Algérie

La modernité pour «sauver» la tradition, mais...



La modernité pour «sauver» la tradition, mais...
Malik BoumatiDe nombreux hommes de culture et d'observateurs de la scène culturelle ont exprimé leur appréhension sur le risque de voir la tradition disparaître sous les coups de boutoir de la modernité. Certains sont tentés de dire qu'il y a exagération et que les activités culturelles puisées du terroir ne risquent rien même quand elles sont influencées par la culture étrangère «importée» grâce à la mondialisation ambiante. Mais, à voir le chemin pris par certaines activités culturelles censées représenter la culture locale, il seraitjudicieux d'écouter celles et ceux qui tirent la sonnette d'alarme.Dans la région de Kabylie en général et la wilaya de Tizi Ouzou en particulier, l'exemple le plus édifiant reste le massacre subi par la robe kabyle qui a été malmenée depuis que l'Algérie a découvert les «bienfaits» de l'économie de marché et du libéralisme outrancier. C'est ainsi que l'on peut voir des couturières aveuglées par l'univers occidental de la mode, se lancer dans la «création» en ôtant à la robe kabyle toute son expression sociale et sociétale. Et comment ne pas considérer que cet élément de la culture kabyle est malmené quand on voit des robes courtes et d'autres à bretelles qui sont loin, très loin de la culture kabyle en particulier et celle algérienne en général ' Le processus d'extinction de certains éléments de la culture locale se voitégalement dans la danse folklorique ou populaire. Dans une wilaya qui comptait plus d'une dizaine de troupes de danse folklorique, il n'en reste que deux aujourd'hui, après la disparition de celle d'Ath Yanni. Cette dernière n'a pasparticipé, comme à son habitude, à la dernière édition du Festival arabo-africain de danse folklorique à laquelle n'ont participé que celles d'Imsouhal et de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri. C'est dire que cette manifestation culturelle, si elle est un formidable moment de récréation pour le public de Tizi Ouzou, n'a pas réussi à promouvoir et développer la danse folklorique, comme c'était prévu par ses initiateurs.Ce recul est dû, selon un professeur de danse classique, au refus d'allier la danse folklorique traditionnelle, à la danse moderne. «C'est la meilleure manière de sauver la danse folklorique de la disparition», dit-il, non sans reconnaître qu'il est difficile de convaincre les responsables du secteur de la culture et les férus de la danse folklorique qui ont peur, parfois à juste titre, que la danse moderne ne dénature celle traditionnelle. Mais les défenseurs de l'introduction du moderne dans l'activité traditionnelle se disent convaincus que le moderne est le seul moyen de mettre l'expression culturelle traditionnelle à la portée des jeunes d'aujourd'hui, qui semblent tourner le dos à tout ce qui est traditionnel pur.Et l'exemple avancé comme argument est le succès que connaît la chanson produite avec des métissages et autres influences. Un artiste comme Ali Amran, qui allie chanson kabyle et le folk-rock, a réussi à drainer la semaine dernière des centaines de fans dont le plus âgé ne dépasse pas les 30 ans. Donc un public jeune qui a émerveillé l'artiste lui-même par son implication et son accompagnement tout au long du gala. D'autres artistes chanteurs ont réussi cette ?uvre de métissage du moderne et du traditionnel. Mais cela n'est pas applicable à toutes les disciplines culturelles et artistiques s'écrient ceux qui dénoncent par exemple le sort réservé à la robe kabyle. C'est pour cette raison que l'implication de l'Etat est primordiale dans la mesure où la formation nécessaire pour sauver l'activité de la noyade dans la soupe culturelle mondiale ne peut être prise en charge que par les institutions publiques avec leurs moyens financiers, logistiques et pédagogiques. Avec cette condition que l'?uvre culturelle doit rester l'émanation des hommes de culture et des artistes de toutes les disciplines, l'Etat devant se contenter d'encourager la formation et de réaliser des infrastructures culturelles. M. B.




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