Algérie - Andalous

LA MUSIQUE ANDALOUSE A TRAVERS LE TEMPS



Période Ante-Islamique :

Pour bien entamer le sujet, il serait logique de traiter d'abord le volet historique, quoique l'on en a déjà donne un bref aperçu dans la présentation.
La musique andalouse a eu pour origine celle arabe qui, elle-même naquit durant la période ante-islamique.
Au contraire de l'affirmation de certains qui disaient que durant cette période, les nomades arabes n'avaient pour musique que les sons de leurs voix, accompagnes par la flute du berger et en accomodance avec le rythme des pas de leurs chameaux, la musique arabe de l'époque était non seulement déjà très 'organisée', avec des règles musicales et des rythmes bien définis, mais elle se pratiquait aussi dans certains palais, certaines demeures de richissimes notables ou lors de certaines occasions telles les ventes d'esclaves, les réunions familiales, religieuses ou même 'politiques' durant lesquelles les chefs des tribus goutaient aux plaisirs lyriques après avoir conclu entre eux des accords quels qu'en soient les thèmes.
En parallèle à cela, la poésie chantée de l'époque était des plus prolifiques tant sa richesse, admirée jusqu'a nos jours, exprimait des images de littérature paradisiaque. Simon Jargy nous dit sur ce sujet :
'' Nous savons qu'ils (les Arabes) cultivaient déjà la poésie et que celle-ci était même portée a un degré de perfection qu'on ne cesse d'admirer ''. Cette poésie si attractive et si 'paradisiaque comme la qualifiait un artiste, avait des caractéristiques qui tendaient vers l'aspect musical. Avec ses rimes, ses rythmes, ses intonations, ses accents toniques forts ou faibles, ses syllabes longues ou brèves, elle était déjà de la musique.
Alors, l'union entre cette poésie et le style musical de l'époque ne pouvait pas enfanter juste une ''mélopée bédouine, rudimentaire, que les 'chameliers du désert' entonnaient en se déplaçant sur le sable. ''. Tout a‚ fait subjectif comme description et jugement.


Période Islamique :

Vint ensuite la révélation de l'Islam qui fut, non seulement le rayonnement d'un nouveau mode spirituel et moral, mais aussi un couronnement pour les Arabes de la presqu'ile.
Avec l'avènement de l'Islam, certains ont affirme que le prophète (a lui bénédiction et salut) a carrément interdit toute forme de musique. La aussi, c'est une information a laquelle il faut donner sa juste valeur. En effet, l'Islam, par la voix de son prophète, a reprobe la musique, mais juste celle prônant le vin, l'amour charnel, en d'autres termes les choses Haram (péchés). En parallèle a cela, le Adhan (appel a la prière) et la lecture du Coran (tartil ou Tadjwid) se faisaient, et se font toujours, en fredonnant des airs en accordance avec le style musical de l'époque. Il nous faut tout de même rappeler un point important : la musique a été créée par Dieu Tout Puissant, avec des sons et des rythmes naturels tels par exemple les chants d'oiseaux ou la mesure rythmique très régulière d'un battement de cœur, qu'il soit humain ou animal.
Dans le domaine des arts de l'Islam, c'est l'art musical qui s’est toujours présenté avec le passe le plus riche, bien que celui architectural soit le mieux connu du grand public occidental. Par sa diffusion dans l'aire géographique immense de l'Islam, la musique a donne un certain caractère unificateur au langage artistique d'un certain nombre de régions de différents continents ou ses éléments constitutifs originels se sont mêlés puis intègres aux arts musicaux autochtones pour produire ce que nous nommons aujourd'hui la musique du monde musulman. Elle est ainsi devenue, comme l'architecture religieuse, un élément spécifique de culture dans l'Islam.

Période Post-Islamique :

Ainsi donc, en tenant compte de tous ces points, nous arrivons a conclure que la musique n'a pas cesse de se développer durant cette période. Son essor, au contraire, évoluait d'une façon très ascendante, a l'image du monde arabe qui était en train de vivre une escalade fulgurante, tant du point de vue puissance que civilisationnel ou artistique. Cette escalade proprement dite, particulièrement celle du domaine musical, a connu deux aspects importants :

- Tout d'abord l'édification d'un système musical dont l'origine remonte aux différentes sources d'une communauté musulmane de plus en plus vaste.
- Ensuite la codification de cet art qui a atteint a un certain moment son plus haut degré de perfection durant lequel, et ce jusqu'a nos jours, ce genre musical n'était plus seulement considère comme un art, mais aussi comme une science qui demande au musicien, en plus de son génie, des connaissances profondes aussi bien en musique que dans d'autres domaines touchant, de près ou de loin, l'univers musical.

