Algérie

LA PLACE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE Une nouvelle loi sur les associations, liberticide et contre toute citoyenneté (2e partie et fin)


LA PLACE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE Une nouvelle loi sur les associations, liberticide et contre toute citoyenneté (2e partie et fin)
Dans la deuxième et dernière partie de «la place de la société civile dans le processus démocratique», nous évoquerons la nouvelle loi algérienne sur les associations parue au Journal officiel n°2 du 15 janvier 2012, une loi liberticide et anti-citoyenneté, une des dernières marche arrière d'un pouvoir moribond. En fait, cette loi n'est pas si nouvelle que ça : c'est celle qui a toujours été appliquée par le pouvoir répressif sur le terrain, en toute illégalité, malgré et a contrario de la loi n°90-31 du 4 décembre 1990, ouverte et permissive, adoptée dans la foulée des évènements d'octobre 1988 et de la Constitution de 1989. Plus de 20 ans plus tard, la marche arrière législative est consacrée.....
Cette loi scélérate fait référence en préambule à la loi n°08-11 du 25 juin 2008 relative... aux conditions d'entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie ! Le ton est donné, le décor policier est planté : les associations, aux yeux du pouvoir en place, ce sont les «envahisseurs venus d'ailleurs», pour perturber la quiétude des partisans du parti unique et des prédateurs en tous genres. D'emblée, l'article 2 définit les restrictions et la ligne rouge à ne pas dépasser : «...L'objet et les buts des activités des associations doivent s'inscrire dans l'intérêt général et ne pas être contraires aux constantes et aux valeurs nationales ainsi qu'à l'ordre public, aux bonnes mœurs, et aux dispositions des lois et règlements en vigueur.» Plusieurs articles évoquent les conditions d'agrément de l'association, dont le récépissé de dépôt du dossier : l'obligation légale par les administrations locales ou le ministère de l'Intérieur de délivrer ce récépissé n'a jamais été respecté du temps de la loi précédente de 1990, et ce n'est pas dans ce contexte répressif que les choses vont changer. L'article 11 contient une énorme supercherie : «A l'expiration des délais prévus (cf. article 8 de cette loi), le silence de l'administration vaut agrément de l'association concernée.» Malheureusement, quand une association ne lui plaît pas ou peut le gêner, le pouvoir a toujours fait du silence la règle, et cette notion de «silence qui vaut agrément» a toujours mené à l'impasse pour les associations qui dérangent et qui subissent immédiatement toutes sortes d'interdits et d'intimidations, notamment des services de sécurité, toutes casquettes confondues : la chasse aux membres fondateurs et dirigeants de l'association est ouverte, sous le couvert «d'enquêtes» (non prévues par la loi) et de convocations illégales.
Casier judiciaire pour les membres fondateurs
Et pour faire plus dans l'interdiction, le pouvoir a ajouté dans le dossier constitutif de l'association ... l'extrait n°3 du casier judiciaire de chacun des membres fondateurs ! Interdit aussi pour les associations qui ne peuvent entretenir avec les partis politiques de relation qu'elle soit organique ou structurelle : mais de quoi se mêle le pouvoir ' Pis encore, les interdits se multiplient et la tutelle policière du ministère de l'Intérieur est à tous les coins de rue : «Il est interdit à toute personne morale ou physique étrangère à l'association de s'ingérer dans son fonctionnement. » (article 16). Toute adhésion ou coopération d'une association algérienne avec une ONG étrangère sont strictement encadrées dans cette loi : le pouvoir n'a jamais caché que c'était là son argument essentiel pour modifier la loi de 1990. Cette adhésion et cette coopération sont soumises à plusieurs barrages : autorisation des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères, 1er barrage ; respect des valeurs et des constantes nationales et des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, 2e barrage ; 3e barrage, la longueur excessive des délais que s'accorde le pouvoir pour répondre aux demandes des associations. Et au cas, où par malheur pour le pouvoir, une association arrive à franchir ces 3 barrages, un 4e est prévu : tout financement par une ONG étrangère est soumis à autorisation des pouvoirs publics.
Des milliers de militants associatifs «non autorisés» passibles d'emprisonnement !
On se dit qu'arrivé là, la boucle policière est bouclée, mais ce n'est pas fini : tout un chapitre de cette loi traite de la «suspension et dissolution des associations», notamment «en cas d'ingérence dans les affaires internes du pays ou d'atteinte à la souveraineté nationale» (!), rien que ça, et pis encore le ridicule ne tue point , «s'il est établi que l'association n'exerce plus son activité de manière évidente». Et devinez chers lecteurs qui appréciera cette notion d'«inexercice » de manière évidente ' Le ministère de la police bien entendu ! Et on ne s'amuse pas avec ce dernier, car selon l'article 46, la prison guette tout «contrevenant» : «Tout membre ou dirigeant d'une association, non encore enregistrée ou agréée, suspendue ou dissoute, qui continue à activer en son nom, s'expose à une peine de 3 à 6 mois d'emprisonnement et à une amende de 100 000 DA à 300 000 DA. Mais alors, ce sont actuellement des milliers de militants associatifs «non autorisés» qui sont passibles d'emprisonnement ! Ils sont tous en sursis et à la merci d'un pouvoir qui ne veut pas d'eux. Cette loi ayant été publiée au Journal officiel est donc en vigueur et applicable. Terrible aveu du ministre de l'Intérieur le 13 décembre dernier à l'APN, dans son intervention à l'issue du vote de cette loi dont il a souligné l'importance «dans la concrétisation des... réformes politiques annoncées», des réformes pour qu'il n'y ait pas de contre-pouvoir dans la société, pour continuer à agir en parti unique et système inique. Le comble de la perversité de ce pouvoir est atteint lorsque ce même ministre, devant les députés, ose affirmer que l'objectif de ce texte était d'organiser la société civile pour qu'elle soit une «vraie force de propositions» et un «espace de la promotion de la citoyenneté » !
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