La place du hadith dans la «théorie juridique»
Le système de la Loi, «théorie juridique» en Islam ou usûl al-fiqh repose, d’une part, sur deux composantes immuables, intangibles et inconditionnées - le Coran et la Sunna - et, d’autre part, sur une autre composante, instrumentale, mouvante et conditionnée - l’ijtihâd (de solitaire, elle évolua vers un statut communautaire ou ijmâ‘a).
Si les deux premières sources sont unanimement admises, la dernière prête souvent à discussion. Pour les juristes musulmans, la loi n’était pas l’objet d’une étude empirique ou indépendante : c’était l’aspect pratique de la doctrine religieuse et sociale transmise par le Prophète à partir du Coran, source première de la Loi.
L’interprète premier, et le plus fiable, du Livre, c’était évidemment le Messager, celui qui en avait fait la première application dans la communauté concrète de Médine. Les paroles et gestes, transmis par une chaîne reconnue de narrateurs, formaient donc une sorte de commentaire et de supplément du Coran, une deuxième source pour la loi : la sunna.
Cette dernière a d’ailleurs une fonction d’explication de ce qui est donné comme principe général et comme application dans le Coran.
En ce double usage, le hadith est une concrétisation de la Révélation plutôt qu’un complément ; il n’ajoute rien de nouveau et n’abroge jamais le Coran ; il le particularise seulement. Si le Coran fut codifié au moment même de son énonciation, et qu’il n’y a pas eu de période de transmission orale entre le moment de son énonciation et celui de sa rédaction, le hadith ne le fût pas. Pour ce dernier, la période de transmission orale entre ces deux moments, s’étale sur au moins deux cents ans.
La probabilité d’inauthenticité historique existe donc. Une méthodologie, ilm al-hadith, fut instituée pour garantir un maximum d’authenticité au hadith. Des méthodes de transmission orale furent étudiées. La méthode multilatérale, tawatur, est jugée comme authentique si un récit, propagé par plusieurs voies indépendantes les unes des autres, est homogène et conforme aux conditions liées à l’époque, aux habitudes et à l’expérience. Si une condition venait à manquer, la méthode devenait unilatérale, ahad. La transmission multilatérale est apodictique [qui a une évidence de droit] en théorie et en pratique, tandis que la seconde est hypothétique en théorie même si elle est apodictique en pratique.
En somme, le hadith a une limite, que le Coran n’a pas : celle de l’inauthenticité. En outre, le hadith lui-même peut-être transmis littéralement ou selon l’idée. Une transmission littérale restitue le hadith dans le sens et avec les termes dans lesquels il a été énoncé. Par contre, la transmission selon l’idée garde le sens mais l’énonce en d’autres termes. Dans ce dernier cas, il y a un risque d’altération, de distorsion ou de déperdition sémantique.
Il se posait toutefois dans la communauté de nombreux problèmes de loi qui n’étaient pas couverts par une affirmation claire du Coran ni de la Tradition. C’est alors qu’intervint, historiquement parlant, la troisième source de la Loi, à titre instrumental, la raison ou ra’y. L’utilisation de celle-ci, en tant que moyen, fut d’ailleurs tout à fait légitime puisque le Coran en stipulait l’exercice. La sunna a confirmé le rôle du ra’y et le hadith célèbre de Mouad ibn Jabal est assez explicite à ce sujet :
- le Prophète l’ayant désigné comme juge au Yémen, lui posa auparavant ces quelques questions : «Comment jugerais-tu si on te demandait de juger ?» Mouad répondit : «Je jugerais d’après le Coran», le Prophète insista : «Et si tu ne trouvais pas de réponse dans le Livre du Principe (Dieu)». Mouad rétorqua : «Je jugerais alors d’après la Tradition de son envoyé» ; «Et si tu ne trouvais pas d’exemple dans la Tradition ?» Mouad conclut : «Je ferais appel à mon jugement». Le Prophète loua le Principe (Dieu) et autorisa Mouad à juger ainsi.
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A suivre...
Mohamed Jamil Cherifi
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Posté Le : 04/06/2007
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com