Algérie

La nature et l’éducation



La nature et l’éducation Nombreux sont les termes techniques employés par El-Farabi (259-339 H/872 - 339 H/950) pour évoquer ce concept : discipline (ta’dib), correction (taqwim), formation (tahdhib), orientation (tasdid) instruction (ta’lim), exercice/apprentissage (irtiyad) et éducation (tarbiya). Pour lui, les bonnes manières ou la culture (adab), au sens éducatif, est la «réunion des dispositions au bien», alors que la discipline (ta’dib) est la «manière de susciter les vertus morales et les arts pratiques dans les nations». Quant à l’instruction (ta’lim), elle consiste à «susciter les vertus théoriques dans les nations et les cités». El-Farabi distingue donc entre l’instruction (ta’lim) et la discipline (ta’dib). La première, est la manière de faire acquérir la culture théorique, et elle se fait essentiellement par la parole. La seconde forme le comportement moral et fait acquérir des éléments techniques et des compétences pratiques. Il s’agit donc de deux voies différentes. Mais El-Farabi n’en est pas resté à cette distinction, puisqu’il a redéfini l’instruction comme englobant la discipline. El-Farabi divise l’instruction en instruction «particulière» et instruction «générale». La première est celle «qui se fait exclusivement par la démonstration». Ce type d’instruction est destiné à l’élite, «qui ne se limite point, dans ses connaissances spéculatives, à ce qu’on attend de ceux qui expriment l’opinion commune, car dans les nations comme parmi les citoyens, il y a l’élite et le commun. Le commun désigne ceux qui se limitent dans leurs connaissances théoriques - que cela leur soit ou non imposé - à ce qu’on attend de ceux qui expriment l’opinion commune». C’est l’élite de l’élite qui exerce la direction des affaires. C’est pour cela qu’il existe différentes méthodes d’enseignement: «Les méthodes persuasives et descriptives servent à l’instruction du commun et des masses dans les nations et les cités, tandis que les méthodes par les démonstrations [...] servent à instruire ceux qui sont appelés à faire partie de l’élite»- ceux qui, à l’épreuve, s’avèrent doués d’une intelligence supérieure. El-Farabi pense que l’éducation repose sur l’idée que l’être humain a des dispositions innées. C’est ce qu’il appelle la «nature», «c’est-à-dire le pouvoir dont est doté l’être humain en venant au monde et qu’il ne saurait acquérir». Tout être humain sain d’esprit la possède comme le tout comprend la partie. El-Farabi parle également de sciences premières ou de principes premiers. A la différence de Platon, il attribue une place essentielle à la perception sensorielle. Il décrit les sens comme «les voies par lesquelles l’âme humaine accède aux connaissances »48. La connaissance commence donc par les sens, puis devient une représentation mentale grâce à l’imagination car tout ce que comprend l’âme comporte une part d’imagination. A l’origine de la connaissance, il y a les sens. El-Farabi rappelle à cet égard une remarque d’Aristote dans le Livre de la démonstration (Les Seconds Analytiques) : «Celui qui perd une sensation perd une connaissance ». L’une des fonctions de l’imagination est de conserver les images perçues qui deviennent en définitive des acquis intellectuels. Certaines de ses vues, qui évoquent ce que nous appelons aujourd’hui la psychologie générale et la psychopédagogie, feraient l’objet d’une étude intéressante. Cependant, bien qu’il adopte l’idée de connaissance sensorielle, il considère que les sens ne sont que les instruments de l’âme qui, elle, a la capacité de connaître. Il rappelle que Platon considère que l’apprentissage repose sur la «mémoire» et donne comme exemple la notion d’«égalité» qui, selon lui, est ancrée dans l’âme : en présence d’un morceau de bois égal à un autre, on perçoit cette égalité, c’est-à-dire qu’on a présente à la mémoire la notion d’«égalité inscrite dans l’âme et on sait qu’il en est ainsi en comparant cette égalité à celle qui se trouve dans l’âme. Quiconque apprend procède de même, en se rappelant ce qui est déjà dans son âme». Nous trouvons la même idée chez El-Bayruni (mort en 1049/444 H) : «L’apprentissage n’est que le souvenir de ce que nous avons appris dans le passé [...] L’oubli est la disparition de la connaissance et le savoir le souvenir ce que ce l’âme a connu avant d’entrer dans le corps». Ammar El-Talbi/ A suivre...


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