C'est officiel, les Tunisiens sont interdits de pèlerinage à La Mecque
pour cause de grippe porcine.
La décision était prévisible, le gouvernement tunisien a multiplié au
cours des derniers mois les signes qu'il envisageait de prendre cette décision.
Il ne déplaît d'ailleurs pas au gouvernement tunisien d'être le premier à
prendre une mesure sans précédent, en Tunisie comme dans le monde
arabo-islamique. A défaut de pouvoir se vendre comme une démocratie, la Tunisie
cultive, depuis le statut du personnel édicté sous feu Habib Bourguiba, le
statut d'un pays «moderniste» qui ne se plie pas aux exigences des religieux.
D'autres pays arabes oseront-ils suivre ? En Egypte, certains responsables
avaient suggéré cette interdiction mais ils ont dû opérer un repli face aux
critiques. La décision de Tunis va peut-être leur permettre de remettre le
sujet sur le tapis. En tout cas, tout indique qu'Alger ne suivra pas l'exemple
tunisien et que les Algériens iront, malgré les risques, faire le pèlerinage à
La Mecque. La décision prise par le gouvernement tunisien ne plaira pas à tous
les Tunisiens et ne manquera pas de susciter des polémiques dans le monde
arabo-musulman.
Même les religieux sont divisés...
La décision du gouvernement
tunisien a été graduée. Début septembre, Tunis a interdit la Omra, le «petit
pèlerinage». Hormis de mettre en émoi les agences de voyages qui perdaient dans
la mesure une partie de leur activité annuelle, la décision ne posait pas de
problème majeur. La Omra n'est en effet pas une obligation religieuse mais une
forme de tourisme religieux souhaitable, une «sunna» pour reprendre le terme
usuel. L'interdiction du Hadj, elle, est de nature bien différente puisqu'elle
concerne l'un des cinq piliers de l'Islam.
Le débat polémique sur le report
éventuel du Hadj 2009 pour cause de risques liés à la propagation de la grippe
A(H1N1) n'oppose pas les «laïcs» aux «religieux». Les religieux, eux-mêmes, ont
eu des appréciations contradictoires. Certains de ces religieux ont estimé
qu'il ne fallait pas toucher à ce pilier alors que d'autres, au nom d'un
principe de précaution connu et admis par les religieux, se sont déclarés
favorables à un report. Dans ce débat, la position de l'Arabie Saoudite, pays
d'accueil, a été déterminante: oui à la multiplication des précautions, mais
hors de question d'annuler le Hadj. En d'autres termes, il revenait à chaque
pays de décider pour ses ressortissants.
La Tunisie avait déjà éliminé de
facto un nombre très important de candidats potentiels au pèlerinage en
adoptant une recommandation des ministres de la Santé des pays du Proche-Orient
préconisant d'interdire le Hadj au plus de 65 ans. On se souvient que les
ministères algériens des Affaires religieuses et de la Santé ont contesté cette
décision et ont indiqué que les seniors de plus de 65 ans ne seront pas
interdits de Hadj si leur état de santé le permet.
Vendredi dernier, le gouvernement
tunisien a fait un pas vers l'interdiction général du pèlerinage. Une
«recommandation» du ministère tunisien des Affaires religieuses a demandé aux
Tunisiens de reporter leur pèlerinage. «La préservation de la vie humaine étant
l'un des objectifs majeurs de l'islam, la condition d'aptitude à
l'accomplissement de ce rite (Hadj) devient inexigible face à la gravité de la
situation», indiquait le communiqué en faisant jouer le principe de précaution.
Fièvre...
Depuis, hier, on est passé de la «recommandation» à l'interdiction. Le
ministre tunisien des Affaires religieuses Boubaker Akhzouri a expliqué la
décision par le souci de «préserver la vie humaine». Selon lui, les lots de
vaccins commandés ne seraient pas disponibles avant fin octobre alors que les
autorités saoudiennes ne délivrent le visa du Hadj que deux semaines après
l'immunisation des fidèles candidats au pèlerinage, a-t-il expliqué. L'argument
est quelque peu surprenant. Jusqu'à plus ample informé, l'Arabie Saoudite n'a
pas fait de la vaccination contre la grippe porcine une condition pour l'entrée
des pèlerins en Terre sainte. Le vaccin en question n'étant pas encore
disponible, l'exigence aurait été difficile à réaliser. Un responsable saoudien
au ministère de la Santé Ziad Bin Ahmed Memish a déclaré lundi que l'Arabie
Saoudite maintenait le «grand rendez-vous de La Mecque et de Médine... Nous
avons posé des conditions pour le pèlerinage des personnes âgées et des malades
mais il n'y a pas de craintes à avoir: le grand pèlerinage se déroulera dans de
bonnes conditions». Le ministre tunisien a invoqué un argument plus sérieux en
faisant valoir qu'au regard de l'islam «la capacité physique et matérielle» est
une condition à l'accomplissement du Hadj et que la préservation de la vie est
un «précepte fondateur» de la religion musulmane. La décision tunisienne va, on
s'en doute, augmenter la fièvre d'une polémique qui semblait s'être tassée.
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Posté Le : 07/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com