Algérie

La nouvelle année commencera sans eux



L'année 2020 a été marquée par la disparition de nombreuses personnalités du monde de la politique, de la culture et de l'art, ainsi que de journalistes de renom. Ils ont de leur vivant marqué l'Algérie. Dans le monde de la politique, c'est le décès de Lakhdar Bouregaâ, héros de la guerre d'indépendance et figure du mouvement de contestation populaire du Hirak, qui a marqué l'actualité, alors que plusieurs autres personnalités algériennes du monde de la santé, frappées par la pandémie de Covid-19, et celles de la culture et du monde universitaire nous ont quittés durant cette année.Abdelhalim Benyellès - Alger (Le Soir) - La disparition de Lakhdar Bouregaâ, mercredi 4 novembre, dans la soirée, à l'âge de 87 ans, est un événement tragique qui est intervenu dans une conjoncture particulière, marquée par la situation sanitaire de la pandémie de Covid-19, et la vague d'arrestations des détenus politiques dont Bouregaâ faisait partie. Lakhdar Bouregaâ, le grand maquisard, devient vite l'une des figures emblématiques de ce Hirak. Certains n'hésitent pas à lui donner la qualité de « l'homme aux deux révolutions ».
Bouregaâ, qui était éminemment respecté pour son implication dans les manifestations pacifiques du Hirak, avait été arrêté le 29 juin 2019 à son domicile et poursuivi pour « outrage à corps constitué » et « atteinte au moral de l'armée ». Il avait été placé sous mandat de dépôt et incarcéré, malgré son âge, à la prison d'El-Harrach. Son arrestation a suscité la colère et l'indignation générales. Le défunt, qui a rejoint à un jeune âge le Parti du peuple algérien (PPA), puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), a intégré les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN) en 1956 dans les environs de Médéa. Il a occupé plusieurs postes de responsabilité à la Wilaya IV historique, avant de devenir chef de la 4e Région historique, Zone II de la Wilaya IV entre 1959 et 1960. Pour l'ancien diplomate Abdelaziz Rahabi, Lakhdar Bouregaâ a été un « patriote sans concession et défenseur infatigable des valeurs de liberté et de dignité » et qui « aura réussi à transmettre aux générations du Hirak le vrai sens de son combat » et que « l'indépendance reste incomplète sans la liberté ».
L'archevêque d'Alger Henri Teissier, décédé au petit matin du mardi 1er décembre à l'âge de 91 ans, à la suite d'un AVC, a marqué l'actualité, tant la personnalité était un véritable monument de l'histoire de l'Algérie et de son Eglise. Ce pasteur au grand coeur était un véritable trait d'union entre chrétiens et musulmans. Le natif de Lyon avait été nommé évêque d'Oran en 1972 puis archevêque en 1988. Il a obtenu la nationalité algérienne en 1966, ce qui prouve son attachement profond à l'Algérie.
Mgr Paul Desfarges, actuel archevêque de la capitale, raconte qu'« Henri Teissier était très proche de tout le monde », alors que la presse estime qu' « il était un inlassable fabricant d'amitié », comme ils apprécient la « bonté » sans pareille de cet homme arrivé en Algérie à l'âge de 17 ans et qui n'a plus quitté les Algériens. En 1962, il met sur pied une maison ouverte à la culture arabo-musulmane, au « dialogue avec les Algériens » qu'il dirigera jusqu'en 1972, date à laquelle il devient évêque d'Oran.
Le 14 décembre 2020, l'Algérie perd l'un de ses héros de la guerre d'indépendance, l'ancien secrétaire d'Etat auprès du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et ex-médecin en chef de la Wilaya II historique, Abderrahmane Khène, dit Lamine Khène, décédé à l'âge de 89 ans. Lamine Khène a milité au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (PPA-MTLD), puis fonda, avec d'autres compagnons d'armes, l'Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema) en 1955 dans la même période où il effectuait des études en médecine à l'Université d'Alger.
