Algérie

La planète de Safia Ketou



La nature quintessenciée des personnages de Safia Ketou(1) est à la nature tout court, ce que l'oxygène est à l'air que nous respirons. Elle est supernaturelle. Et pourtant elle n'a rien d'idéal. Safia Ketou, elle-même, décrivait avec exactitude le réalisme désincarné de son univers quand elle disait : « Les idées qui foisonnaient dans sa conversation semblaient naître de l'air et s'y dissoudre aussitôt, vraies et profondes l'instant d'un vol. » (La Femme abstraite - p. 9).La nature humaine des nouvelles de La planète mauve (2) pourtant, ne laisse pas d'être sublimée par un tel esprit. En fait, la nature dans une 'uvre d'art est toujours un peu ce que nous la nommons. Ecrire ou peindre, c'est projeter sa lumière sur une des vérités du monde et de l'homme.Les différents personnages de La planète mauve ne sont, en fait, que la cruelle vérité qu'on puisse extraire du mystère de l'amour humain. Cette vérité est que l'amant se cherche soi-même dans l'amour, beaucoup plus qu'il ne cherche l'objet de son amour. A cause de cela, peut-être, la plupart des nouvelles de Safia Ketou sont des « histoires malheureuses », parfois même des « histoires terribles ». On y voit l'amour en contemplation devant soi-même. C'est la chose la plus dangereuse qu'il y ait dans l'ordre humain. « Nor » a vécu jusqu'au bout ce danger mortel et délicieux. Il y a sacrifié « Nora », la plus ravissante héroïsme de La Femme abstraite, victime diaphane d'une sorte de féerie du c'ur : « Dans un ruissellement, Nora fut transformée en poudre d'or. Lentement, elle s'évapora aux premiers feux du soleil. »Après cette immolation, le lecteur croit apaisés les dieux féroces qui ordonnent ces noces virginales et dévastatrices. Que non ! « Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ' », Nassim, comme las de supplicier son ménage, se laissa briser par la vie. Dans la nouvelle intitulée Strapontin, il soumit son insatiable amour de soi à la loi qui veut que l'homme s'accomplisse en se donnant, sinon à une femme, au moins aux travaux quotidiens.Pour Safia Ketou, ce n'était qu'un assoupissement. Dans ses autres nouvelles, l'écrivaine montre que la cruauté s'est encore aiguisée durant le sommeil de l'homme, de la femme et' de la société.Au fond, Safia Ketou, nous dit que « notre égoïsme est beaucoup moins fait de nous-même que de ce qui nous entoure et que nous tournons vers nous ». (Houria - p. 36)1) Safia Ketou (1944-1988) est née à Aïn Sefra. Elle est l'auteure de Amie cithare, poèmes, Asma (théâtre) et d'un roman inachevé (inédit). Elle s'est donnée la mort en novembre 1988.2) Editions Naâman, Québec, Canada 1983.


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