La prise de
participation de 3,85% de Sonatrach dans Gas Natural Fenosa
était totalement improbable il y a encore peu. L'entrée dans le capital de la
première chez la seconde n'a pas encore révélé tous ses dessous. Rappel des
lignes de force de ce rapprochement et du poids de l'acteur espagnol, co-fondateur
d'un partenariat turbulent avec la compagnie algérienne.
Les contentieux
entre les deux futurs associés étaient nombreux et paraissaient rédhibitoires. Le
couac du complexe intégré de Gassi Touil, la révision des prix du gaz algérien livré à
l'Espagne dans le cadre de contrats à long terme, mais aussi la tentative de
réduire de deux tiers les volumes de gaz, issus du MEDGAZ, commercialisables
directement par Sonatrach sur le marché espagnol ont
tendu à l'extrême la relation entre les deux groupes durant les dernières
années.
Aussi la signature le vendredi 17 juin dernier
d'un accord entre Sonatrach et Gas
Natural Fenosa, à peine
précédée de quelques rumeurs de rapprochement, a tonné comme une surprise dans
l'industrie pétro-gazière. L'évaluation de
l'opportunité de cette acquisition a, depuis, été à peine esquissée par les
spécialistes L'histoire liant Sonatrach au groupe
espagnol a connu aussi des hauts faits, le dernier étant la construction du
gazoduc Pedro Duran Farel (Medgaz), ce qui a sans
doute pesé dans la stratégie de conciliation entre les deux acteurs. Après
avoir eu gain de cause à l'arbitrage international, tous recours épuisés, Sonatrach a donc opté pour une position de conciliation et
a annoncé un accord de partenariat lequel, s'il n'a pas révélé tous ses secrets,
pourrait s'avérer très bénéfique tout comme il pourrait s'avérer générateur
d'une victoire à la Pyrrhus.
Une prise de
risque,des pour et des contre
Dans la rubrique «pour», la convergence
d'intérêts liés à des prises de positions sur le marché européen, Sonatrach fournissant le gaz algérien (et/ou nigérian après
l'entrée en service du gazoduc Transsaharian Gas Pipeline), Gas Natural Fenosa facilitant l'accès
aux marchés du gaz, de l'électricité et de la gazochimie.
De même, nombre de marchés latino-américains deviendraient plus faciles à
aborder pour la compagnie algérienne. Au chapitre des risques encourus, il faut
garder à l'esprit que la participation de Sonatrach (3,85%)
au capital du groupe espagnol est symbolique. elle ne donnera pas droit à un
siège du Conseil d'administration. Sonatrach ne
pourra donc pas influer sur les politiques du groupe. De plus, ainsi que cela
s'est passé avec Anadarko, les parts de Sonatrach pourraient subir un phénomène d'érosion suite à
une cascade d'opérations d'augmentation de capital que l'entreprise algérienne
ne serait pas en mesure de suivre ou ne voudrait pas le faire. Autre risque, le
poids de la Commission
de Bruxelles dans la politique énergétique des pays membres de l'UE. Cela s'est vérifié à plusieurs reprises pour
l'industrie du gaz, notamment sur les dossiers Contrats à Long Terme (prohibés
puis rétablis) et Clause de Destination de ces mêmes contrats (réaménagée après
un bras de fer de plusieurs années).
Gdf Suez a fait le
chemin inverse
Le groupe espagnol Gas
Natural Fenosa est issu de
l'absorption de l'électricien espagnol Union Fenosa
par Gas Natural, le groupe
distribue 70% du gaz consommé en Espagne. Il opère aussi en France, en Italie, en
Argentine, au Mexique, à Puerto Rico,
en Colombie, mais aussi au Maroc. Aujourd'hui, la convergence gaz-électricité en Europe amène très logiquement Gas Natural Fenosa
à cibler le Vieux Continent pour l'expansion de ses activités. C'est ainsi que
depuis 2010, le groupe a pris pied dans les marchés du Benelux. On retrouve
dans son actionnariat, outre les actionnaires flottants, les deux grosses
pointures que sont la banque La Caixa
(32%) et le pétrolier Repsol (30,8%). Gdf Suez, actionnaire
minoritaire (11%), s'est désengagé en septembre 2010, après avoir tenté, sans
succès, la voie inverse en 2008 en cherchant à monter en capital par le rachat
d'une partie des actions de Repsol. Ce retrait tout
récent de Gdf Suez pourrait paraître quelque peu contradictoire avec la
démarche inverse de Sonatrach. En réalité, la
stratégie du groupe franco-belge semble cohérente ; sa position d'actionnaire
minoritaire lui permettait, tout en bénéficiant de quelques dividendes, d'être
en pole position pour anticiper, voire freiner, des développements dangereux
pour ses objectifs propres de leadership en France et en Europe de l'Ouest. L'acquisition
par Gas Natural de ses
propres capacités dans le domaine de l'électricité, en 2009, ainsi que la
décision prise au niveau européen d'étendre les capacités d'interconnexion, à
travers les Pyrénées, à 7,5 Gm3 / an d'ici 2015 multipliaient de fait les
conflits d'intérêts entre l'opérateur espagnol et son actionnaire minoritaire. Le
futur succès de l'entente Sonatrach-Gas Natural dépend donc en grande partie de la compatibilité
économique et politique, sur le moyen-long terme, des
non-dits. Pour Sonatrach, près de 2 milliards de
dollars sont investis dans ce pari ; il s'agit de ne pas se louper.
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Posté Le : 12/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Idir Ahatim
Source : www.lequotidien-oran.com