Le Professeur Nadir Boumaza, sociologue et
géographe, fort connu parmi la communauté universitaire, a animé, mercredi, devant
un parterre fort attentionné une importante conférence dans l'enceinte de la
bibliothèque de l'Institut des sciences sociales, sise à l'IGMO
ayant pour thème « Du territoire et de la territorialité ».
Question de l'heure oblige, le professeur a d'emblée ouvert son
allocution par l'histoire qui s'écrit actuellement sous nos yeux dans le monde
arabe. Paix et stabilité, justice et équité, affranchissement et progrès, citoyenneté
et liberté, voilà tout ce que souhaite le conférencier à cette aire
géographique dont les événements précipités ont surpris même les plus
prévisionnistes. Là n'est pas le prélude de la problématique, mais pas
tellement lointaine de cette notion de territoire et de la territorialité à
l'épreuve du terrain. Le postulat avancé par le conférencier est que le
découpage administratif hérité du jacobinisme colonial, du centralisme poussé à
son extrême, n'a pas tellement changé dans le fond et ce, malgré les multiples
réorganisation par la force de lois, décrets et autres découpages
institutionnalisés. Pour le conférencier, le wali est le fondé du pouvoir du
centre de décision centralisé et lui revient le droit de réguler et de
coordonner l'instance exécutive intersectorielle dans la wilaya, c'est-à-dire
dans un territoire donné. D'où la confusion née à partir du décalage qui peut
exister entre un découpage administratif et la réalité du territoire, même si
les réformes apportées tendent à privilégier le pouvoir de la commune, et de la Région, surtout, qui
demeure à inventer. De cela découle de la délégation de pouvoir régalien au
wali et son instance exécutive. Le Maroc, connaissant lui aussi ce genre de
problème de décalage entre le découpage et le territoire tend à travers le
projet de régionalisation à remédier à cette « tare ». Cela exige également la
réforme des pouvoirs. Mais la question territoriale, admet M.Boumaza,
est plus complexe que l'on pense, car il n' y a pas que l'espace qui détermine
le territoire, il y a également l'aspect culturel, voire anthropologique ; c'est-à-dire
le rapport de l'individu à l'espace et de l'interférence. La réorganisation de
la territorilaité en système organisé est nécessaire
en interpellant la culture, le mode vie, les us, le contrat social qui y
prévaut même aussi informel soit-il. C'est à partir de cette matrice faite d'un
tout spécifique qu'on érigera la territorialité. Urbaine ou rurale, agricole ou
industrielle, touristique ou pastorale, versant ou montagne, plaines ou côte : plusieurs
facteurs délimitent la territorialité dans son espace commun. L'organisation du
monde est partout, de même cette organisation qui a érigé l'état-nation
comme le plus commun des représentations territoriales et politiques, de même
pour les sous regroupements économiques avec les différentes unions déterminent
le territoire non pas dans un esprit passéiste mais dans la perspective
futuriste pour la survie face au déferlement de la mondialisation qui est
entrée partout par effraction. L'union du Maghreb est une exigence qui se pose
plus que jamais, non pas par coquetterie stratégique mais bien plus, par la
recherche d'un intérêt économique commun surtout. La mondialisation passant par
là, avec ses ouvertures, a presque tué le textile en Tunisie et au Maroc et a
fait des dégâts énormes dans l'industrie algérienne.
L'union maghrébine qui, en fait, est une relation gagnant-gagnant
sert aussi de débouché aux produits venus d'ailleurs. Donc, le territoire se
construit au gré des conjonctures.
Ensuite, l'animateur s'est attaqué
au problème de l'aménagement du territoire tel que politiquement pensé et qui
fait fi de la consultation des acteurs locaux, c'est-à-dire le citoyen, le
créateur de richesse, l'utilisateur de la chose publique et l'exemple des pôles
d'excellences, encore à l'état d'idées, à été servi en illustration pour dire
combien l'aménagement est complexe non pas à cause des volontés qui manquent, mais
à cause des conjectures de terrain et de la réalité de la société algérienne et
ses spécificités qui sont assez complexes. La société algérienne fonctionne
selon des lois sociales : aux sociologues de les déconstruire sans porter de
jugement ou de schémas manichéens et archétypales pour mieux comprendre ses
mécanismes et encore mieux faire aboutir les découpages bureaucratiques et
institutionnels à cette réalité. Un débat a été ouvert où quelques intervenants
ont justement insisté sur la nature politique de l'Etat algérien, rente, partage , allégeance et clientélisme, qui ne permettent pas
d'intégrer l'idée experte du découpage du territoire et que la Régionalisation
fait peur au pouvoir central qui appréhende la régionalisation dans son aspect
autonomiste comme menace d'éloignement de la sphère décisionnelle. C'est à quoi
le conférencier répondra que la société algérienne fonctionne dans son essence
par des lois sociales informelles et séculaires faites d'entente, de compromis
et de consensus et au sociologue d'expliquer cela en montrant toujours le point
positif et non pas vouer aux gémonies des pratiques que tout le monde accepte
tacitement.
Nadir Boumaza est spécialisé en Urbanisme et en
développement, ainsi que sur diverses autres questions dont celles du
patrimoine, du Tourisme, de l'Aménagement du territoire, sur les sciences
sociales elles mêmes, collaborant avec de nombreux organismes publics en
Algérie et en France et exerçant des responsabilités. Historien à l'origine, géographe
et sociologue, Professeur des Universités (Grenoble) et chercheur au CNRS (PACTE
Territoires), il a collaboré en Algérie avec le Ministère de la ville, la DGRSDT et de nombreux
établissements universitaires. Il a dirigé des programmes et un important
établissement de recherche et a été invité dans de nombreuses universités
françaises et algériennes, au Maroc, en Tunisie, en Italie, Canada, Espagne, au
Japon, Niger… d'analyser des processus de transformation de l'espace. Il
travaille actuellement principalement sur l'Algérie et vient de présenter des
communications sur Ville et santé (Constantine, Mars 2011), sur Patrimoine, durabilité
et projet local (Skikda, Mai 2011), sur la territorialité (Oran 2011) et doit
faire prochainement une importante intervention sur la ville du futur (Alger, Juin
2011)».
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Posté Le : 04/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : T Lakhal
Source : www.lequotidien-oran.com