Printemps arabe ou pas, Octobre 1988 ou pas et même révolution du Premier Novembre 1954 ou pas, l'Algérie reste un pays difficile à gérer. Bien plus à démocratiser. Pays compliqué. Peuple complexe. Plate évidence. Même pour tous ceux qui n'ont pas pris la mesure du temps et la relation du pays au temps. Ceux-là mêmes qui voudraient, en trois coups de cuillère à pot politique, le faire entrer dans le cercle vertueux de la démocratie. Il est vrai que le temps de l'exigence d'un mieux-être politique arabe a gonflé l'espoir démocratique des peuples. Et a accéléré d'autant l'impératif de sa rapide concrétisation. Apprentis démocrates que tous nous sommes, adeptes pressés de l'ici et maintenant, oublions souvent que le temps, c'est la Providence. Depuis que l'âme auto-sacrifiée du Tunisien Mohamed Bouazizi a servi de combustible aux révolutions de la dignité démocratique, ici ou là dans le Monde arabe, les Algériens ont voulu voir s'écouler, en accéléré, le temps du changement démocratique. Comme si on souhaitait un Octobre 1988 sans son résultat collatéral que fut le temps le plus noir du terrorisme. Ceux qui, en 1992, ont abrégé le temps d'une histoire contraire au temps du régime, ont peut-être voulu gagner du temps politique. Mais comme on ne refait pas le temps politique qui passe, il a fallu se résigner à vivre le temps imposé, avec ses charrettes de drames et de douleurs incommensurables. Beaucoup de temps plus tard, advint le temps de Bouazizi, celui de la Place Ettahrir et de la colère juvénile algérienne au goût amer de beurre végétal et de sucre. Alors, le régime, qui ne pouvait plus donner du temps au temps, c'est-à-dire d'en gagner encore un peu, a, très vite, compris quel bouleversement cause le temps, comme le dit le proverbe oriental ! Au risque de paraître hors temps pour les plus impatients des Algériens, le chef de l'Etat proposa des réformes politiques que d'aucuns virent rapidement comme étant d'un autre temps. C'était dire que le régime, soucieux de sa propre pérennité, voulait ruser avec le temps pour en gagner un peu plus encore. Mais, comme les plaques tectoniques de la révolution arabe annoncent encore des séismes à venir, le président de la République semble avoir compris que le peuple algérien, qui a éprouvé le temps des tourments terroristes, était patient mais pas outre mesure. Qu'il pouvait, à toute heure, bouleverser les calendriers les mieux établis. Il semble avoir compris que le temps pris pour gagner du temps serait finalement un temps perdu pour le pays. Il proposa donc un temps de réforme, avec un temps pour la réflexion personnelle, qui serait somme toute une économie de temps pour le pays. Balzac disait certes que le temps manque pour tout mais il lui fallait nécessairement ce temps réfléchi pour proposer un calendrier de réformes ordonné. Le respecter, quelles que soient les impatiences, les incompréhensions et les critiques éreintantes. Avec l'idée qu'un minimum de réformes tranquilles, à moindre coût politique et social, valait probablement mieux que des réformes en temps précipité. Même s'il n'avait plus beaucoup de temps, le chef de l'Etat, qui veut mettre à profit le temps du troisième mandat qui lui reste, sait sans doute que, de son temps, Rabelais savait que «le temps mûrit toute chose ; (et que) par le temps toutes choses viennent en évidence ; (que finalement), le temps est père de vérité». Beaucoup d'entre les démocrates, armés d'une juste impatience, ne l'avaient pas initialement compris. Le chef de l'Etat, réaliste et pragmatique, sans doute d'une prudence caractéristique de son propre rapport au temps de la politique, qui n'est pas celui des espérances spontanées, a proposé un programme et un calendrier de réformes, à pas modestes mais assurés. Il est resté fidèle à sa philosophie. Il a respecté scrupuleusement son agenda. Les textes préalables des réformes, aussi minimalistes qu'ils soient, sont prêts. Ils sont après tout une base de travail. Une rampe de lancement, avant une révision, en son temps précis, de la Constitution, qui définira la nature future du régime algérien. Alea jacta est, avait dit Jules César quand il a franchi le Rubicond pour affronter Pompée. Le geste a fini par bouleverser Rome. Lors du dernier Conseil des ministres, le président de la République a assuré que les prochaines législatives marqueraient le temps de la transparence sous contrôle de la communauté internationale. Le temps d'une «pluralité sans précédent», comme il le formule lui-même. La Place Ettahrir cairote a montré que le temps démocratique qui lève comme le blé de l'impétueuse
espérance, n'est pas celui du réel. Parfois, les révolutions font perdre du temps. Mais pour les plus patients, la pendule va avec son temps. Et «ce que le vulgaire appelle du temps perdu est bien souvent du temps gagné». Ce n'est pas Abdelaziz Bouteflika qui l'a dit, mais Alexis de Tocqueville.
N. K.
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Posté Le : 20/12/2011
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Noureddine Khelassi
Source : www.latribune-online.com