Algérie

"La période post-corona sera très difficile"


Impliqué à fond dans les campagnes de sensibilisation et de lutte contre la Covid-19, le chercheur en sociologie, Fares Charafedine Choukri, interpellé puis libéré, hier, par les services de sécurité, tire la sonnette d'alarme quant à la situation sanitaire dans le pays. Dans cet entretien, il met en exergue l'impact négatif que peut avoir la crise sanitaire sur des pans entiers de la société.Liberté : Quel impact, social surtout, cette crise sanitaire pourrait-elle avoir dans un avenir proche sur la population '
Fares Charafedine Choukri : La période post-corona sera très difficile à endurer pour la majorité des Algériens, pour les patrons des grandes entreprises économiques et pour les familles démunies qui vivaient sans revenu bien avant la pandémie. Les petits commerçants déjà frappés de plein fouet par le tsunami sanitaire auront d'énormes difficultés à se remettre sur pied. L'Etat devra, face à cela, intervenir de telle manière à réduire le degré des retombées néfastes de la crise actuelle. Et la solution est des plus simples : les moyens matériels et financiers ne manquent pas pour remédier à cela. Il suffit juste qu'une stratégie de gestion conséquente soit orchestrée.
La sociologie est, par définition, une science à part entière dont les phénomènes sociaux sont l'objet d'étude. Quel rôle peut avoir le sociologue dans cette bataille contre la pandémie '
Vous savez, pour construire une maison, on ne recourt pas uniquement aux services d'un professionnel du bâtiment, très qualifié en la matière, je crois, sauf erreur de ma part, qu'il faut aussi, pour que l'?uvre soit bien peaufinée, faire également appel au carreleur, au peintre, à l'électricien, au plombier, à un spécialiste en travaux d'assainissement... et j'en passe. Il en est de même pour la prise en charge sanitaire. Il est vrai que le médecin joue le rôle noyau dans le traitement des maladies, mais seul son travail, aussi noble soit-il, demeure imparfait. L'implication de la sociologie dans une bonne prise en charge du patient est primordiale, voire indispensable. Ailleurs, dans les pays où les sociologues sont consultés, le système de santé est toujours à son apogée, ce qui est complètement le contraire nous concernant.
Notre système de santé est malade, pour ne pas dire agonisant, car le sociologue est mis à l'écart en termes de santé, de campagne de prévention et de lutte contre les épidémies de quelque nature qu'elles soient. Le champ d'étude de la sociologie est très large, il ne s'intéresse pas uniquement aux phénomènes sociaux et sociétaux. La majorité écrasante des composantes de notre société ne sait pas qu'il existe une sous-discipline appelée "Sociologie de santé". Ces spécialistes, puisque l'on parle toujours de santé, peuvent anticiper des épidémies, des crises sanitaires, à court ou à long terme, pour mieux s'en prémunir et les contrôler. Se protéger contre un risque sanitaire et essayer de le maîtriser relèvent directement du rôle de la sociologie du risque. Le sociologue ?uvre de manière à changer le comportement et les habitudes de l'individu face au risque.
Le sociologue aide les gens à prendre leur vie en main, d'être aux aguets contre les multiples risques sanitaires qui le menacent. Notre rôle est de faire comprendre au citoyen qu'il a une grande part de responsabilité dans la propagation de la pandémie, le pousser par la suite à adopter les comportements et les décisions appropriés dans la lutte contre la propagation. Si nous avions été impliqués, nous aurions mené des campagnes de sensibilisation au cours desquelles, nous aurions sensibilisé le citoyen quant à la gravité de la situation, de sa responsabilité en terme de préservation de sa santé.
Ne voyez-vous pas que cette crise sanitaire a prouvé que la santé des Algériens, les personnes âgées surtout, semble fragile '
Bien au contraire, c'est dans les pays les plus développés que la santé de l'individu est précaire, la pandémie nous a bien montré cela. Il y a des centaines de milliers de décès en Amérique, en Italie, en France, et dans bien d'autres pays. Le hic, en ce qui nous concerne, en dépit du nombre inquiétant de victimes de la pandémie, c'est que notre système de santé est, comme je vous l'ai déjà dit, malade, mal géré. Ajoutons à cela le cadre de vie dégradé. La pauvreté en ces temps de corona commence à prendre des proportions alarmantes, d'où l'urgence de l'intervention immédiate de l'Etat.


Propos recueillis par : H. BAHAMMA
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