Algérie

La place de l'euro


S'il fallaitinventer, coûte que coûte, un vrai centre de gravité au tissu urbain tourmentéde Constantine, sans aucun doute, la place du 1er Novembre (ex place de laBrèche) serait celui-là.En vérité, ce quiest incontestable, c'est le fait que dans une ville livrée l'année durant, à unvrai bazar à ciel ouvert, tous les chemins qui mènent vers «les territoireslibérés» du commerce informel, aux noms si évocateurs, de la place desChameaux, Trik j'dida où Rahbat Essouf en passant par la rue de France, R'cifou Ras El-Gantra, convergent inévitablement vers ce centre géographiqueincontournable.En ce mois deRamadhan, la transhumance des passants innombrables, au coeur de l'arc decercle formé par la place de la Brèche, a pris franchement l'amplitude d'unimportant mouvement de foule, aux allures de processions «païennes» dédiées auseul culte de la consommation, ce nouvel «opium du peuple», disent lesnostalgiques du socialisme vertical, enfin réinventé, aux couleurs dusous-développement endémique. Après près de quarante ans de restrictions et depénurie, il est vrai, les Algériens se «shootent», aujourd'hui aux produits«made in»... indiens, turques, chinois et plus si affinités, et la friperie enbout de course, comme un «retour vers le futur».A Constantine,pour faire bonne mesure, la place de la Brèche aussi a trouvé sa vocation,devenue une place de marché... de la devise. En réalité, dans une ville enjachère, c'est une vraie place forte du change informel qui s'est installée là,défiant les lois des pesanteurs bancaires et des transactions financièresimprobables, organisant au grand jour son business sous les balcons de la BNA,à proximité du TRC et de la grande poste.A pareille époquequi coïncide avec la deuxième quinzaine du mois de Ramadhan, les affaires sontparticulièrement florissantes. Ils sont une quarantaine de «cambistes», àanimer l'année durant cette place boursière improvisée, où l'euro, sansconteste, est la monnaie forte qui s'échangeait à la vente, hier, pas loin descours officiels, à hauteur de 10.070 DA, soit une hausse de 600 DA, les centeuros. Le dollar, pour sa part et de cause à effet, comme c'est le cas sur lesmarchés boursiers mondiaux, est plutôt en chute libre, proposé à la vente parnos «cambistes» locaux à 7.500 DA les cent dollars, soit une baisse de près deplus de 2.500 DA, quand on sait que le billet vert s'échangeait, il n'y a passi longtemps, à 9.800 DA environ, les cent dollars. Le fait est que, après leflux d'émigrés de l'été qui s'accompagne, nous dit-on, d'une arrivée sur lemarché national d'un apport important de devises fortes, presque exclusivementde l'euro, vite absorbé par le marché parallèle, c'est l'heure, maintenant, derépondre à une demande exponentielle motivée par les traditionnellessurchauffes qui marquent la période des voyages dédiée à la Omra et despréparatifs de la saison du pèlerinage de La Mecque.Sur la place dela Brèche, comme à Port Saïd à Alger où Médina J'dida à Oran, le négoce des devises,se fait à l'évidence librement, les autorités donnant l'impression de laisserfaire, et c'est à peine, il est vrai, si les policiers en faction, l'airdésabusé, ont un regard pour tous ces cambistes, déambulant, du matin au soir,des liasses de dinars à la main, et dont l'espace vital est souvent prisd'assaut, aussi, par la multitude de vendeurs de portables, ces derniersagissant en véritable terrain conquis.Ahmed, laquarantaine, un «ancien» réputé pour son négoce plutôt «clean», dans un aparté surles marches du théâtre, nous avoua que la plupart des jeunes «courtiers»visibles sur la place «ne sont en fait que de simples petits revendeurs dedevises, gagnant des marges d'à peine 2 à 5 % sur les montants échangés,sachant que les gros montants circulent loin des regards indiscrets, et sont lefait d'authentiques «barons du change parallèle».N'empêche, nousdit-il, la conjoncture est propice pour faire de bons chiffres d'affaires,jusqu'à 20.000 euros par jour ! La prolifération de l'activité du changeinformel à Constantine, grâce à sa grande attractivité, s'est étendue, il fautl'avouer, et a gagné d'autres espaces plus discrets, des échoppes undergroundou des boutiques «clandestines» qui ont paradoxalement pignon sur rue, agissantcomme de véritables agences de change.A la vérité, lanature ayant horreur du vide, le change parallèle de devises en Algérie, auquelont recours toutes les catégories sociales, s'est imposé économiquement,avouons-le, depuis les années 1980, comme une alternative à un immobilismeendémique du circuit bancaire national.
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