A partir de la, il serait très important de noter, selon notre éminent musicologue Mahmoud Guettât, que '' les efforts et les initiatives entames durant le règne des quatre premiers Califes a Médine, et les Umayyades a Damas, ont trouve leur pleine expansion pendant le premier cycle des Abbassides (750-847) a Baghdâd. Ce fut l'âge d'or, non seulement de la musique, mais aussi de toutes les activités du gout et de l'esprit. Les savants des huitième, neuvième et dixième siècles avaient axe leur principal effort sur la recension, la revivification et le collationnement des éléments de littérature préislamique encore présents a la mémoire des Rawis. On étudia et on commenta la poésie ainsi que les proverbes et les discours des cent cinquante dernières années de la Jahiliya. ''
Tout ceci est précise juste afin d'éclaircir le fait que la première action ait été de réunir les connaissances existant avant l'arrivée de l'Islam. Puis avec le temps, l'évolution se faisant de plus en plus concrète, ''Baghdâd, la cite Abbasside, fondée par Al Mansour (754-775), devient la capitale 'fabuleuse' du monde musulman et le 'joyau de l'univers'. On multiplie les écoles, les bibliothèques, les hôpitaux et les laboratoires. Avec Al Mahdi (775-785) et surtout Haroun Al Rashid (786-809), le palais des '' Mille et une nuits '' rassemblait jusqu'a douze musiciens professionnels, possèdent chacun une suite composée de plusieurs instrumentistes, chanteurs et danseurs, dont le nombre varie de trente a cinquante, pour atteindre parfois la centaine ou plus. Les maisons de ces musiciens étaient de véritables conservatoires de musique.
Quant a Bayt Al Hikma (maison de la sagesse), fondée par Al Ma'moun (813-833), elle était le lieu de rencontre des savants les plus connus de l'époque. Al Wathiq (832-847) est considère comme le premier Calife Abbasside méritant le qualificatif de musicien. Chanteur et joueur d’Oud très doux, il transforma son palais en un grand conservatoire de musique, présidé par Ishaq Al Mossili, au lieu d'en faire l'endroit ou se rencontrent les hommes d'états. Avec la mort de ce Calife-musicien s'achève ce second cycle considéré comme l'âge d'or de la période Abbasside. ''
Ainsi donc, pour rejoindre M. Guettât dans son argumentation, durant cette période, tant de savants, de médecins, de poètes, de philosophes, de musiciens et musicologues sont passes et ont acquis une réputation qui est arrivée, pour certains, jusqu'a nous tant leur savoir était développé. Dans le domaine musical nous pouvons, nous en avons même le devoir, en citer trois qui peuvent être considérés comme les 'maitres des maitres' car ils ont hisse la musique arabe, malgré son déjà haut rang, a un niveau inégale de perfection. Il s'agit d'Ishaq El Mossili (767-850), d'Al Fârâbî (870-950) et de Zyriab (789-857). Les deux premiers ont été, chacun a sa manière, les concepteurs et perfectionneurs d'une musique arabe, pas encore devenue andalouse, en lui inculquant des assises et des systèmes de très haut niveau artistique et musical. Quant au second nomme, Zyriab, il en a été le révolutionnaire et est considéré comme le 'père' de la musique andalouse. Cet esclave affranchi constitue l'exemple qui exprime d'une façon très claire la destination prise par la musique arabe elle-même. En effet, ne a Baghdâd, il prit le chemin de l'occident africain en s'arrêtant un moment a Kairouan puis en continuant son chemin vers cette terre nouvellement conquise, l'Andalousie. La musique arabe en fit autant. A son arrivée a Al Jazira (Algesiras), sur le sol Andalou, Zyriab apprit le décès d'Al Hakam I. C'était le Calife qui l'avait invite a venir dans son palais, en Andalousie, afin de pouvoir apprécier son art qu'on disait merveilleux. Déçu, Ziryab décida de rebrousser son chemin vers Al Kairaouan, ville dans laquelle il avait trouve toute sa sérénité, après avoir vécu un calvaire que lui faisait subir son maitre Ishaq Al Mossili à Baghdâd. Mais Al Mansour, qui était envoyé par le Calife au Maghreb a la recherche de musiciens, et ayant déjà connu la réputation de Zyriab, persuada ce dernier de continuer en lui affirmant que le nouveau monarque, Abderrahmane II (822-852), n'est pas moins mélomane que son père. A Cordoue, Zyriab trouva un accueil somptueux. Abderrahmane II le traita avec la plus grande considération et Zyriab le lui rendait très bien d'abord par un comportement des plus raffines, une élégance digne et des belles manières qui étaient propres a lui, ensuite par le travail musical qu'il effectuait. L'aristocratie