Algérie

La politique des slogans



La politique des slogans
Succédant à l'idée (géniale !) de créer une agence nationale de communication ? contrôlée par le gouvernement ? pour valoriser et positiver en toutes circonstances l'image de l'Algérie à l'intérieur comme à l'extérieur de nos frontières, une vaste campagne de «sensibilisation» à travers tous les canaux médiatiques de l'Etat pour combattre? la violence dans les stades vient d'être à son tour programmée. Soucieux de répercuter le discours populiste du pouvoir politique dans sa forme la plus cynique, le ministère de la Communication a trouvé ainsi, par le biais de ces deux actions, des motifs supplémentaires d'exister et de montrer qu'il occupe plus qu'un strapontin au sein de l'Exécutif. Une opportunité de plus pour affirmer «l'utilité» de ce département qui, dans les pays démocratiques, on ne le dira jamais assez, n'a pas sa raison d'être et qui, chez nous, s'occupe de tout et de rien, des journalistes qui n'ont pas besoin de tuteur, de la jeunesse qui a déjà fort à faire avec sa propre tutelle, de la publicité comme puissant moyen de pression et? des slogans remis à chaque fois au goût du jour pour crédibiliser autant que faire se peut le quatrième mandat de trop de Bouteflika.D'ailleurs, c'est ce dernier postulat qui détermine tout le reste et, par extension, l'engagement sans faille de tous les membres du gouvernement qui ne sauraient se référer à un projet sans le lier au programme du Président. On y est en tout cas en plein. La preuve par neuf : à l'occasion de la commémoration du 1er Novembre, le ministre de la Communication mettra sur pied, en exclusivité, une exposition photo retraçant le parcours et les grandes réalisations de Bouteflika. Prenez-le comme vous voulez, mais ne dites surtout pas qu'il s'agit d'un acte de flagornerie pour mériter les galons. Pensez plutôt que cette idée participe au combat contre le pessimisme qui aurait atteint les Algériens. Pourquoi voir tout noir quand on peut, d'un simple jeu de lumières, donner une autre couleur au tableau ' Mais bon, on n'est plus dans la sphère du mensonge classique, on passe dans celle de l'illusionnisme caricatural auquel le nouveau patron de la com' semble s'adapter avec une certaine aisance.Retour à nos sujets du jour : après donc le bide annoncé d'une ambition démesurée de vouloir «professionnaliser» le milieu journalistique ? notamment dans le secteur audiovisuel qui a survécu à lui-même pour essayer de remplir tant bien que mal sa mission et dont les carences et les contradictions vont au-delà d'un simple renouvellement des cartes ? il a décidé de monter bruyamment au créneau en s'attaquant, cependant, à deux thèmes d'une extrême sensibilité qui nécessitent un traitement de choc et une approche socioéconomique en profondeur beaucoup plus raisonnée si on désire les voir un jour rayonner, au lieu d'être exposés à une exploitation conjoncturelle pour des considérations purement démagogiques, à un moment où la gestion des affaires du pays par les plus hautes instances va dans tous les sens.En somme, pour rester fidèle à une devise incontournable pour nos dirigeants malgré les désastres qu'elle engendre, on continue de croire qu'il suffit de jouer avec les mots pour guérir les grands maux de notre société. Cela ressemble à une indicible opération de mystification qui, hélas, n'est pas nouvelle dans l'aréopage politique dominant, lequel, faute de pouvoir trouver les solutions idoines aux problèmes posés dans les différents domaines de la vie active, n'a d'autre expédient que de se tourner vers les formules les plus simplistes pour brouiller son incapacité flagrante à se mettre à la hauteur de ses responsabilités.En participant mieux, en s'impliquant très fortement dans ces deux initiatives qui prennent l'allure d'une offensive de charme pour atténuer les critiques acerbes que subit le pouvoir, le ministère de la Communication confirme la tendance propagandiste du gouvernement et son incompétence à mener de vraies réformes pour l'Algérie. Comment vendre une belle image du pays alors que tous les clignotants sont au rouge. S'est-on posé cette question cruciale avant de se lancer dans l'inconnu ' Peu probable?Il reste qu'on croit au miracle d'une séduction qui ne repose sur aucun fondement tangible.Le désespoir des Algériens n'est pas tant qu'ils sont moins patriotes ou moins nationalistes qu'on voudrait le faire croire, mais bien la résultante d'une grave crise morale et économique induite par les gouvernants qui ont l'outrecuidance, en plus, pour noyer leurs faiblesses, d'incriminer tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Mais la pilule passe encore moins bien auprès des étrangers qui connaissent l'état du pays et qui, par conséquent, demeurent hermétiques à l'appel des sirènes. Venir faire du business, OK, mais les amener à plaider pour une vitrine factice d'une Algérie qui tourne en rond, c'est une autre histoire.Au demeurant, pourquoi notre pays vit-il encore dans une accablante autarcie si ses atouts touristiques, par exemple, et ses commodités commerciales sont considérés comme attractifs ' Le tourisme source de richesse, parlons-en : au moment où d'autres nations moins pourvues que nous affichent des chiffres qui font tourner la tête ?10, 20, 30 millions de visiteurs par saison touristique ? et ne sont pas comprises dans le lot des pays au top comme les USA, la France ou l'Espagne, l'Algérie aligne fièrement le ridicule score de 7000 (un record) touristes qui ont fréquenté le Sud.Si les touristes ne viennent pas, c'est parce que notre pays n'a jamais opté pour une vraie politique touristique, qui réponde à des codes culturels, sociaux et économiques précis et à des investissements pouvant faire face à la demande. Tant que le pétrole coule à flot, le tourisme est resté à l'état de fantasme, poussant même nos compatriotes à aller ailleurs chercher ce qu'ils n'ont pas chez eux. Cette frustration est en elle-même une forme de violence qu'on ne peut guérir avec des slogans. Comme tous ces jeunes qui viennent se défouler dans les stades, exprimer leur? désespoir par la violence quand le pays ne leur offre aucune alternative pour avoir une existence plus harmonieuse. Là aussi, combattre la violence dans les stades par une énième campagne de sensibilisation demeure une hérésie que seul le pouvoir n'arrive pas à comprendre.




Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)