Algérie

La nouvelle doctrine de Zerhouni est à surveiller



Lesrédactions algériennes en savent un bout: lorsque deux touristes occidentauxsont pris en otage en Tunisie, les médias tunisiens ne parlent pas de Tunisiemais d'un kidnapping «aux frontières algériennes», par un groupe d'El Qaïda affidé au GSPC «algérien». C'est le cas, aussi, lorsquecela se passe au Maroc ou même en Mauritanie, dans la bouche des journauxlocaux ou même des agences occidentales. Dans tous les cas de figure, la recetteest de s'en laver les mains et de coller le cadavre à l'Algérie, ce pays afghanisé absolument. Le chemin étant plus court entreBagdad et Alger qu'entre Djerba et Tunis.Pourla prise d'otages des deux Autrichiens, il y a déjà quelques mois, notre gouvernementaura beau répété que l'Algérie est compatissante mais n'est, en rien, impliquée,cela ne servira à rien. L'Algérie est toujours là comme poubelle de l'info-sécuritaire dans la région. Pourles rédactions du pays, cela pose même un problème moral: faut-il faire commeles Marocains et réduire un attentat spectaculaire à la dimension d'un pétardpour ne pas plomber la saison de tourisme, ou faire comme les Tunisiens etbalayer sous le tapis algérien les restes de ses islamistes? Ou faut-ilsimplement faire son métier, innocemment, dans un monde qui ne l'est pas etdonner l'information telle quelle? Généralement la réponse est «oui» puisqu'enAlgérie on aime bien jouer au sinistre et en accuser le gouvernement coupabled'être un pouvoir, pas un Etat. A la longue, nous faisons couler le pays maisavec un grand professionnalisme. Que faire alors?ANouakchott, pour la réunion des 5+5 (alternative anti-terroriste à l'Africom, made in US) et loin de ses cafouillageslégendaires et barbarismes impossibles, Zerhouni aexposé une nouvelle doctrine de l'information «engagée» à suivre de très près. «Si,jusqu'à ce jour, notre action s'est concentrée sur les traitements, essentiellementsécuritaires du phénomène terroriste, il me semble que nous ne devrions pasnégliger la nécessité des actions aux plans médiatique et de la communication»,dira-t-il à ses pairs. «Peut-être, devrions-nous faire le maximum d'effortspour convaincre les différents médias et canaux de communication, qu'ils ont unrôle essentiel à jouer dans ce combat?», a-t-il poursuivi.Pourl'essentiel, le ministre a eu l'intelligence de préciser quelques pointsmajeurs pour sa doctrine de la nouvelle information sécuritaire utile.1°- «L'effet psychologique et médiatique recherché par les terroristes estessentiel». 2° - Le contexte international dominé par la situation en Palestine,l'Irak et au Liban, sont des arguments exploités par la propagande djihadiste qui les transforme en «résistance légitime». 3°- Les jeunes générations ont un rapport trouble à «l'Autre» et sont victimes defausses «idées reçues dans nos sociétés à l'origine de thèses dangereusesvéhiculées par les radicaux religieux de toutes confessions» avec un amalgamedésastreux entre Islam, violence et terrorisme avec identification duchristianisme à l'inquisition et la réduction du judaïsme au sionisme. 4°- Il yfaut des systèmes éducatifs qui instillent «l'esprit de tolérance et le respectde l'autre, ainsi que les valeurs de la démocratie et de l'universalisme». 5° -Enfin, Zerhouni relèvera que les propagandesextrémistes «occupent des terrains de communication d'où nous sommes souventabsents», comme les «sites Internet qui véhiculent une littérature nocive».Lasolution d'Etat? «Nous devons pouvoir convaincre la communauté de l'informationet des médias à partager cette vision et à s'impliquer davantage dans cettedémarche...». En clair, impliquer les médias dans le cadre global d'une infoengagée, «utile» et combattante.Dansdes pays à démocratisation factice comme ceux du Maghreb, une telle volontéd'encadrer l'information reste une dangereuse tentation mais aussi unenécessité de «guerre» face à la propagande islamiste. La frontière entre lecontrôle stalinien et ridicule des médias et celui de la responsabilisationmature, est très mince et les confusions sont souventtrop confortables.ANouakchott, Zerhouni a développé une vision et unelangue qui l'auraient fait passer pour un stratège de la démocratie responsable,s'il n'était pas ministre de l'Intérieur dans un pays verrouillé. Par ailleurs,des journaux «voisins» ont pris cette habitude d'éviter de «descendre» l'imagede leur pays, sans avoir besoin de l'injonction de leurs tuteurs à chaqueattentat. D'autres, chez nous, préfèrent le scoop à la responsabilisationabusive.Leprofessionnalisme y gagne, mais l'Algérie y perd et El Qaïdadu Maghreb s'en sort mieux que le Maghreb. De ce paradoxe, chacun essaye, finalement,de tirer profit: Zerhouni plaide pour des médiascollaborateurs, d'autres plaident pour une liberté dite large et les derniers, pourun nationalisme de l'image selon les intérêts du pays de chacun d'abord. Achacun de choisir.


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