Algérie

La nuance qui sépare les discours de Tlemcen et de Laghaout



Dans son discours à la nation du 15 avril dernier, le chef de l'Etat avait fait connaître son intention de procéder à des réformes politiques «profondes», mais en affirmant qu'elle ne lui a pas été dictée par la crainte d'une contagion à l'Algérie du vent de révolte populaire qui s'est levé dans le monde arabe contre les régimes en place.
Sa détermination à faire des réformes politiques, Bouteflika l'a justifiée en faisant valoir que celles-ci s'inscrivent en tant que phase ultime du programme de rénovation globale de fonctionnement de l'Etat algérien, dont il a entamé la mise en 'uvre aussitôt arrivé au pouvoir en 1999. Cette raison donnée aux réformes politiques annoncées a servi de rengaine et d'argument de réfutation aux milieux officiels à l'idée que le pouvoir ne s'y résout que parce que paniqué par l'effervescence politique et sociale qui enfle dans le pays.
Bouteflika n'a pas en apparence varié dans sa présentation des raisons qui l'ont conduit à engager des réformes politiques. A Laghouat, où pour la première fois depuis le 15 avril il a été possible de savoir ce qu'il pense du processus de réformes politiques entamé, le Président a réitéré la même antienne, à savoir que son initiative est intervenue dans une Algérie qui est « en paix et 'uvre pour la construction d'une société basée sur les principes de la liberté, de la justice et de la solidarité, dans un climat de sécurité et de concorde, après avoir réussi à dépasser la crise qui a menacé sa stabilité et sa capacité à s'inscrire dans le développement».
Belle envolée de sa part en réplique à ceux qui voient dans les réformes politiques une opération conçue comme tentative de créer un pare-feu à l'incendie qui menace la « maison Algérie ». Sauf que l'assurance présidentielle est prise en défaut à la lecture d'un autre passage du discours de Laghouat (qu'étrangement Bouteflika n'a pas prononcé dans son intégralité). Il y est dit en effet «que le monde connaît de grands changements et la nation arabo-musulmane connaît un parcours difficile. L'Algérie, en tant que partie de ce monde, a une influence et elle est influencée par ce qui se passe autour d'elle. Dans ces conditions, elle a pris sa responsabilité sincère de mettre en place un climat de réformes politiques, économiques et sociales qui répondent aux aspirations de la société et à ses attentes de réformes permanentes… ». On ne peut mieux avouer que ce que le pouvoir algérien a entrepris, comme un ensemble de réformes qui lui est imposé par la conjoncture nationale, régionale et internationale, à tout point de vue menaçante pour sa stabilité et sa pérennité.
Si le ciel algérien est aussi serein que veut le faire croire le chef de l'Etat, pourquoi a-t-il engagé des réformes politiques, alors que, selon lui et les hommes du sérail qui relaient sa vision, le pays ne vit pas une crise politique ' N'est-ce pas parce qu'il a plutôt senti le vent de la révolte se lever et qu'il lui fallait donner les gages d'une volonté de changement ' C'est à l'évidence ce qui a fait bouger Bouteflika et le pouvoir. Sauf qu'il ne paraît pas évident que le lest jeté par eux soit de nature à les prémunir du vent de contestation qui souffle ailleurs dans le monde arabe. A l'ère où ce monde arabe se montre déterminé à en finir avec les gouvernances qui se targuent de vouloir faire « son bonheur » malgré lui et sans lui demander son avis, bien peu d'Algériens ont foi dans les réformes qui leur sont octroyées unilatéralement par le pouvoir.
Autant dire que le cycle de la contestation et de la revendication en Algérie ne va pas être clos par les réformes engagées. Le feu couve au contraire et l'embrasement se produira à la moindre occasion.


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