Algérie

La police interdit les ventes-dédicaces



Jeudi dernier, une vente-dédicace de l'auteur Ali Belhot, que devait abriter la librairie Multi-livres, a été interdite par la police, car "dorénavant il faut une autorisation de la Drag" pour les auteurs.Après l'interdiction à plusieurs reprises déjà du café littéraire de Bouzeguène, organisé par l'association culturelle Ti3winin, les autorités de la wilaya de Tizi Ouzou passent à une nouvelle étape dans l'empêchement d'événements culturels et littéraires, en interdisant, jeudi dernier, une vente dédicace programmée à la librairie Multi-livres, sise au chef-lieu de wilaya.
Cette interdiction a concerné le livre Ageggig n ugudu de l'auteur Ali Belhot, qui compte une préface du chanteur et néanmoins leader du mouvement autonomiste Ferhat M'henni. Ce qui serait probablement à l'origine même de cette interdiction. Si cette interdiction n'a pas été signifiée de manière écrite, elle a été cependant exprimée verbalement au propriétaire de la librairie Multi-livres, Aomar Cheikh.
"L'interdiction de toute vente-dédicace m'a été exprimée verbalement par la police, qui m'a aussi indiqué que la vente-dédicace de jeudi ne devrait pas se faire et que, dorénavant, il va falloir avoir une autorisation de la direction de la réglementation", nous a expliqué Aomar Cheikh, le propriétaire de la librairie.
"Si cette interdiction concernait juste cet écrivain, il fallait juste le dire afin de ne pas toucher le reste des écrivains !", nous a-t-il ajouté, précisant que même la vente-dédicace prévue hier a été également annulée. Celle-ci, a-t-il ajouté, devait être animée par Djilali Leghima, auteur du livre Emigration dans la révolution algérienne. Tout en précisant que ce sont les écrivains qui sont soumis à cette autorisation, et non pas la librairie Multi-livres.
À ce propos, M. Cheikh a indiqué que "suite à cette interdiction, nous avons contacté les auteurs dont les ventes-dédicaces sont déjà programmées afin d'aller demander cette fameuse autorisation pour pouvoir organiser leur vente". "Je pense que ce n'est pas le cas dans d'autres villes d'Algérie où ce genre de ventes sont organisées normalement.
J'ai moi-même appelé des amis libraires pour voir s'ils ont été soumis à une autorisation, et ils m'ont dit que non", a regretté Aomar Cheikh. Cette nouvelle interdiction n'a pas manqué de susciter de nombreuses réactions, dont celle des organisateurs du café littéraire de Bouzeguène qui ont adressé un message de solidarité à la librairie Multi-livres.
"Le café littéraire de Bouzeguène est outré par le comportement abusif et les lois tordues instaurées par les autorités de la wilaya de Tizi Ouzou", lit-on dans ce message à travers lequel les auteurs ont "dénoncé une énième fois les pratiques despotiques de la part des autorités de la wilaya de Tizi Ouzou. Ils veulent réduire au silence nos écrivains et nos artistes en fermant tous les lieux de culture".
Contacté par nos soins, Lynda Chouitene, lauréate du grand prix Assia-Djebar 2019, a affirmé avoir "appris cette nouvelle avec beaucoup d'étonnement" et se demande, à juste titre, "si les livres font-ils aussi peur ' Est-ce de la bureaucratie ou une forme de censure '". "Et si c'est le cas, pourquoi faudrait-il une autorisation pour dédicacer des livres publiés en Algérie ' Cela est tout simplement absurde", a-t-elle réagi.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux citoyens n'ont pas hésité à dénoncer "un retour de la police de la pensée". D'autres estiment que cette interdiction d'un ouvrage en tamazight s'inscrit dans la même politique antiamazighe du pouvoir qui a débuté avec l'interdiction de l'étendard amazigh.

K. Tighilt


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