Algérie

La nécessaire adaptation aux nouvelles mutations



La nécessaire adaptation aux nouvelles mutations
Conférence donnée en présence du Premier ministre par le professeur Abderrahmane Mebtoul à la conférence nationale sur le développement économique et social le 04 novembre 2014.Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs, Honorables invités Je tiens d'abord à remercier les organisateurs pour cette aimable invitation sur un sujet qui m'intéresse à plus d'un titre, ayant passé ma vie pendant plus de 40 ans au sein des ministères de l'Energie et de l'Industrie parallèlement à ma fonction de professeur des universités. 1.-Mesdames, Messieurs, honorable assistance, Le défi de l'Algérie est la nécessaire adaptation aux nouvelles mutations mondiales dont l'industrie mondiale qui connaît une très profonde restructuration, surtout depuis la crise d'octobre 2008. La politique socioéconomique, depuis l'indépendance politique, a été menée exclusivement par l'Etat, avec plusieurs variantes d'organisation : autogestion 1963/1965, sociétés nationales 1965/1979, réorganisation des sociétés nationales en microsociétés de 1980/1987, fonds de participation (1988/1994), holdings 1995/1999 en cinq méga-holdings en 2000, sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP) 2003/ à nos jours et, actuellement, l'on parle de groupes industriels. Or, l'efficacité d'une organisation est subordonnée d'abord à une cohérence et visibilité dans la démarche. Ensuite, celle-ci doit s'insérer au sein d'une stratégie de moyen terme. L'héritage d'une économie administrée est fortement présent dans la philosophie et les pratiques de la vie économique et sociale. L'industrie publique est largement obsolète et concentre des pertes totales malgré des assainissements répétés. Les paramètres macroéconomiques de l'Algérie apparaissent comme positifs mais éphémères sans réformes structurelles et les tendances relatives aux grands agrégats révèlent une macroéconomie sous contrôle relatif fonction des aléas de la rente des hydrocarbures. Le développement durable incluant la protection de l'environnement en Algérie passe par l'Etat de droit, une gouvernance renouvelée se fondant sur une plus grande moralité de ceux qui dirigent la Cité car les ajustements économiques et sociaux à l'avenir seront douloureux, d'où l'importance d'un discours de vérité. L'Algérie devant investir dans l'économie de la connaissance et les segments innovants au sein de filières internationalisées pour avoir des avantages comparatifs et dynamiser les copartenariats industrie-agricuture-services. Les choix de développement des filières doivent être cohérents avec les tendances lourdes internationales. Les tendances incontournables à l'internationalisation des économies tendent à reléguer au second plan les politiques et contrôles nationaux au profit d'espaces économiques régionaux (CEE) ou mondiaux (OMC), d'où l'importance du grand Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique. L'important est donc la spécialisation non pas dans les branches (vision dépassée) mais dans la dynamique des produits car la spécialisation d'un pays dans le commerce international révèle sa compétitivité au moyen-long terme au niveau sectoriel. Du fait de tensions budgétaires à venir, la chute des cours des hydrocarbures étant durable dans le temps, cela implique une plus grande rigueur budgétaire et de préparer d'ores et déjà la transition énergétique elle-même englobée selon une vision stratégique au sein de la transition économique hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. 2.-Mesdames, Messieurs Le pourquoi de l'importance de cette rencon- tre ' Elle fait suite d'ailleurs à la rencontre que vient de tenir notre ministre de l'Industrie aux USA et à celle du 18 octobre 2014 organisée par l'association France Algérie sous la présidence de mon ami, M. Jean-Pierre Chevènement, grand ami de l'Algérie. Au cours d'un débat organisé par Radio France Internationale le 26 octobre 2014 entre moi-même et le professeur Antoine HALFF, ancien économiste en chef au secrétariat à l'Energie US et actuellement responsable des prévisions économiques à l'Agence internationale de l'Energie, nous avons débattu des tendances entre 2015/2025 des prix des hydrocarbures. Bien que le prix plancher sera fonction du coût du pétrole-gaz de schiste américain et le prix que se fixeront la majorité des pays du Golfe, le rôle de l'Arabie saoudite 35% de la production OPEP étant déterminant fluctuerait entre 80/90 dollars sur une longue période, moins de 80 dollars en cas d'aggravation de la crise mondiale, et cela interpelle l'Algérie dont le budget d'équipement et de fonctionnement des lois de finances 2014/2015 se fondent sur le cours de 115/125 dollars le baril étant entendu que le prix de cession du gaz, alors que les investissements sont hautement capitalistiques est également bas, totalement déconnecté de celui du pétrole. Les raisons sont multiples et interdépendantes et dépendent de l'offre