arabe d'Andalousie réserva à cet artiste qui était aussi un savant en astronomie et en géographie tout en ayant de profondes connaissances en belles lettres, le meilleur accueil. En parallèle à cela, il devint, sans vraiment le vouloir, l'arbitre de la mode et du savoir-vivre de l'époque. Dans le domaine musical, Zyriab a pu réunir des éléments, artistiques ou poétiques étaient-ils, afin de pouvoir obtenir une musique encore plus performante et plus riche, et il a réussi. La musique, qui se pratiquait sous forme de chansons individuelles et isolées, fut transformée d'abord par les grands musiciens que nous avons cites plus haut en Noubas, successions de chansons et de rythmes allant du plus lent au plus rapide. Puis elle fut perfectionnée par lui, en ajoutant des éléments techniques tels le rajout d'une corde au luth ou la concentration de chaque nouba sur une note principale appelée Mafroudha entre autres. Cette musique nouvellement conçue donc par Zyriab a pu traverser d'abord l'élément géographique puis le temps lui-même puisqu'elle a réussi a parvenir jusqu'a nous, au 21e siècle. Et elle n'est pas prête de cesser de vivre. En effet, après la reconquista par les Ibères de leur terre natale, les Arabes furent obliges de fuir la répression espagnole. Ils émigrèrent en Afrique du nord, trouvèrent un accueil chaleureux et s'y installèrent avec leurs bagages et leurs cultures, particulièrement leur musique qui était déjà très connue et très appréciée avant leur venue.
D'après un certain nombre de spécialistes qui constituent la majorité a l'affirmer, l'immigration Andalouse en terre Maghrébine se compose comme suit :
Certains, venant de Séville et de Valence, ont pris racine a Fès, au Maroc. D'autres, venant de Grenade et surtout de Cordoue se sont installe a Tlemcen. Alors que d'autres, issus de Grenade ont préfère s'arrêter a Bejaia (ceci pour éclaircir la polémique existant entre Bejaouis et Algérois, les premiers affirmant que la musique andalouse s'était installée chez eux, les seconds disant que c'était la leur). En fait, elle a bien commence a Bejaia pour être ensuite transférée, par un concours de circonstances historiques, vers Alger. D'autres enfin, venant eux aussi de Séville ont continue leur chemin jusqu'a Constantine, Tunis et Tripoli.
A tout cela, il faut ajouter le fait que des émigres d'autres villes andalouses, de moindre importance il faut le dire, telles Malaga, Tolède, Almeria, Cartagena ont pris place eux aussi dans les villes maghrébines sus citées. Nous nous sommes juste exprimes, la aussi, en '' majorité ''.
Pour conclure ce point important de notre sujet, nous dirions que l'école de Fès, et par la-même celle du Maroc tout entier, est l'école Sévillane, en arabe le ''Ishbili'', sa culture musicale d'origine étant issue de Séville. Celle de Tlemcen étant l'école de Cordoue (nous nous demandons d'ailleurs pourquoi certains disent ''le Gharnati de Tlemcen '', faisant allusion a la musique pratiquée dans cette ville) et se nommant en arabe le ''kortobi ''. Quant a celle d'Alger, elle est de Grenade et est appelée le ''Gharnati '' en arabe.
A noter que du point de vue technique, ces deux dernières écoles, à savoir Tlemcen et Alger, ont beaucoup de ressemblances du fait que les deux villes qui leur ont fourni leurs cultures, respectivement Cordoue et Grenade, étaient très rapprochées l'une de l'autre, de tous les points de vue, particulièrement artistiques, poétiques et musicaux. Ceci explique donc que Tlemcen et Alger, ayant hérité des musiques Gharnatie et Kortobie, ont beaucoup de ressemblances, surtout concernant les données de base. Cela n'empêche pas que certaines différences existent, mais l'élémentaire est pratiquement le même.
Suite a tous ces événements donc, les écoles musicales qui ont pris souche au Maghreb sont celle de Fès, de Tlemcen, celle d'Alger (par le biais de Bejaia), celle de Constantine, celle de Tunis et enfin celle de Tripoli. Les trois dernières citées ont la même origine et les mêmes principes d'exécution.
Concernant notre ville, Tlemcen, en premier lieu, il serait utile de rappeler qu'elle était, avant la conquête de l'Andalousie par les Arabes, elle aussi concernée par l'émergence, le développement, puis l'apogée de la musique Arabo-Orientale, comme nous l'avons mentionne précédemment. Ainsi donc, Tlemcen a, pour sa part, également contribue a l'acheminement de cette musique, qui n'avait pas pris, au départ, les formes qu'elle acquit en Andalousie par le biais de Zyriab, vers l'Occident.
