Depuis l'acquisition de ce terrain de 20 hectares, il y a treize ans, situé dans la localité de Bouzedjar (wilaya de Témouchent) à 40 kilomètres à l'ouest d'Oran, Brahim Mekki, plus passionné que promoteur, se bat pour faire sortir de terre le «village Grataloup», du nom de l'architecte suisse qui a conçu ces maisons-sculpture toutes en courbe, coupole et arcade caractéristiques du village touristique de Bouzedjar.
Le village touristique de Bouzedjar ressemble à la cité de la «Belle au Bois Dormant». Perdu en pleine nature dans la commune d'El-Amria, wilaya de Temouchent. Planté au milieu de nulle part face à la mer, dos aux montagnes. Le temps semble s'y être arrêté. Le château a été remplacé par 118 bungalows aux toits arrondis et aux formes circulaires mais il règne la même atmosphère que dans le conte de Perrault. Inanimée et indolente.
«Un état stationnaire» pour le chef de projet, Tewfik Becheri, qui, depuis qu'il a rejoint l'aventure il y a trois mois, travaille d'arrache-pied pour ficeler un plan de financement convaincant et réaliste à présenter auprès de la banque CNEP. Grâce à ce nouveau crédit espère-t-il les travaux reprendront et le village s'éveillera.
Les 118 bungalows d'une capacité de 590 personnes comprennent chacun une surface habitable de 82 m2 avec mezzanine et terrasse tournée vers la mer. Ils font partie de la première zone d'une surface de trois hectares, les plans du projet révélant une division du terrain de 20 hectares en huit zones.
«Les résidences sont achevées à 91 %», informe le chef de projet, «il reste aussi l'aménagement des espaces extérieur à savoir les jardins, les aires de jeux pour enfants, les terrains de tennis et de mini-golf ainsi que la construction d'une salle omnisport et l'acquisition de VTT et de quads afin d'offrir des activités aux estivants».
Si le crédit est accordé, l'inauguration est prévue au premier semestre 2013, annonce Tewfik Becheri. La première phase du projet sera alors terminée...treize ans après les premiers croquis de Brahim Mekki.
TOUT EN COURBES
Car ce géomètre de formation, originaire d'Aïn Sefra, a affronté maintes difficultés depuis l'achat du terrain en 2000 pour une valeur de 6.000 dinars le mètre carré. Son premier combat, il l'a livré contre l'administration.
«Le terrain situé à 700 mètres au-dessus de la mer dans la localité de Bouzedjar Plage II fait partie de la zone d'expansion touristique de Bouzedjar (ZET) qui s'est créée au moment où j'acquérais le terrain», raconte-t-il le long de la route entre Alger et Oran.
«Il a fallu attendre que la phase d'étude de la ZET se termine, puis que toutes les autorisations soient acceptées. Résultat, j'ai mis quatre ans à obtenir le permis de construire».
C'est que l'architecture du village touristique construit par Brahim Mekki est inédite en Algérie. Développée par l'architecte suisse Daniel Grataloup, auprès de qui Brahim Mekki s'est formé dans les années 1990, l'architecture-sculpture ne contient aucune ligne droite.
«Tout est en courbe car la courbe est liée à la vie», s'exclame Brahim Mekki dont le visage fatigué s'illumine soudain.
«Daniel Grateloup a installé un couple dans un espace ouvert auquel il a demandé de tremper leurs pieds dans de la chaux avant chaque déplacement afin d'étudier leurs trajectoires», raconte-t-il en souriant.
«Il s'est aperçu que les traces n'étaient jamais rectilignes et il a donc inventé ces constructions sans angle-droit».
Brahim Mekki se souvient que le «coup de foudre» est immédiat pour cette architecture faite de coupoles et d'arcades qui lui rappelle le village en terre de ses ancêtres d'Aïn Sefra.
«J'ai trouvé que c'était un type d'architecture qui convenait au tourisme», dit-il simplement.
Mais pour convaincre les banques cela n'a pas été si simple.
TOUT A APPRENDRE
Le projet de «village intégré» de Brahim Mekki, élaboré avec la complicité de Daniel Grataloup, est ambitieux: huit zones à construire dotées d'infrastructures coûteuses telles qu'un centre de remise en forme avec balnéothérapie et thalassothérapie, un parc de loisirs, des terrains de sport, des piscines, des lieux de restauration, etc.
Certes, Brahim Mekki a de l'expérience dans le foncier grâce au cabinet de topographe qu'il dirige depuis 1985 et a déjà réalisé plusieurs œuvres architecturales mais c'est la première fois qu'il pilote un projet immobilier d'une telle envergure.
Aux yeux des banques, ses garanties sont faibles. D'autant qu'à l'époque, les mesures incitatives à l'investissement touristique mises en place aujourd'hui, à savoir l'exemption de la TVA et les crédits à des taux bonifiés, n'existaient pas, rappelle-t-il.
Mais la conviction de Brahim Mekki fini par avoir raison des réticences de la CNEP. La banque auprès de laquelle il a sollicité un crédit-vente lui accorde un premier prêt de 434 millions de dinars en octobre 2006.
«Quelques mois plus tard, j'ai créé la société de promotion immobilière EURL Mekki Brahim», explique le désormais promoteur.
Les travaux pouvaient commencer.
Mais, là encore, Brahim Mekki peine à convaincre les entreprises à travailler sur ce chantier si particulier.
«Toutes les constructions sont réalisées sans coffrages, ni grues. Elle sont conçues à base de polystyrène selon le procédé du «béton projeté»», explique le promoteur qui a revêtu sa casquette de chef de chantier.
Il a donc fallu commencer par former les artisans à cette nouvelle technique. Et le travail de formation est titanesque.
«Selon les périodes, le chantier pouvait compter jusqu'à 200 artisans et les roulements étaient fréquents», soupire-t-il.
Ce «chantier-école» comme il l'appelle alourdit les coûts. Le chantier piétine à cause du manque de main-d'œuvre qualifiée, les erreurs s'enchaînent par manque d'expérience du promoteur, le retard s'accumule et la banque ne suit plus. C'est l'asphyxie. Malgré une rallonge de 19 millions d'euros accordée par la CNEP début 2010, le village ne peut accueillir ses premiers estivants à l'été 2011 comme annoncé.
Epuisé d'avoir tout porté seul autant d'années, Brahim Mekki avoue être «arrivé à saturation».
«Maintenant j'ai compris que c'est une affaire de professionnels dans différents domaines: le bureau d'étude, le chantier, le technique, l'administration, etc.», admet-il avant d'ajouter «je veux me retirer des affaires et confier tout ça aux personnes compétentes».
Le passage de témoin est déjà enclenché.
«Une société de gestion et d'investissement est en cours de constitution. Elle aura en charge la gestion et le développement du projet global. Elle sera constituée d'une équipe pluridisciplinaire, regroupant des profils divers pour les fins du projet», indique le tout nouveau dossier de présentation du projet conçu par le tout nouveau chef de projet, Tewfik Becheri.
Brahim Mekki peut se reposer. Il ne reste que quelques pages pour que le conte se transforme en histoire vraie.
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Posté Le : 29/01/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: btp-dz.com ; texte: Nejma Rondeleux
Source : Le Quotidien d'Oran du mardi 29 janvier 2013