Algérie

«La page de la dictature est définitivement tournée»



«Ceux qui ne sont pas encore dans cette psychologie se trompent énormément. Merci aux frères tunisiens d’avoir montré le chemin. Ce qui s’est passé à Tunis puis au Caire était tellement rapide et surprenant qu’un film n’aurait pas pu refléter», a-t-il appuyé. Il a expliqué qu’après la tempête qui a balayé les trônes de Zine Al Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, les dictateurs des autres pays arabes ont adapté leur résistance, à l’image de Bachar Al Assad en Syrie et Ali Abdallah Saleh au Yémen. Le tyran de Sanaa a même fait appel à ses «oulémas» pour proclamer que la contestation des gouvernants était… «illicite». Ce qui a provoqué la colère et la dénonciation des véritables théologiens. «Pour ces dictateurs, cela est devenu une question de ‘’to be or not to be’’ (être ou ne pas être). Ils ont bien appris la leçon. Ils résistent pour ne pas être jetés dans les poubelles de l’histoire», a relevé l’auteur de Bonaparte et Mahomet. Il a relevé que même dans les pays où il n’y a pas eu de mouvements de contestation forts, comme en Arabie Saoudite, les régimes en place prennent au sérieux les problèmes sociaux et économiques de leurs populations. «En plus du sérieux, ils ont ajouté la rapidité. En Arabie Saoudite, un des pays les plus riches au monde, on s’intéresse aux salaires, aux difficultés des migrants… Le roi fait à sa manière sa révolution féministe en autorisant les femmes à voter, mais pas à conduire une voiture. Pour que le roi réagisse de la sorte, c’est qu’il ressent une certaine crainte d’ouverture», a expliqué Ahmed Youssef. Comment gérer une révolution Le plus difficile, selon lui, n’est pas de provoquer une révolution, mais de gérer le lendemain de la révolution. «Comment construire une démocratie ' Comment distribuer les richesses du pays ' Comment créer une économie de croissance et pas une économie rentière' Tout cela relève des défis. Je ne vous parle pas de la pauvreté et des problèmes de transport en Egypte.
Le Caire est une ville invivable. Tout cela doit être géré par le prochain président. Celui-ci devra s’occuper des problèmes du peuple, pas ceux de sa propre pérennité au pouvoir», a-t-il noté. Ahmed Youssef s’est dit réjoui par les réformes engagées en Algérie, au Maroc, en Arabie Saoudite, au Bahreïn et à Koweït. «Il en faudra d’autres. Les régimes en place le savent bien. Une réforme de l’intérieur est possible», a-t-il noté. Il a invité les présents à revoir le film satirique The Great Dictator (le grand dictateur) que Charlie Chaplin a réalisé en 1940 pour avertir les opinions contre le nazisme et le fascisme. «Le globe avec lequel le dictateur jouait a éclaté sur sa figure», a-t-il dit.L’ancien diplomate français, Pierre Hunt, a observé, quant à lui, que la crainte de l’islamisme a fait que l’Occident s’est adapté aux Etats qui garantissaient «la stabilité» et «la continuité» des affaires. L’épouvantail islamiste Il a étayé son propos par l’exemple de l’ex-maître de Tunis, Zine Al Abidine Ben Ali. «La mesure a été prise. Un pays comme la France se mettra en opposition à ses principes et à son histoire en adoptant une position contre le mouvement d’émancipation démocratique en cours», a-t-il dit. Une partie de l’Occident va-t-elle mettre en marche la mécanique de la contre-révolution ' «Je ne pense pas qu’il soit question de casser ce mouvement. Bien au contraire, il s’agit de l’accompagner. Les problèmes considérables auxquels font face l’Algérie et l’Egypte ne peuvent être surmontés sans qu’il y ait véritablement une approche internationale», a noté cet ancien ambassadeur de France. Il a plaidé pour le développement de la coopération euro-méditerranéenne. «J’étais au Maroc, il y a plus de quarante ans. A l’époque déjà, on parlait du Maghreb uni. Cela ne s’est pas fait. Ce n’est tout de même pas l’Occident qui a empêché la concrétisation de ce projet», a-t-il analysé. Pierre Hunt a préfacé le livre Nos Orients, le rêve et les conflits paru aux éditions du Rocher en France en 2009. Un livre d’entretien réalisé avec Ahmed Youssef, correspondant d’Al Ahram à Paris, avec Jean Lacouture, spécialiste du Moyen-Orient, journaliste et biographe de Charles de Gaulle et François Mitterrand. Ahmed Youssef est auteur de plusieurs autres essais comme Le conflit israélo-arabe, écrit avec Théo Klein, et L’Orient de Jacques Chirac.
 


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