Au courant des sept siècles d'occupation arabe en Andalousie, Tlemcen constituait une ville stratégique pour les savants, les commerçants et, en ce qui nous concerne, les artistes qui se déplaçaient de Cordoue, de Grenade, de Séville ou d'autres villes andalouses vers le Maghreb car c'était une terre très accueillante pour les Arabes andalous qui y faisaient une halte. La musique qui venait de l'Andalousie n'était en fin de compte pas tellement ignorée par les Tlemceniens de l'époque car, comme je l'ai dit, les relations entre notre ville et celles d'Andalousie étaient concrètes et effectives. Tout ceci est précise juste pour montrer que Tlemcen a été une cite très influente dans l'histoire culturelle et civilisationelle de sa région, et même de toute l'Afrique du Nord.
En second lieu, nous devons noter que la période qui a suivi l'installation a Tlemcen des émigres arabes d'Andalousie, fuyant la répression ibère a été marquée par la création, ou plutôt la ''Maghrebisation'', de la musique amenée par ces derniers a Tlemcen. En effet, par son contact avec une nouvelle communauté, avec de nouvelles mœurs, de nouvelles habitudes, un nouvel état d'esprit, mais tout en gardant ses mêmes principes techniques, la musique andalouse s'est très bien adaptée a son nouvel environnement. Cela l'a rendue encore plus appréciable et plus riche.
Seulement, l'usure du temps, le délaissement et la négligence humaine, les effets du colonialisme ainsi que l'absence de medias qui, n'étant crées que ce dernier siècle, auraient pu jouer un rôle prépondérant dans le maintien et la survie de tout le répertoire musical de l'école Tlemcenienne ; tout cela donc ne pouvait qu'avoir des conséquences négatives.
En effet, des vingt-quatre Noubas (nous verrons dans la partie technique de ce travail ce que ce terme veut dire) existantes, représentant le répertoire initial Tlemcenien, il n'en reste que douze plus ou moins complètes, en plus de quelques autres, incomplètes elles. Cependant, si l'on voyait cette situation sous un autre angle, l'on pourrait affirmer qu'après tant d'obstacles, l'existence aujourd'hui de douze Noubas complètes pourrait être considérée comme une ''bénédiction '' presque incroyable. Nous devons nous estimer heureux d'avoir en notre possession une musique qui a brave, des siècles durant, mille et une embuches et obstacles. Nous devons cela, entre autres, a la rigidité de l'école musicale Tlemcenienne dont le principe de base a toujours été le suivant : '' Reproduire tel quel ce que l'on a appris ''. En d'autres termes, pas de fioritures, aucun ''plus'', aucune invention, aucune ''décoration personnelle'' n'étaient tolérés. Et cette rigidité n'a fait que du bien a notre musique.
En parallèle a la musique andalouse, a Tlemcen et avec le temps, de nouveaux styles musicaux sont nés en conséquence de la ''cohabitation'' de cette merveilleuse musique avec les traditions, les pensées, et forcement les genres lyriques des tribus indigènes. Cependant, il serait très important de préciser que ces nouvelles musiques ont d'abord puise leurs ressources musicales et poétiques, en d'autres termes, leur origine artistique, de la musique ''mère'' déjà existante, a savoir la musique andalouse. Mais cela bien sur sans changer ni déranger aucunement cette dernière. Pour citer ces nouveaux styles, considérés comme modernes à l'époque de leur création, nous nommerons le Haouzi, l’Aroubi, le Houfi, le Medih, le Gharbi, le Chaabi. Chacun de ces styles ayant sa propre histoire et ses propres caractéristiques.
La musique arabe n'a pu devenir ce qu'elle est devenue, c'est-a-dire une musique d'une richesse et d'une perfection idéale, que grâce au génie et a la volonté de bien faire de certaines figures qui l'ont approchées. Ces personnes sont nombreuses et se situent dans le temps a travers tout le périple qu'a connu cette musique jusqu'a nos jours. Nous allons en citer les plus importantes, au vu de leur prodigieuse influence sur les formes extérieures et intérieures de notre musique.
Au niveau de la musique arabe, et avant son arrivée en Andalousie, Ibrahim et Ishaq El Mossili ont participe très concrètement a la conception d'une musique techniquement des plus performantes et artistiquement des plus attractives.
Nous en avons fait mention précédemment.
Cependant, le personnage qui a été le plus influent sur la musique ''concrètement andalouse'' est bien Zyriab, celui qui est considéré comme son concepteur en tant que telle. Nous en avons également parle a son sujet.



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