Algérie

La plaque inaugurale ne ferait-elle pas office de pierre tombale ?



Question pour 50 centimes, dont on ne trouve plus la trace aujourd'hui. Mais la question mérite plus que jamais d'être posée. Quelle similitude trouverait-on, à ces deux objets extrêmement utiles et futiles à la fois ? Pourtant à bien y regarder, ils remplissent la même fonction, simple annonce informative. Précédées toutes deux par une fébrilité inhabituelle, elles feront l'objet d'un choix minutieux de la matière, d'une recherche des mots du texte ou de l'épitaphe à y graver. La première sera découverte par la personnalité qui inaugurera l'édifice, et la seconde, posée plus tard par les proches. Supposées entretenir le souvenir, l'usage en a fait des attributs impératifs et quelque peu pompeux. Mais avec le temps, on oublie d'y lire le contenu et si on le fait, ce ne sera que par curiosité instinctive. Un autre point commun est à relever dans cette inapparente dualité, l'engouffrement dans l'oubli. Ne voit-on pas tant de projets en réalisation, faire l'objet de toutes les attentions : Réunions de chantier et visites d'inspection ? A l'aboutissement des travaux, les « virées » deviennent plus fréquentes, quotidiennes même. On apporte à la veille de l'inauguration, les dernières retouches : plantations d'arbustes et de gazon (par mottes) candélabres luminaires, trottoirs peinturlurés, fin gravier de céramique rouge, pour apposer à la fin la rituelle plaque. Toute une symbolique ! Un « ouf » de satisfaction jubilatoire exsudera des tréfonds, du maître de l'ouvrage ou de l'oeuvre, c'est selon. La pierre tombale et sa sépulture seront choisies dans le meilleur des marbres, l'inscription aura, autant que faire se peut, de la dorure. Les proches du défunt s'évertueront à chanter les vertus du marbre italien sur le marbre local. La fréquentation momentanée du marbrier, en fera d'éphémères connaisseurs. On tâchera d'avoir la tombe, la plus belle et la plus cossue ; il s'agit d'un statut social qu'il ne faut, à aucun prix sacrifier. L'échancrure meublée de terre végétale sera fleurie par du géranium, arrosée et fera l'objet de précautionneuses attentions. Passé la veillée du 40ème jour, les ronces et les herbes folles envahiront le « sanctuaire ». La lassitude fera son oeuvre, la mémoire oublieuse reprendra ses droits. En ce qui concerne les édifices publics, dès le déshabillage de la plaque inaugurale, l'objet de précédentes préoccupations, tombe dans le domaine public et presque personne n'en parlera plus. Sur le plan technique, le projet quittera le programme en cours (P.E.C) et fera l'objet d'une fiche technique de clôture, non contentieuse si possible. Il ne fera plus partie de la nomenclature des investissements, quitte à réinscrire plus tard une nouvelle opération, pour un poste de transformation électrique non équipé ou un réseau d'assainissement borgne ou un ascenseur, qui n'est pas encore commandé ou une tout autre raison. Le budget de fonctionnement du nouvel établissement, sous évalué au départ, se chargera de l'acquisition de tel ou tel équipement que l'étude a éludée. Il est des projets, où l'enveloppe destinée à l'équipement est phagocytée par la seule construction. S'il s'agit d'un établissement scolaire, du vieux mobilier fera provisoirement l'affaire. En ce qui concerne les salles de soins des plans communaux de développement (PCD) elles seront dans la majorité des cas, livrées « nues » au secteur de la santé. Si l'hiver n'est pas aux portes, les appareillages de chauffage ne seront que rarement, pris en compte. Quant aux moyens de conditionnement d'air, il ne faut surtout pas rêver ! Tu te crois où ? Tu as déjà vu une classe avec un climatiseur ? D'ailleurs ça n'incite pas l'élève à la réflexion... ça fait givrer l'esprit ! Sur ce point, ce bureaucrate impénitent, dont les assertions sont conjecturelles, n'a pas tellement tord. Il dispose lui-même d'un split double corps sinon deux. Est-ce à dire que l'inauguration devient en elle-même, une fin en soi ? C'est le cas de le penser, eu égard aux us bureaucratiques, observés jusque-là. Une récente tournée privée, me fit visiter deux célèbres stations thermales, l'une à l'ouest et l'autre au centre du pays. Dans la première, il n'est pas permis d'assouvir un quelconque besoin naturel, en dehors des hébergements ou des bains. Il existe cependant un « endroit » réputé remplir cette fonction, mais sans lumière et comble du cynisme sans eau... dans une ville des eaux ! Dans celle du centre, la panne de l'ascenseur fait grimper et grincer les curistes sur plusieurs étages au nombre de cinq (5). Les usagers sont ébouillantés par l'eau, dont la température dépasse largement les 60°. Point d'eau froide. Des citernes placées, çà et là, font offices de bornes fontaines, mais çà ne règle pas pour autant le problème. Le piteux état de la robinetterie renseigne sur l'inexistence évidente d'un plan de maintenance. Après cette digression, qui en fin de compte n'en est pas une, s'inscrivant en droite ligne dans l'objet, il y a lieu de déplorer cette tendance ambiante, qui se refuse de s'approprier la chose. On incrimine volontiers la hiérarchie, pour ces perpétuels battements de