Algérie

La peur des mots



La peur des mots
En 1989, un violent séisme financier avait secoué les institutions financières du pays, à commencer par la Banque centrale. C'était le moment du grand trou d'air de la raréfaction des ressources monétaires sur le sillage de la baisse du prix du brut. Il fallait, à cette époque où la facture globale des importations n'était guère plus importante que 9 milliards de dollars, aller sur les marchés extérieurs trouver les financements nécessaires pour irriguer l'économie nationale, asphyxiée par la baisse des ressources provenant des exportations d'hydrocarbures. A cette époque, donc, où les entreprises publiques se débattaient dans d'inextricables problèmes de gestion, il s'est trouvé que les responsables en charge du secteur bancaire, et donc de l'argent des Algériens, avaient refusé de parler d'endettement extérieur, de rééchelonner la dette externe, mais plutôt de faire un «reprofilage''. C'est ce terme qui a été imposé aux Algériens et à la presse pour évoquer un terme simple mais terrible: rééchelonnement de la dette algérienne auprès de ses créanciers (clubs de Paris et de Londres). 36 ans après cette dérive ergonomique, nous revoilà tombés dans les mêmes travers, les mêmes raccourcis linguistiques, sémantiques et même sémiologiques, pour refuser de désigner un endettement de l'Etat auprès de souscripteurs (institutionnels ou privés), c'est-à-dire des citoyens dont les barons de l'informel, par le biais d'une opération d'émissions d'obligations, au lieu de parler le seul langage que la finance connaisse, celui de la vérité. Car la finance et le monde des affaires ont horreur des mauvaises interprétations et ont besoin de confiance pour prospérer et fructifier les placements, les gros transferts et, surtout, les financements de mégaprojets avec de substantiels profits. C'est ainsi que la plus grande entreprise de notre beau pays, Sonatrach, pour bien la nommer, va recourir à des emprunts obligataires, au lieu et place d'un endettement interne, pour financer à hauteur de 25% ses projets, et Sonelgaz est dans le même scénario. Et c'est le ministre de l'Energie qui annonce que le groupe pétrolier algérien va lui aussi recourir à ce procédé pour financer ses projets, en faisant appel aux valeureux citoyens pour qu'ils consentent à mettre leur argent dans l'opération. Toujours en retard par rapport à ce qui se fait chaque seconde sur les marchés financiers mondiaux, les décideurs au ministère de l'Energie, tout comme ceux des Finances, jouent une terrible partie de sorcellerie linguistique sur fond d'appel d'air financier auprès des milieux de l'informel qui détiennent, paraît-il, la plus grosse manne monétaire tassée dans un bas de laine ou dans des sachets plastique de peur du froid cavernicole, comme une morgue, des coffres des banques algériennes. C'est un jeu dangereux que celui qui est actuellement développé, car au lieu d'utiliser les bons termes et aller sur le marché financier international négocier des financements gagnants-gagnants pour les grands projets énergétiques, les formules (titrisation, placements, crédits révolving, etc.) existent, on continue à jouer, chez nous, dans un championnat amateur. Ah ! Le poids des mots.




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