Au milieu d'une cité populaire en Algérie, une place, sorte de terrain vague baigné de soleil, est le lieu de prédilection des jeunes gens du voisinage. Elle est le théâtre de concerts de musique, matches de foot, déambulations oisives, etc. Elle est surtout un lieu symbolique, celui où s'exprime une jeunesse qui s'interroge sur son identité et son avenir.
Les protagonistes de ce film vont vivre, le temps de la projection, diverses péripéties : l'ouverture chaotique de logements sociaux particulièrement désirés, l'arrivée d'une future "Miss Monde" dans la cité, qui bouleverse les relations amoureuses des uns et des autres, le débarquement d'affairistes douteux décidés à transformer la place en projet immobilier juteux, la décision des jeunes hommes de la bande de partir émigrer en France. Comme on voit, rien ne semble devoir être oublié de ce qui pourrait, un peu facilement, symboliser une partie des questions sociales et sociétales que se pose l'Algérie contemporaine.
Dans l'artifice, la vérité
Le film de Dahmane Ouzid se limiterait-il à n'être qu'une oeuvre édifiante, passant soigneusement en revue de très attendues interrogations politiques ? Il en serait ainsi si le cinéaste avait choisi la voie du réalisme. Mais La Place a adopté la forme de la comédie musicale, du film chanté et dansé, de l'interruption régulière de la narration par des intermèdes qui, justement, ne se limitent pas à être des intermèdes mais injectent une forte dose de distanciation dans le discours du film, et révèlent, dans l'artifice, la vérité même. Interprété par des jeunes talents du rap, du hip-hop ou de la musique plus traditionnelle, La Place parvient, avec succès et fantaisie, à s'interroger sur son propre statut, déterminé par une série d'influences musicales, chorégraphiques, visuelles surtout, qui témoignent d'une tradition bouleversée elle-même par la construction d'un monde que les industries culturelles ont métissé mais aussi éloigné de ses racines.
Eclairé comme une sitcom, nourri de chansons de variétés, parodiant l'esthétique, non exempte d'une sorte de laideur, qui est celle, parfois, du vidéoclip musical, le film de Dahmane Ouzid navigue habilement entre l'apparente soumission aux codes dominants et la critique lucide de ceux-ci. La Place est un des objets cinématographiques les plus bizarres du moment.
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Posté Le : 08/02/2012
Posté par : infoalgerie
Source : lemonde.fr