l'aile. Des aires assujetties pourtant à ces établissements, sont livrées complaisamment à des mentors qui, gourdin en main régentent contre rétribution, le stationnement des véhicules des visiteurs. Dans le registre de la conception architecturale et urbanistique, faudra-t-il encore perdurer dans cette manie de « copier-coller », que certains bureaux d'études ont adopté durablement, pour en faire leur cheval de bataille ? Que de belles maquettes inspirées de l'art arabo-andalou avec des arceaux et colonnes torsadées, sont exhibées et qu'il n'en résulte, que de hideuses constructions en bout du chemin. Que de déprime engendrée par ces couleurs criardes et antinomiques, rappelant celles de puérils berlingots. Pourtant, il n'y a rien de plus beau que les tons spectraux de l'arc-en-ciel. L'orange chinois de Aïn Naâdja ne peut aller qu'avec le génie du pays de Confucius. Notre orange durera le temps qu'aura duré le jaune poussin de la protection civile. Quel gâchis ! Des immeubles aux façades austères et plates, ne sont conçus par aucun souci d'esthétique. Les lignes brisées ne sont-elles pas faites pour réduire l'intensité de l'ensoleillement, induisant la réduction de la charge thermique ? Que dire de cette boulimie de terrain, attenant au logement collectif. Les espaces réputés être verts et qui ne le sont pas, peuvent avantageusement être meublés par des garages ou autres commerces à but locatif. Les substantiels revenus permettront aux offices et organismes logeurs, de constituer des ressources financières en mesure de couvrir les dépenses d'entretien. Ces espaces sont livrés pour la plupart, aux cerbères de parking. Que l'on aille voir du côté de Diar El-Mahçoul ou Diar Saâda à El-Madania, pour mesurer comment concevait-on le quartier urbain. Cela se passait au milieu des années cinquante. Des tentatives d'inspiration par l'ancien bâti, ont malheureusement échoué. Telles ces pâles copies des immeubles scandinaves de Aïn Allah (Dely Brahim), pour l'option tuile sur R 5. Ce mimétisme a volé en éclat et les tuiles avec, dès les premières tornades automnales du pays profond. Pour quitter les murs des lamentations et positiver, il existe tout de même, des oasis de bonheur dans notre vaste pays. Tel est le cas pour la cité Si Othmane de Témouchent et la nouvelle Béni-Izguen de Ghardaïa. Les vues aériennes d'anciennes agglomérations visualisent des rues et artères, semblables à des rayons de roue de bicyclette aboutissant toutes, à un centre constitué par une large place commerçante. L'architecture doit bousculer les conventions ; Dar El-Babor sur les hauteurs de Belcourt, en est le meilleur exemple. La ville de Hadjout a eu l'intelligence de lotir tout le long d'anciens boulevards, permettant ainsi des rues prolongées. Cette agglomération a eu une expansion, qui ne lui a pas fait perdre son canevas urbanistique. Où réside l'intérêt de réaliser des édifices, des routes et autres ouvrages, si les études ne tiennent pas compte dès le départ, des frais d'entretien engendrés par l'utilisation ultérieure ? Ne voit-on pas de grands halls de circulation, éclairés en plein jour par défaut de lumière naturelle ? Même l'éclairage artificiel à profusion est insuffisant ; de mornes caches en plastique opaque, empêchent la lumière de diffuser. La luminosité naturelle quand elle est pensée, est telle, que c'est carrément l'effet de serre. L'éclairage zénithal ne fait pas encore l'unanimité. Nos anciens bâtisseurs, concevaient toujours un « ouast eddar », la nécessité participait de la fonctionnalité et du souci du bon vivre pour un mieux être. J'ai souvenir de cette entreprise belge à qui on demandait, d'ajouter des brise-soleil aux ouvertures de l'édifice, qu'elle réalisait au Sud. Le chef de projet surpris par cette doléance, dissuadait les décideurs en affirmant que cette dépense, serait inutile et d'aucun intérêt. Il ajoutait que l'implantation du bâti a tenu compte, de l'équinoxe et du solstice du lieu et que par conséquent, le temps d'exposition à l'ensoleillement a été réduit au niveau des ouvertures, par la simple orientation sud-nord de l'édifice. Le grand faisceau d'ensoleillement ne se fera que sur les parois aveugles. N'était-ce pas là, une leçon de bonne gestion prospective ? A ce propos, se peut-il que le principe de l'orthodoxie financière et la suspicion coutumière des bailleurs de fonds, obligent des secteurs vitaux à l'économie de bouts de chandelles ? Le patrimoine forestier brûlait sous le regard dépité des professionnels sous équipés et celui médusé des riverains. Des vies humaines étaient mises en danger de mort. Des forestiers n'avaient que leur téléphone mobile privé pour seul moyen de communication. A l'épuisement de leur carte, c'est le black-out. Le coût de destruction de milliers d'hectares par le feu et le martyre de personnes brûlées vives, est à mettre sur le compte de quelle sacro-sainte règle économique ? Si le drastique doit être un des caractères cardinaux de l'économie, il ne doit jamais prévaloir sur des situations d'exception. Les fâcheuses conséquences induites ne peuvent être, qu'onéreuses et tragiques en bout de chaîne.


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