et de la demande. Pour l'offre, les énergies substituables qui deviennent rentables produites à grande échelle et à un certain prix, les nouvelles technologies qui permettent de réduire les coûts, la révolution du pétrole ?gaz de schiste américain dont la production dépassera celle de l'Arabie Saoudite, les importantes nouvelles découvertes à travers le monde, notamment en Afrique dont la dernière en date le Mozambique 3e réservoir d'or noir en Afrique, 20 000 milliards de mètres cubes en Méditerranée orientale, expliquant les tensions actuelles dans certaines contrées au Moyen-Orient, les impacts non négligeables géostratégiques comme la crise ukrainienne sur la stratégie offensive du géant russe Gazprom, le retour dans quelques années en force de l'Iran, l'Irak, la Libye (qui doubleront, voire tripleront leur production), les économies d'énergie dans les pays développés évaluées à 30% et de la demande mondiale avec la crise mondiale de longue durée ne s'étant pas attaqué aux fondamentaux, demande qui sera concentrée en Asie horizon 2020/2025 qui pourra à une baisse de prix pour avoir un avantage comparatif. L'Algérie dont les recettes en devises proviennent entre 97/98% des hydrocarbures, important 70% des besoins des ménages et des entreprises qu'elles soient publiques ou privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, le dépérissement de son tissu industriel moins de 5% du produit intérieur brut et sur ces 54% 95% étant des PMI-PME peu initiées au management stratégique et à la concurrence internationale. Les réserves pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables, tant pour le pétrole que le gaz conventionnel allant vers l'épuisement horizon 2030 au moment où la population approchera 50 millions d'habitants impliquent forcément de réaliser durant cette période la transition énergétique (devant aller vers un mix énergétique n'excluant aucune option) elle-même tributaire de la transition économique d'une économie de rente vers une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. L'Algérie, qui a environ 200 milliards de dollars de réserves de change, y compris les 173 tonnes d'or, une dette intérieure inférieure à 4 milliards de dollars possède d'importantes potentialités tant économiques que la ressource humaine richesse bien plus importante que toutes les ressources éphémères dont les hydrocarbures pour réaliser cette transition incontournable et éviter à terme des remous sociaux et politiques, l'économie étant avant tout politique. La baisse étant durable, je préconise la création d'un comité de crise, composé d'experts indépendants, sous la direction du Premier ministre, qui sera chargée d'élaborer un rapport opérationnel mensuel afin d'éviter les effets pervers comme celui du drame la crise de 1986. 3.- Mesdames et Messieurs, L'impératif est de densifier le tissu productif algérien dans le cadre des valeurs internationales. C'est justement l'objet de cette présente rencontre dont l'objectif est de dynamiser à terme le tissu productif, devant être réaliste, cela mettra du temps si la mise en ?uvre se réalise en 2015 afin d'avoir selon les prévisions du gouvernement, au minimum 7% de taux de croissance horizon 2020, la demande additionnelle d'emplois étant de 300.000/400.000/an. Pour m'en tenir aux PMI-PME, je propose les huit mesures suivantes : - Premièrement, de créer une Agence de service aux petites entreprises de moins de 20 salariés. Pourquoi ne pas s'inspirer du Small Business Service, interlocuteur administratif unique pour les très petites entreprises créées par le gouvernement britannique. ? Deuxièmement, pour le délai de paiement, je propose d'imposer une loi si nécessaire ou un décret exécutif pour le paiement aux PME à moins de 30 jours à compter de la date de livraison. Une telle décision permettra aux PME de recouvrer les milliards de dinars de trésorerie pour toutes les livraisons aux grandes entreprises et pour tous les marchés passés avec les collectivités publiques, les longs retards accumulés dans le paiement devenant étouffants supposant de revoir les procédures des finances publiques. -Troisièmement, il s'agira de réduire le délai de remboursement de la TVA aux PME à 15 jours maximum où devra être exigé que l'administration fiscale rembourse dans les 15 jours la TVA aux PME, sauf interrogation motivée sur un risque de fraude. En cas de dépassement, l'administration fiscale devra être pénalisée selon les mêmes modalités que celles appliquées aux entreprises. - Quatrièmement, je propose d'élargir les possibilités de financement des PME en introduisant le Leasing, le capital-développement afin de financer les petites et moyennes entreprises à un stade un peu avancé de leur expansion car la majorité des entreprises familiales rechignent à chercher du capital à l'extérieur, et plus encore à entrer en Bourse d'Alger qui est d'ailleurs en léthargie depuis des années. - Cinquièmement, contraindre les grandes entreprises publiques dont Sonatrach, Sonelgaz notamment, à