En 1956, il a rejoint l'Armée de libération nationale (ALN) où il a été promu capitaine chargé de la santé. Il fut l'un des premiers protagonistes du mouvement de grève des étudiants, le 19 mai 1956, et avait été le rédacteur de l'appel à la grève, à la demande de l'ancien Président du GPRA, Benyoucef Benkhedda.
Un vendredi matin du même mois, l'ancien ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, décédait à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja (Alger), à l'âge de 83 ans des suites d'une longue maladie. L'ancien responsable des services opérationnels de la Sécurité militaire après l'indépendance avait rejoint les rangs de l'Armée de libération nationale (ALN) au sein de laquelle il est devenu membre actif avant d'intégrer le ministère de l'Armement et des Liaisons générales (MALG) qui était le service de renseignement de l'ALN. En 1958, il dirige les services de renseignement de l'ALN au sein du Front de libération nationale (FLN). En 1961, il fait partie de la délégation algérienne aux Accords d'Evian en tant qu'expert militaire. Après l'indépendance, Noureddine Yazid Zerhouni occupe plusieurs postes dont celui de ministre de l'Intérieur de 1999 à 2010 et vice-Premier ministre dans le gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia.
Le mois de novembre 2020 a été marqué par la perte d'une sommité de la sphère intellectuelle algérienne, Ali El Kenz, professeur de sociologie aux Universités d'Alger et de Nantes, décédé à l'âge de 74 ans des suites d'une maladie cardiaque à Nantes. Le spécialiste de la sociologie en Algérie Ali El Kenz est une personnalité atypique connue pour son engagement et ses travaux, dont la pensée a traversé les frontières. Il a laissé des ouvrages de référence tels que Au fil de la crise, Gramsci dans le monde arabe, Les maîtres penseurs ou encore Ecrit d'exil, ainsi que des articles et contributions dans la presse. Il publie, également, en 1980, L'économie de l'Algérie dans lequel il signe sous le pseudonyme de Tahar Benhouria, en référence à son quartier à Skikda. Dans ce livre dense de 450 pages, fortement documenté, il examine les divers rouages tant institutionnels, sectoriels que régionaux de l'économie algérienne. En 1993, après l'assassinat de son ami, le Pr Djilali Liabes, il est contraint de quitter le pays pour rejoindre la Tunisie, où il obtient une place de professeur associé à l'Université de Tunis et deux ans après, il part en France pour enseigner la sociologie à l'Université de Nantes.Deux mois avant, le sociologue et historien, Abdelmadjid Merdaci, décédait à l'âge de 75 ans des suites d'une longue maladie. L'historien et écrivain est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le Mouvement national algérien et la guerre de Libération nationale, la musique algérienne et l'histoire de la ville de Constantine comme il contribuait régulièrement dans les quotidiens nationaux. Abdelmadjid Merdaci est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Le dictionnaire des musiques et les musiciens de Constantine, La fonction présidentielle en Algérie, GPRA, un mandat historique (19 septembre 1958-3 août 1962), Novembre 1954, de l'insurrection à la guerre d'indépendance et Constantine, citadelle des vertiges.
Enfin, la fin de l'année 2020 a connu la perte d'éminents professeurs de la santé frappés par la pandémie de Covid-19, et ils sont nombreux. L'un des piliers de la presse et de la littérature algérienne, Mouloud Achour, décédait le 24 décembre à l'âge de 76 ans. Casbah Editions, où le défunt occupait le poste de directeur littéraire, annonçait, dans un communiqué, que « Mouloud Achour laisse un vide incommensurable, qu'il remplissait chaque jour avec son amour, sa gentillesse, sa loyauté, sa sincérité, sa générosité et son courage ». Avant d'entamer sa carrière d'écrivain, Mouloud Achour a commencé en tant que journaliste et a travaillé dans différentes rédactions, notamment à El Moudjahid, Algérie Hebdo et en tant que directeur de la rédaction de Liberté.
A. B.


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