Algérie

La plaque romaine toujours enfouie



La rue Bab Azzoun faisait partie d'une voie romaine « le cardo-domanus ». Une trace en est restée : en haut d'un pilier est accrochée une plaque portant des caractères romains. Il reste que rares sont ceux qui y font attention, puisqu'elle est cachée depuis des années sous une couche d'enduit consécutive aux travaux d'embellissement entrepris au pas de charge dans ce quartier de la basse Casbah. Située à l'angle de la rue Sidi Ahmed Oucherif Saïd (ex-rue Caftan), cette plaque a été trouvée par hasard par un cloutier durant les années où l'endroit, situé à l'emplacement des remparts de la ville, a été aménagé par le génie militaire français. L'artisan l'utilisera à ses fins avant qu'elle ne soit reprise par les entrepreneurs et, plus tard, prise en charge par le comité communal du Vieil Alger. (El Watan 30 mai 2005, voir article de Lamine B.). La plaque épigraphique porte la mention du nom romain de la ville : Icosium, avec le nom du conseil municipal du Comptoir. « En 202, avant J.-C., la ville passe sous influence romaine, suite à l'alliance scellée entre Massinissa et Scipion l'Africain contre Carthage. Le nom d'Ikosim prend sa forme romanisée Icosium », relèvent des historiens. Mais l'APC actuelle de la Casbah, ou même la direction de la culture, chargée des fouilles à quelques mètres de là, dans un site romain enfoui à la place des Martyrs, s'y intéressent-elles ' Ce n'est pourtant pas la faute aux spécialistes et autres historiens qui avaient tiré la sonnette d'alarme en 2005. Depuis, aucune réaction, et l'inscription est toujours enfouie et risque d'être détruite, si par malheur l'endroit disparaissait. Des immeubles de ce quartier d'Alger ont été démolis, d'autres ont vu leur vocation changer sans que les autorités ne réagissent. « Il ne faut rien attendre des autorités puisque ,à la rue Bab El Oued, des bains romains, mis au jour, se retrouvent délabrés et seuls les trabendistes semblent en profiter. Malgré le mur d'enceinte installé, la protection de l'endroit, situé à quelques mètres de l'îlot Lalahoum, n'est pas effective. La seule décision prise est de fermer l'endroit », soutient un Casbadji, qui affirme que fermer juste le portail est une mascarade, puisque l'endroit n'est pas réhabilité et les mosaïques et autres murettes sont toujours menacées. Les anciens souks comme El Kherratin, El Kebir, qui étaient la marque de la rue Bab Azzoun (qui est l'une des six portes que compte le Vieil Alger) à l'époque ottomane, n'ont pas disparu totalement avec le réaménagement de l'endroit, car on y trouve toujours des vendeurs d'étoffes, et seul un libraire fait de la résistance. Autre spécificité de cette rue : c'est là où se trouvaient aussi plusieurs marchands juifs, dont certains n'ont quitté leur commerce que lors de la guerre du Kippour, en 1973. Des cafés, qui faisaient la réputation de cette rue marchande, ont disparu. Il ne subsiste que des placards publicitaires rappelant la boisson Cruch. Toutefois, ce lieu fut aussi celui où se sont distingués beaucoup d'artistes. Le photographe suisse, Jean Geiser, y avait ses quartiers. Le local qu'il occupait au n°7 a été transformé par la suite et seules les photos qu'il a laissées en sont les témoins. C'est aussi non loin de cette rue, qu'a été assassiné, le 28 septembre 1995, Abou Baker Belkaïd, ministre de la République.La culture et ses diverses manifestations résisteront-elles à la bêtise humaine ' Beaucoup n'y croient pas trop, puisque la culture de bazar a pris place pour longtemps encore et que les autorités ne s'en soucient guère. Tiziri n' at Imezran, d'où a été tiré le nom de Ziri Ibn Mezghéna, ne retrouvera sa splendeur que par des décisions politiques courageuses. Mais une prise en charge de la plaque de Bab Azzoun nécessite-t-elle autant de courage ' Deux seuls gestes suffiraient : celui de Mme la ministre, pourquoi pas ' et ensuite celui de l'ouvrier qui enlèvera la patine.


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