Téhéran. Le tout habilement enveloppé dans des déclarations attribuées à des
diplomates, à des agents du renseignement ou à des opposants iraniens, au
moment précis où, curieusement, des installations nucléaires iraniennes sont
sabotées et où des spécialistes du nucléaire sont assassinés.
Ainsi, l'Iran aurait utilisé des ambulances du Croissant-Rouge pour
acheminer des armes au Liban, durant la guerre qui avait opposé Israël et le
Hezbollah de 2006. Les notes américaines apportent de nombreux détails: les
convoyeurs d'armes, déguisés en personnel humanitaire, étaient en fait des
Gardiens de la Révolution, cette milice qui jouerait un rôle essentiel dans le
maintien de l'Iran en otage, alors que des avions sanitaires iraniens auraient
été utilisés pour transporter des missiles. Avec de tels propos, on quitte les
notes diplomatiques secrètes pour entrer en plein dans la propagande
anti-iranienne, car c'est exactement le discours véhiculé, jusqu'à la
caricature, par la propagande israélienne et américaine, à propos de l'Iran.
Pour les Etats-Unis et Israël, le résultat est inespéré. Ils ont, à travers
WikiLeaks, un moyen inespéré de donner du crédit à leur propagande.
De là à dire que les Etats-Unis ont réalisé une formidable opération
marketing, à travers l'affaire WikiLeaks, il y a un pas qu'il est possible de
franchir. Car malgré quelques désagréments passagers, sans signification
particulière, WikiLeaks a rendu un immense service aux Etats-Unis.
Que révèle, en fait, WikiLeaks ?
D'un point de vue arabe, ce qu'on peut apprendre à travers les documents rendus
publics peut être classé en trois catégories. D'un côté, des révélations sans
importance, comme celles concernant un président du conseil italien plus
bouffon que roi, un président français irascible et népotique, et quelques
images caricaturales de dirigeants occidentaux qui n'auront absolument aucun
impact.
D'un autre côté, on découvre la
réalité d'un monde arabe à genoux devant les Etats-Unis, avec des dirigeants
arabes implorant Washington de les protéger, des dirigeants qu'on soupçonnait
d'être fourbes, mais qu'on découvre encore plus fourbes dans le secret des
chancelleries, préoccupés d'abord de leur pouvoir et de leur libido. Enfin une
troisième catégorie de «révélations», peut-être la plus pernicieuse qui
s'attelle à accréditer la propagande officielle américaine et à lui donner du
crédit. Si les Etats-Unis ne font pas de la question palestinienne une priorité,
et s'ils se préoccupent d'abord de l'Iran, c'est parce que cela répond à une
demande pressante des pays arabes, nous disent les documents de WikiLeaks.
WikiLeaks, un coup anti-américain
? Les faits montrent que c'est d'abord une opération anti-arabe. Qui permet, en
plus, aux Américains de révéler au monde entier et à l'opinion arabe en
particulier, des choses que la diplomatie officielle ne permettrait pas. Ce
qui, à défaut de prouver que les Etats-Unis pourraient manipuler WikiLeaks,
confirme du moins qu'un pays fort, maîtrisant bien son sujet, peut transformer
une opération délicate en une formidable opération de propagande.
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Posté Le : 01/12/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com