La misère des âmes

45.000 traversées clandestines ont été enregistrées en Angleterre en 2022. On ignore par quelle alchimie le décompte a été établi mais on sait que des terres anglaises émanent en permanence les chants des sirènes captés par des milliers de migrants désespérés. On indique par ailleurs que six tentatives d'émigration ont été déjouées par la police tunisienne le jour de l'an au moment où la frontière maroco-espagnole a été prise d'assaut par de malheureux subsahariens. Dans la même journée, après un naufrage, les corps de treize migrants ont été rejetés par la mer au large du Maroc.Des présages noirs sont loin d'annoncer que la série des drames est près de se clôturer pour une année nouvelle selon les repères observés. Si le chiffre de 11.000 haraga disparus en mer donné par les autorités espagnoles demeure invérifiable, il n'en demeure pas moins que des centaines de téméraires ont été engloutis par les océans au cours de 2022.
A la vérité, les naufrages déclarés n'ont pas la simple signification présentée par les marqueurs officiels car leur sens pluriel va au-delà des coulées des corps. Ils sont les signes d'un autre plus large naufrage qui n'est certainement que le voyage d'une partie de l'espèce humaine vers le suicide. Il est une volonté d'effacement pour que le soi devienne un autre dans un déni total d'une existence et un gommage du coutumier environnement où ne régnait que la souffrance lente. Mais ce que l'on refuse de comprendre est que le désir de l'effacement se généralise à travers le monde entier et que le phénomène de la migration n'est pas à sens unique.
Des repus d'hier partent à la recherche de cieux hospitaliers pour trouver une sérénité qu'ils ont perdue dans leurs pays. Trouvailles sans doute éphémères car plus le temps avance et plus le besoin et la misère s'élargissent et font tache d'huile. Il n'est pas toujours question du besoin et de la misère du ventre. Ce sont ceux des âmes dont il est surtout question.