Algérie

La précarité gagne du terrain à Bordj Bou-Arréridj



N'était la solidarité familiale et citoyenne qui couvre les besoins de certains ménages, la situation serait pire que ce qu'elle est actuellement.La pandémie de Covid-19 a mis à mal très rapidement l'économie à travers toute la région de Bordj Bou-Arréridj. Plusieurs types de ménages se trouvent ainsi durement touchés. Alors que chez certains ménages la pauvreté se trouve accentuée, d'autres y tombent subitement et de façon parfois dramatique.
En effet, cette pandémie de coronavirus a dévoilé à tous les illusoires "développement harmonieux", "nouveau cadre de vie" et "amélioration du niveau de vie", jadis des sujets de propagande du pouvoir public. Désormais, on parle carrément d'une véritable "flambée de la pauvreté et de la précarité".
Il suffit de voir le nombre de couffins du Ramadhan, des aides scolaires, des dons, des impayés des factures d'électricité, de gaz, d'eau, d'amendes et de loyers, pour mesurer l'ampleur de la crise.
"Une grande partie de la population vit au jour le jour, fait ses courses au quotidien, achète tout au détail, aussi bien un ?uf à l'unité que de l'huile au quart de litre. Ce qui est un indicateur de la faiblesse des revenus", dira Ali, un commerçant de la cité 500-Logements. Dans la région, les secteurs les plus fortement touchés sont l'industrie manufacturière, suivie des de l'habitat, du transport et du tourisme.
Ce ralentissement de l'activité économique et la disparition de milliers d'emplois ont de facto eu un impact sur le pouvoir d'achat et les conditions de vie des populations, traduisant ainsi l'incapacité du revenu (par non-régularité ou insuffisance) à répondre aux besoins fondamentaux minimaux ; mais elle se traduit également par une précarité des conditions de vie, par des risques d'exclusion sociale et des facteurs d'ordre psychologique.
"J'ai perdu mon emploi comme des milliers d'autres ouvriers chez le privé", dira Djamel, 48 ans, ancien ouvrier spécialisé dans une société privée. "Il suffit de faire un tour au niveau de la zone industrielle de Bordj Bou-Arréridj pour voir le nombre de sociétés au chômage technique ou qui tournent au ralenti", ajoute-t-il, en précisant que "si tu perds ton emploi, impossible de retrouver un autre".
Pour ce père de cinq enfants, au chômage depuis presque deux ans, sa famille et lui s'enfoncent dans la précarité. "Je n'arrive plus à payer les factures d'électricité, de gaz et d'eau. Je suis endetté et je n'ai rien à vendre à la maison pour rembourser mes dettes. Tout ce que j'ai est ancien : la télé, le réfrigérateur, la cuisinière", dira Aïssa, la tête baissée.
"C'est ma belle-famille qui aide discrètement leur fille à survivre", ajoute-t-il, les larmes aux yeux. Pour cette veuve avec trois enfants à sa charge, la perte de son emploi l'oblige à quémander pour subvenir au minimum aux besoins de sa famille. "Je porte le voile intégral. Avant de sortir pour mendier, je cache bien mon visage pour ne pas être reconnue et je change toujours d'endroit", dira-t-elle.
"Je suis chassée devant les mosquées par des habitués (femmes et hommes), parce que le nombre de bienfaiteurs a nettement diminué par rapport aux mendiants. Beaucoup de fidèles ne viennent pas à la mosquée par peur de la Covid et préfèrent prier chez eux", précise-t-elle.
Une classe moyenne laminée
Dans une région marquée, ces dernières années, par les inégalités sociales, une autre classe sociale vient de basculer dans la précarité et fait alors dépasser la région le seuil socialement intolérable.
C'est la classe, jadis, appelée moyenne. "Je suis enseignant, je touche 40 000 DA par mois, je n'arrive pas à joindre les deux bouts", témoigne ce syndicaliste et enseignant dans le moyen.
"La vie est devenue trop chère. Les charges ont augmenté et de nouvelles dépenses, comme les masques, le gel, les médicaments ou les herbes, sont apparues", ajoute notre interlocuteur.
"Le citron à 1 400 DA, le poulet à 500 DA, la pomme de terre entre 100 et 90 DA, la courgette à 120 DA, l'?uf à 15 DA... La liste est longue. Comment voulez-vous vivre avec un salaire qui est en dessous de ce que les spécialistes estimaient '" précise-t-il.
La situation des jeunes diplômés-chômeurs est de pire en pire. En plus du chômage, ils ne voient pas de perspectives ni d'issue. "Je vois tout en noir. Comment voulez-vous avoir de l'espoir quand on voit son grand frère, son père au chômage et toute sa famille dans la précarité '" dira Fouad, un jeune pharmacien qui n'a ni trouvé un emploi ni ouvert une officine.
Safa, diplômée en master 2 communication, n'a pas réussi à continuer ses études de doctorat ni trouver un travail. "Depuis deux ans que j'ai quitté l'université et même si je suis major de promo, les postes pour le doctorat sont réservés pour d'autres ainsi que les emplois", regrette-t-elle. "Je suis une fille et je compte fuir le pays", ajoute-t-elle amèrement.
C'est pour cela que les programmes d'action à envisager, pour la région, doivent viser l'ensemble des secteurs qui concourent à améliorer les conditions de vie des populations, qu'il s'agisse du développement humain, social, économique... Il faut surtout encourager les activités génératrices de revenus et créatrices d'emplois.

Chabane BOUARISSA


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