Algérie

«La plupart des clubs préfèrent les résultats immédiats»



«La plupart des clubs préfèrent les résultats immédiats»
Pour étayer notre thèse sur la problématique de l'absence de retombées des deux qualifications de l'EN au mondial sur le niveau du football en Algérie, nous avons pris le soin de poser la problématique à un technicien connu et reconnu, qui occupe actuellement le poste de DTN adjoint, directeur de la formation des entraîneurs au niveau de la Fédération.- La qualification de l'EN pour son second Mondial de suite n'a pas eu de retombées sur le football national. En tant que technicien, comme l'expliquez-vous ' L'explication est simple : c'est que dans le club, on ne travaille pas assez et correctement pour plusieurs raisons. Je citerais entre autres le manque de gestion à tous les niveaux, le manque d'infrastructures et de moyens aussi. Il n'y a pas une politique dans les clubs et la course derrière les résultats immédiats, en s'occupant exclusivement des équipes seniors, faisant que la majorité des clubs ne se consacre plus à former et à produire des joueurs pour les différentes sélections. La formation et le développement du football sont marginalisés. - On comprend par là que ce n'est pas une surprise pour vous? Tout à fait. On ne doit pas s'étonner de voir l'EN se qualifier à deux reprises pour la la Coupe du monde sans que cela soit suivi d'une amélioration du niveau sur le plan local. C'est vraiment malheureux que ces deux qualifications consécutives ne boostent pas et surtout ne motivent pas les clubs à travailler et à former d'une manière correcte et saine pour alimenter les différentes sélections, notamment l'équipe première. Logiquement, cela devait encourager les gens et nos clubs à travailler, surtout qu'ils savent que nous faisons confiance à nos joueurs formés à l'étranger, qui restent bien évidemment des Algériens à part entière et ont le droit de porter le maillot national. Le constat est là : sur le plan local, il n'y a plus de très bons joueurs, pour la simple raison qu'on ne travaille pas dans les clubs et qu'on n'est pas organisés pour produire de bons joueurs. - Justement, beaucoup estiment que cette EN et sa composante ne sont pas représentatives du football du cru. Etes-vous d'accord ' Je suis tout à fait d'accord. Mais si on parle du plan technique, je dirais que le joueur évoluant en Algérie n'a rien à envier à son compatriote qui évolue à l'étranger d'une manière générale. La différence, à mon avis, réside justement dans la réflexion tactique des joueurs formés en France. Ils ont un acquis sur le plan réception tactique plus important que celui des locaux. - Qu'est-ce qui fait que le joueur formé à l'étranger est plus apte qu'un joueur du cru ' Nos joueurs internationaux venus de l'étranger, plus particulièrement de France, ont reçu une formation plus ou moins correcte qui leur permet de créer cette différence entre eux et ceux évoluant en Algérie. C'est pour cette raison qu'on constate que notre sélection est composée en majorité de nos joueurs formés dans les clubs étrangers. Mais je précise qu'ils ont aussi bien le droit et même le devoir de défendre le maillot national comme ceux du cru. - Que faut-il faire, selon vous, pour que les locaux puissent prétende à la sélection ' Pour produire plus de joueurs qui peuvent alimenter la sélection nationale et bien évidemment pour notre championnat afin qu'ils soient d'un niveau plus relevé, pour moi, tout est une question d'organisation. Quand on voit le manque d'organisation qui existe dans la majorité de nos clubs qu'on appelle «professionnels», je suis très sceptique quant à leur capacité de former des joueurs pour l'équipe nationale. - La faute incombe donc à nos clubs qui ont abandonné leur rôle de formateurs ' Evidemment que la faute incombe à nos clubs. Ce n'est pas à la Fédération de former les joueurs au sein de leur club. Cette dernière est chargée du développement, de la formation des entraîneurs et des sélections nationales. Et c'est à elle de choisir les meilleurs joueurs, soit du cru, soit évoluant à l'étranger pour former cette équipe nationale. Tout cela pour vous dire que la formation des jeunes joueurs incombe exclusivement aux clubs. - Selon vous, pourquoi sommes-nous arrivés à cette situation ' Les choses ne sont plus comme elles étaient avant. Il n'y a plus de grands espaces de jeu dans les quartiers où dénicher les talents. De notre temps, on avait déjà joué cinq à six ans dans la rue avant de rejoindre un club, alors que maintenant, un gamin de 13 ans rejoint le club à l'état brut, c'est-à-dire sans aucune réelle notion de la pratique footballistique. Et quand cet enfant est admis dans le club avec un manque sur le plan technique, suivi d'une mauvaise prise en charge en matière de formation, c'est logique que ce jeune se retrouve limité automatiquement six ans après dans la catégorie senior. C'est pour cette raison que les joueurs locaux n'ont pas le niveau pour concurrencer ceux évoluant à l'étranger, qui ont été bien formés sur des bases solides pour évoluer en catégorie senior. - Que préconisez-vous pour qu'on puisse amener nos clubs à retrouver leur vocation initiale, à savoir la formation des jeunes ' Il faut savoir que la fédération n'a pas de pouvoir technique sur les clubs. Ces derniers sont des Société s sportives par actions (SSPA), alors que la fédération est une association sportive et qu'elle n'est pas la cause de la rareté de bons joueurs. Tout d'abord, il faut qu'il y ait des gens capables au niveau des clubs. Ce n'est pas n'importe qui qui peut tracer une politique à court et à moyen termes au sein de ces clubs en fonction de leurs moyens. C'est aussi une question de gestion et de compétence et il faut une réelle volonté des responsables de ces clubs pour qu'ils puissent retrouver leur vocation initiale et déterminante qu'est la formation. - Les académies de football peuvent-elles suppléer le travail des clubs dans la formation ' Absolument pas. Ce n'est pas une ou deux académies, si elles existent vraiment, qui pourront produire des joueurs pour les différentes sélections. C'est insignifiant comparativement à la capacité des clubs dans la formation des jeunes, qui reste de leur responsabilité. La formation et le niveau du football national sont sous la responsabilité des clubs. Ce sont eux qui peuvent élever le niveau du football, ou au contraire le rabaisser comme on le constate actuellement. Et ce n'est pas parce que trois ou quatre joueurs du cru évoluent en équipe nationale et ont décroché des contrats à l'étranger, qu'on va se targuer d'avoir formé des joueurs de bon niveau. - Un dernier mot pour conclure ' Au niveau de la fédération, je peux vous dire que tous les moyens sont mis à notre disposition. La fédération joue un rôle important dans la formation des entraîneurs qui pourront à leur tour former des encadreurs. On a formé plus de 3900 entraîneurs, dont plus de 150 anciens joueurs internationaux, à l'instar de Belmadi, Raho, Hadou, Zaoui, Zeghdoud et Dziri, etc., depuis 2011 et on continue encore à former. Pour ce qui est des clubs, ils doivent assumer leurs responsabilités. Certains font des efforts dans le domaine de la formation, mais il sont vraiment insignifiants par rapport aux attentes.




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