Rehaussé du Prix du meilleur documentaire à la Berlinale, l'originalité du scénario de ce long métrage fiction, n'a d'égal que la complexité de sa mise en scène, en faisant jouer d'anciens détenus palestiniens.Vendredi, le théâtre régional Azzedine Medjoubi accueillait en début d'après-midi le long métrage «En Attendant les hirondelles» de Karim Moussaoui, film déjà primé du Wihr d'or au festival d'Oran du film arabe, l'année dernière et présenté aussi en mai dernier dans la section Un certain regard au festival de Cannes. Un film fractionné entre trois parties ayant toutes pour point commun la narration d'une histoire où l'antagoniste est mis face à lui-même pour choisir et décider d'agir. Un film qui avait eu un écho d'estime assez intéressant auprès du public algérien lors de ses différentes projections et notamment aussi au festival d'Alger du film engagé en décembre dernier où il avait été aussi distingué. A la cinémathèque, au même moment était projeté vendredi un documentaire en compétition, à savoir «Choisir à vingt ans» de Will Hermann. Un réalisateur suisse qui raconte comment il a refusé de s'enrôler dans l'armée française pour être ce photographe qui devait filmer les tortures et exactions du colonisateur durant la guerre d'Algérie.
Vu d'un oeil suisse, ce film (une production algéro-suisse) est traversé de témoignages de plusieurs anciens soldats qui ont fui et déserté l'armée, donc pour se retrouver en Suisse. Le film donne comme supports pour sa matière, outre la voix off, la riche documentation, entre les vieilles correspondances entre le réalisateur, jeune, avec ses parents, mais aussi son amoureuse, les dessins qu'il réalisait à Paris qu'il aimait tant, de vieilles photos et autres images d'archives pour appuyer ces propos qui paraissent surgir d'un temps lointain, mais qui raviveront des souvenirs poignants pour beaucoup de ces autres témoins de la révolution algérienne, notamment chez ces Français et les Algériens. Des souvenirs douloureux qu'ils se remémorent, pour ces derniers, en se rappelant les conditions misérables qu'ils menaient quant ils étaient enfants dans les camps, et puis l'arrivée de ces enseignants qui leur enseignaient le français entre autres, l'avènement de l'indépendance, mais toujours ces souvenirs amers d'un passé fait de sang et d'hélicoptères pour certains et d'engagements et de militantisme pour d'autres. A propos d'engagement, le théâtre Azzedine Medjoubi projettera aussi vendredi un long métrage fiction palestinien des plus atypiques. Réalisé par Raed Andoni, «Ghost Hunting» avait reçu pour rappel, le Prix du meilleur documentaire à la Berlinale en février 2017. L'originalité du scénario n'a d'égale que la complexité de la mise en scène du film dont le thème toutefois qui commence à être galvaudé au cinéma s'en sort bien grandi.
Et pour cause! Afin de se confronter aux fantômes qui le hantent, le réalisateur palestinien Raed Andoni a organisé un casting de comédiens et de professionnels du bâtiment. Tous, comme lui, sont passés par La Moskobiya, le principal centre d'interrogatoire israélien. Ensemble, ils reconstituent ce lieu de détention dans lequel les anciens prisonniers vont (re)jouer les interrogatoires et la séquestration. Cette entreprise de reconstitution va conduire les uns et les autres à jouer tantôt les bourreaux, tantôt les victimes dans une démarche cathartique à la fois troublante et émouvante.
En fait, les acteurs ne sont pas vraiment des comédiens, sauf que le film est bluffant d'exactitude donnant à voir, au fur et à mesure que le temps passe, des pistes flottantes qui se rétrécissent de plus en plus dans cette frontière qui sépare le réel de la fiction. La chasse des fantômes se voudra en effet oeuvrer pour un sérieux travail sur le 7ème art sans s'éloigner de l'épineux enjeu relatif à la cause palestinienne qui continue à perdurer. Le réalisateur pour surprendre encore le spectateur, fait appel par endroits au dessin et à l'image animée pour un effet expérimental, hybride et décalé qui proposera à la fois une invitation au voyage tout comme il nous entraîne vers un monde fantaisiste flanqué de cette nouvelle proposition cinématographique laquelle est rehaussée d'une démarche esthétique peu conventionnelle dans ce genre de long métrage. Cependant, si la forme semble bien captivante et même le jeu des acteurs assez bluffant, reste le risque de s'ennuyer qui n'est pas loin car le film pèche par le manque de trame assez étoffée et d'une véritable évolution dans l'écriture du scénario. Tout le propos du film réside dans ce procédé: reconstituer un quotidien ordinaire de prisonnier dans des cellules bien oppressantes sans connaître une véritable suite à l'enchaînement des situations qui se mordent la queue à tourner en rond comme un rat dans sa cage...la redondance en effet vous permet de rater une partie d'un film sans pour autant perdre le fil du scénario qui ne sait pas trop où il va. Sans doute une méthode peut-être voulue par le réalisateur pour sous-entendre cette existence maussade, terne et tragique que connaît l'homme palestinien qui n'a pas le droit de sortir de sa zone territoriale tant que l'occupant ne le lui permet pas. Ceci étant dit, le film «Ghost hunting» relevant du cinéma du réel, importe vraiment car utile... Huit ans après l'excellent «Fix Me», Raed Andoni signe un film qui redonne du sens à l' emprisonnement de milliers de Palestiniens dont ce passage presque obligé par les geôles se résout au final à une vie commune bien banale. Or, rien n'est plus ordinaire lorsqu'on est privé de liberté.
Montrer ces gens face à la caméra c'est déjà les subtiliser à leur néant comme des fantômes que l'on saisirait au vol pour les sublimer. Non pas les chasser, mais leur tendre la main pour que le monde les voit.
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Posté Le : 25/03/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : envoyée spéciale Hind Oufriha
Source : www.lexpressiondz.com