réaliser de la sous-traitance par un copartenariat. Il ne s'agit pas là de prendre des décisions administratives, mais d'en appeler à des changements de mentalité chez les dirigeants des grandes entreprises. À l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, les grandes entreprises algériennes fonctionnant d'ailleurs avec des fonds publics, pourraient s'appuyer sur des réseaux puissants de PME qui peuvent leur apporter des sous-traitants fiables, des innovations et des centres de recherche compatibles avec leurs propres activités. L'expérience allemande qui considère les PME comme des partenaires, contrairement à la France où existe l'effet de domination, étant intéressant à étudier. - Sixièmement. Les règles comptables régissant les PMI-PME sont très lourdes et ne sont pas utiles à toutes les entreprises. On pourra donc s'orienter vers une comptabilité de trésorerie pour les entreprises de moins de 10/20 salariés. Cette mesure permettrait de réduire leur charge administrative. Cependant cela ne concerne pas les PMI/PME empruntant ou augmentant leur capital qui devront répondre comme à l'heure actuelle aux demandes d'information des investisseurs et des banquiers. Il serait souhaitable de soumettre les petites PMI/PME à un régime fiscal et social spécifique notamment pour ceux dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 10.000.0000 dinars avec un prélèvement libératoire de 10 à 15 % assimilable à l'impôt sur le revenu, se substituant à tous les impôts directs. -Septièmement, alléger la procédure des 49/51% pour le partenariat avec l'étranger pour les activités non stratégiques à lister dont les petites et moyennes entreprises, en introduisant la minorité de blocage d'environ 30% afin d'éviter certaines délocalisations et l'obligation d'un transfert technologique, managérial et d'une balance devises positives. - Huitièmement, faire un bilan tant de la règle des 49/51% que du crédit documentaire Crédoc qui n'a pas permis de limiter la facture des importations, qui ont explosé depuis 2012 (sorties de devises supérieures à 60 milliards de dollars, y compris les 12 milliards de dollars de services) ni de dynamiser le tissu productif et réintroduire le Remdoc pour certaines petites et moyennes entreprises et donc adapter les règles aux besoins du tissu économique algérien cas par cas. 4.- Mesdames, Messieurs, honorable assistance, En ce mois de novembre 2014, après 60 années de déclenchement de la guerre de libération nationale, permettez-moi de me recueillir à la mémoire de nos valeureux chouhada et feu mon père le Moudjahid Ali, quatre années de prison à Lambèse et à El Harrach. Personne ne peut se targuer d'être plus nationaliste qu'un autre, toute la population algérienne de toutes les régions du pays ayant payé un lourd tribut. Le devoir de mémoire est indispensable pour une réconciliation apaisée. Tout en n'oubliant pas le passé nous devons préparer l'avenir pour les générations futures. A cette occasion, je tiens à saluer la présence de M. Jean-Louis Levet, ici présent pour la consolidation des relations entre l'Algérie et la France, qui vient d'être honoré par un jury dont j'ai eu l'honneur d'être membre, présidé par l'ancienne Premier ministre Edith Cresson, la personnalité de l'année 2014 qui a permis la dynamisation des relations algéro-françaises fondées sur un véritable copartenariat gagnant-gagnant, tout en n'oubliant pas également M. Jean- Pierre Chevènement et M. Jean-Pierre Raffarin actuellement président de la commission des affaires étrangères et de la défense au Sénat français. L'Algérie souveraine tisse également des co -partenariats avec d'autres pays européens et à cette occasion comment ne pas saluer la stratégie du ministère de la Défense qui vient d'inaugurer bon nombre de réalisations industrielles avec nos amis allemands qui auront un impact à l'instar de toutes les industries militaires sur la société civile. Egalement avec nos amis américains la coopération algéro-américaine étant en marche comme exemple les contrats récents entre General Electric et Sonelgaz, sans oublier les nombreux partenariats avec les pays émergents dont la Chine. Puisse notre pays, comme j'ai eu à le rappeler lorsque la présidence de la République m'a invité en tant que personnalité nationale, pour la révision constitutionnelle , rassembler grâce à un dialogue productif permanent, fondement de la bonne gouvernance, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir, entre toutes les forces économiques, sociales et politiques afin de rétablir la confiance entre l'Etat, à ne pas confondre avec les régimes éphémères, et les citoyens, sans laquelle aucun développement fiable ne pourra se réaliser. En espérant que les recommandations seront concrétisées sur le terrain, grâce à un organe interministériel de suivi, et ce au profit exclusif de l'Algérie. Je vous remercie de votre aimable attention. Et que vive l'Algérie éternelle du 1er Novembre 1954




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