Un film qui démontre la bonne qualité du cinéma marocainAprès de nombreux courts métrages et Pégase, Mohamed Mouftakir considéré comme l'un des grands espoirs du cinéma marocain signe son second et très beau long métrage, en lice pour le Wihr d'or.Le film de bonne facture vient de confirmer le talent et la qualité cinématographique du 7e art marocain qui a pris son envol ces dernières années avec des films audacieux autant au niveau de l'image que de la thématique. Fils du grand violoniste Houcine Mouftakir (dit Budra), Mohamed a étudié à l'université de Casablanca la littérature anglaise avant de suivre des cours de réalisation et d'écriture de scénario, notamment en France. Il travaille pendant cinq ans en tant qu'assistant de réalisateurs marocains ou étrangers.Après différents stages, en France, en Allemagne - où il vit pendant plusieurs années - et en Tunisie, sa carrière démarre au cinéma... c'est beaucoup de lui-même que le réalisateur a mis dans ce nouveau film qui respire la nostalgie saupoudrée de tendresse mais aucunement pas la naphtaline. Et pour cause, en grande partie biographique, l'histoire est une inspiration du rapport du fils (le réalisateur quand il avait dix ans) avec son père. Sans doute, des éléments d'approche artistiques sont venus rehausser le film de fragments de fiction comme le soulignera Mohamed Mouftakir en affirmant qu'il y a 50% de vérité.Le synopsis du film a pour cadre les premières années du règne de Hassan II. Le film évoque deux des années 1970. Houcine, fan de son nouveau roi, est le chef d'un orchestre populaire. Lui et sa femme Halima habitent dans la maison de famille de celle-ci, une maison animée, aux personnages attachants et vivants au rythme de l'orchestre et de ses danseuses traditionnelles, les chikhate. Les musiciens-hommes de cet orchestre sont parfois obligés de se faire passer pour des aveugles afin de pouvoir jouer dans les fêtes uniquement réservées aux femmes, organisées par des familles marocaines conservatrices. Houcine est également l'heureux père de Mimou. Il prend son rôle très à coeur et souhaite le meilleur pour son fils.Dès l'école primaire, il lui impose d'être le premier de sa classe. Mais Mimou va rapidement tomber amoureux de Chama, la nouvelle bonne de leur voisine, et pour ne pas décevoir son père, il va tricher en falsifiant son bulletin de notes... Il est aidé pour ce faire par son oncle qui rêve de révolution marxiste et qui disparaît brutalement la veille de la préparation d'une manifestation. Son rêve est de faire régner la démocratie et défendre le peuple. La politique est chose dangereuse et impensable à l'époque au Maroc, car certains ne reviendront jamais chez eux et les chanceux plus de 30 ans après, comme le montre bien Hicham Lasri dans son film C'est eux les chiens...Une liberté de ton qui émane d'un film sensible, généreux qui trouve sa force dans ses idées suggérées et ces images implicites qui sous-tendent par moment que ces chikhate s'adonnent à de la prostitution pour arrondir leur fin de mois. Si le politique y est souligné sans ambages, car cela est traduit avec simplicité, un peu d'humour et sans fioritures.Si la musique tient une place prépondérante dans l'illustration des couches sociales elle en est davantage discernable dans la bande-son où un refrain de violon revient comme un chorus qui nous fera penser au film In the mood for love, bien que les histoires sont complètement différentes. Cette composition musicale est signée en fait par le Français Didier Lockwood qui insufflera au long métrage un trait de profondeur autrement romantique et plaisant, et ce, quand le rythme s'adoucit après la tempête du mariage mais aussi du drame humain dont le film est imprégné. Guitariste à la base, c'est le musicien marocain Younès Megri qui joue le rôle du père. Ce dernier fera remarquer lors du débat qui a suivi la projection, que c'était un challenge d'incarner ce personnage d'autant que le monde des chikhate n'est pas le sien, mais plutôt la musique arabo-andalouse, mentionnant en outre qu'il a une partie de sa famille qui vit à Oran, étant de Oujda.Pour sa part le réalisateur Mohamed Mouftakir qui insistera sur le fait que le film est tourné selon le point de vue de l'enfant, narrateur omniscient, dira que le ton se voulait être de la nostalgie heureuse mais pas du tout triste. Abordant l'intelligence dans ses plans, il dira être «contre le gratuit au cinéma qui s'apparente comme une fausse note. Je suis pour l'utilité du plan quand c'est justifié...».Evoquant enfin sa production française (Emmanuel Prévost), il dira que cette dernière lui avait proposé le nom de Rochdi Zem à la place de Younès Megri. «J'ai dit non».
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Posté Le : 10/06/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : envoyée spéciale O HIIND
Source : www.lexpressiondz.com