Algérie

La paix sociale avant tout !



Il constitue une sérieuse entrave pour les entreprises qui activent dans la légalité et un manque à gagner fiscal considérable pour l’Etat, dépassant allégrement les 200 milliards de dinars par an, selon des estimations du ministère des Finances remontant à l’année 2009.
Sa progression quelque peu freinée par la force publique au cours de ces deux dernières années, reprend de plus belle depuis qu’un récent Conseil des ministres a pris, en réaction aux émeutes de janvier dernier, la décision de laisser libre champ à ce type de commerce.   80 grandes zones d’activité informelles Le ministère du Commerce, qui avait recensé en 1999 pas moins de 3000 zones de non-droit, devra désormais faire avec ces dizaines de milliers de «trabendistes»  qui ont déjà pignon sur rue dans pratiquement toutes les villes algériennes. Ces acteurs de l’informel pouvant être des entreprises ou de simples commerçants clandestins exercent ouvertement des activités aussi nombreuses que variées, allant du commerce de détail et de gros de produits importés clandestinement, à l’atelier industriel ou artisanal, en passant  par le marché parallèle de la devise. Ces périmètres de non-droit déjà fort nombreux ont toutes les chances de se  multiplier à la faveur des récentes mesures du Conseil des ministres qui ouvre pleinement la voie à ce type d’activité.  Selon les chiffres en notre possession, il y aurait en Algérie quelque 80 grandes zones d’activité informelles (Hamiz, Bab Ezzouar, Tadjnanet, Tidjelabine, El Eulma etc.), brassant des dizaines de milliards de dinars, auxquelles il faut ajouter environ 2800 points de vente de moindre envergure où se pratiquent diverses formes de commerce clandestin.    Dans l’écrasante majorité de ces zones, l’activité spéculative domine, en règle générale,  largement l’activité productive qui se réduit à la fabrication de produits de contrefaçon (cosmétiques, outillages, divers produits agroalimentaires, etc.). Parce qu’elles activent en marge de la législation en vigueur, ces activités clandestines qui échappent totalement au fisc et ne supportent aucune charge sociale, portent un lourd préjudice aux entreprises légalement constituées, en leur livrant une concurrence déloyale. Le préjudice pour l’économie algérienne est en réalité plus lourd, car outre le fait que ces entreprises clandestines ne payent pas d’impôts, elles provoquent de par la concurrence déloyale qu’elle font subir aux entreprises légales déjà empêtrées dans d’inextricables obstacles bureaucratiques, des manques à gagner considérables qui pénalisent, aussi bien, leurs résultats financiers que les rendements fiscaux de l’Etat.
Mais qu’est-ce qui a bien pu pousser ces opérateurs à activer dans la clandestinité dans un pays où il y a pourtant place pour tous les acteurs économiques, tant la demande intérieure est encore très importante ' Plusieurs raisons sont citées par les opérateurs concernés, mais on n’évoquera que les plus importantes d’entre elles. L’informel fonctionne aujourd’hui selon les mécanismes universels de l’économie de marché !
La première grande raison a trait à la complexité des démarches administratives à accomplir pour créer une entreprise en Algérie. Selon le type d’activité que vous envisagez de créer, il vous faudra, en effet, plusieurs mois, voire des années, pour venir à bout des interminables procédures. La Banque mondiale en avait recensé pas moins d’une vingtaine de procédures, en n’omettant, toutefois, pas de relever une certaine amélioration par rapport aux années passées. Au début des années 1990, il fallait en effet accomplir pas moins de 30 formalités pour créer une société, selon une évaluation du ministre de la PME de l’époque.  
Les déboires du créateur d’entreprises ne s’arrêtent malheureusement pas là, car une fois créées sur papier, tout le problème consiste à donner corps à sa société, ce qui n’est pas une mince affaire eu égard à la désinvolture de nos banques et à la déliquescence de pratiquement tous les services publics (eau, télécommunication, transports etc.). C’est en désespoir de cause que l’on opte pour l’informel, l’objectif étant d’échapper à une lourde et coûteuse machine bureaucratique qui continue, du reste, à travailler aujourd’hui encore à la perte des promoteurs. La seconde raison et, non des moindres, a trait au coût exagérément élevé des prélèvements obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales etc.), auxquels sont soumises les entreprises «enregistrées». Les charges qu’elles doivent payer annuellement au fisc et aux organismes sociaux et parafiscaux, dépassent allégrement les 45% du chiffre d’affaires réalisé, notamment lorsqu’elles tiennent une comptabilité en règle et dégagent des bénéfices. Ne pas déclarer son affaires constitue une échappatoire à ces administrations fiscales, parafiscales et sociales boulimiques, qui ne les payent pas de retour par une amélioration de la qualité des services publics.  En dépit des coups de boutoir que lui avaient porté les services de sécurité et les contrôleurs des impôts, le secteur informel n’a jamais perdu de son ampleur même s’il s’est momentanément éclipsé du champ visuel par prudence. Il a continué à se développer dans la discrétion tirant son prodigieux de son aptitude à  profiter des données du marché local et international grâce au dynamisme de ses réseaux et autres complicités de certains dignitaires du pouvoir. L’informel fonctionne aujourd’hui selon les mécanismes universels de l’économie de marché, à savoir avec un marché des changes, un marché du travail, un marché immobilier, un marché des biens d’équipement et autres éléments structurants de l’économie de marché que l’Etat algérien peine encore à mettre en place. La réaction plutôt timorée, pour ne pas dire favorable, du pouvoir à l’égard du marché informel, montre à l’évidence qu’il ne tient pas à le faire disparaître tant que ce dernier contribue par le million et demi d’emplois qu’il offre et la multitude de services qu’il  assure, au maintien de la paix sociale. L’informel a, par conséquent, encore de beaux jours devant lui.  


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