Algérie

La politique étrangère américaine après les élections de mi-mandat



Lors des récentes élections de mi-mandat, peu d'Américains ont déterminé leur vote en fonction de la politique étrangère. Même si cela paraît difficilement compréhensible pour le reste du monde compte tenu de l'envergure globale des Etats-Unis, cela n'en reste pas moins un fait indéniable.

La plupart des Américains n'en sont pas moins préoccupés par la croissance apathique de l'économie américaine et par la persistance d'un chômage élevé. Les défis auxquels le monde est confronté semblent bien loin de leur vie quotidienne. La guerre froide a pris fin il y a une génération ; les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sont déjà loin. La plupart des Américains ne perçoivent rien des sacrifices associés à la présence d'importantes troupes et aux conflits actuels en Afghanistan et en Irak. Mais le fait que la politique étrangère n'ait pas matériellement eu d'influence sur les élections de novembre ne veut pas dire qu'elle n'en sera pas affectée par les résultats. Ce sera le cas, mais d'une manière inégale, et même étonnante. L'une des relations qui sera certainement influencée par la montée des Républicains est celle entre les Etats-Unis et la Russie. Il est peu probable que le Sénat approuve rapidement ou facilement le nouveau traité START sur le contrôle des armements compte tenu d'inquiétudes répétées sur les procédures de vérification et la protection des programmes de missiles de défense américains ; il faudra plutôt s'attendre à des retards et même à des tentatives d'amendement sur certains points déjà validés par le gouvernement. Le Congrès pourrait aussi se montrer réticent à aplanir les obstacles à l'admission de la Russie dans l'Organisation Mondiale du Commerce compte tenu de ce que beaucoup considèrent comme une attitude anti-démocratique de son gouvernement.

 Ce nouvel équilibre au Congrès devrait aussi se faire ressentir en Chine. Les pressions en faveur de sanctions commerciales contre le refus de la Chine de laisser naturellement s'apprécier sa monnaie à la hausse par rapport au dollar étaient déjà importantes. Elles devraient l'être plus encore car la Chine inquiète tant par sa politique intérieure que par sa politique extérieure.

 En outre, le Congrès ne reviendra pas sur les sanctions économiques contre Cuba. Le président Barack Obama a autorité pour prendre certaines mesures afin de normaliser les relations mais un changement significatif de la politique américaine demanderait une action du Congrès – et ce dernier aimerait voir des changements fondamentaux à Cuba avant de s'exécuter. Ces élections auront d'autres incidences. Il n'est plus question pour les Etats-Unis de soutenir une action globale visant à limiter ou à taxer les émissions de carbone. Une amélioration des performances américaines en matière de changement climatique ne pourra provenir que de l'innovation et d'une meilleure efficacité énergétique.

 On peut d'ors et déjà anticiper le fait que les Républicains, ayant pris le contrôle de la Chambre des Représentants, exploiteront toutes les possibilités qui leur sont offertes de convoquer des audiences pour remettre en question et réviser la politique étrangère du gouvernement. Ce pouvoir est à double tranchant. Il peut être bénéfique (par une supervision nécessaire et une meilleure transparence politique) ou destructeur (si par exemple, les audiences dégénèrent en attaques politiques directes contre des responsables de l'administration ou contre certaines de ses politiques.)

 Dans bien d'autres domaines, on peut s'attendre à ce que la continuité soit la constante. Et ce n'est pas vraiment une surprise puisque la Constitution et le système politique américains délèguent la plupart des initiatives de politique extérieure et de défense au président. Oui, il est du ressort du Congrès de déclarer la guerre, d'approuver les dépenses, de valider les nominations de la plupart des hauts fonctionnaires, et (dans le cas du Sénat) de ratifier les traités ; mais le président a une très large marge de manÅ“uvre sur les questions diplomatiques et d'utilisation des forces militaires dans les situations autres que la guerre, ce qui revient dire dans presque toutes les autres. Un domaine dans lequel la continuité devrait être de mise est le Moyen-Orient, où Obama maintiendra ses efforts pour parvenir à un accord entre les Israéliens et les Palestiniens et où il continuera de faire pression sur l'Iran par rapport à l'arme nucléaire. (Les Républicains, cependant, tenteront de soulager la pression sur Israël pour parvenir à un compromis et mettront plus de pression sur l'Iran.) Mais il pourra compter sur un considérable soutien de la part des Républicains s'il décide de maintenir une présence militaire conséquente en Afghanistan au-delà du mois de juillet prochain, ou une présence militaire plus modeste en Irak au-delà de 2011.) De nombreuses interrogations demeurent cependant en matière de politique économique étrangère. Trois accords commerciaux finalisés (avec la Corée du Sud, le Panama et la Colombie) sont en suspens depuis des années, principalement à cause d'une forte opposition des syndicats et du parti Démocrate par rapport au libre-échange. Les Républicains sont traditionnellement plus favorables à ce type d'accords bilatéraux. Mais la nouvelle génération de Républicains maintiendra-t-elle cette tradition ? Il y a de bonnes chances pour que l'un au moins de ces accords aboutisse (en partie parce que l'administration Obama semble enfin admettre que ces accords sont générateurs de bons emplois) ; mais il n'est pas certain que le président se voit accorder l'autorité nécessaire pour négocier un nouvel accord commercial global. Un bien plus grande interrogation concerne ce qui pourrait bien être la plus grande question d'intérêt national : le déficit du budget fédéral. Si rien n'est fait pour solutionner ce problème (et celui de l'augmentation de la dette), les dépenses en matière d'aide internationale, de renseignements et de défense seront menacées – même si les Républicains sont plus enclins que les démocrates à protéger ce genre de dépenses (l'aide internationale exceptée.) La flambée de la dette rend aussi l'Amérique plus vulnérable aux décisions prises par ses prêteurs – ou aux caprices du marché. Une crise du dollar pourrait affaiblir les fondations de la puissance américaine. Mais pour éviter cette crise, il faut que la Maison Blanche et le Congrès, les Démocrates et les Républicains s'accordent tous sur un programme qui permettrait de ramener le budget à l'équilibre. Hélas, compte tenu des élections, la chose semble plus lointaine que jamais.

Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats

* Président du Conseil aux Affaires étrangères.








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