Algérie

La mise à nu, le vitriol et la catharsis L'Ange de Feu de Ahmed-Habib Laraba



La mise à nu, le vitriol et la catharsis                                    L'Ange de Feu de Ahmed-Habib Laraba
C'est plus un texte prétexte qu'un roman, dans l'acceptation classique du terme ; un exutoire de l'indignation, de la révolte, un «J'accuse», par lequel l'auteur, Ahmed-Habib Laraba, donne libre cours à sa colère et à sa vengeance,- toute virtuelle- qui frôle le délire, contre l'autocratie, l'injustice, l'esprit de clocher, la bêtise.
C'est aussi un hymne à l'amitié interreligieuse, un panégyrique de la tolérance, une apologie de la démocratie, des valeurs universelles' L'Ange de Feu n'est autre que son alter ego, tel que fantasmé par un écorché vif, indocile à l'hypocrisie, la corruption, la médiocrité, l'iniquité dans lesquelles se complaît le monde arabo-musulman, mais, et surtout, l'Algérie, son pays'Comment alors dire toute cette ignominie, cracher tout son mépris, extraire toute sa haine des potentats et autres satrapes qui n'en finissent pas de piétiner la dignité de leurs peuples ' En se dotant, virtuellement à la manière d'un enfant qui se rêve super héros, de pouvoirs magiques, ou plus précisément de pouvoirs divins, pour remédier à l'arbitraire, et, par ricochet, châtier les faux dévots, les traîtres, les tyrans, les corrompus, les imposteurs, les Sionistes...
Sur fond de faits autobiographiques, dont les déboires qu'a eu à subir l'auteur dans son pays, l'Algérie, et au pays censé être le berceau de l'Islam, l'Arabie, s'amorce l'expiation divine perpétrée par l'ange de justice, une sorte de superman, qui est, on s'en doute, un avatar de l'écrivain lui-même. Celui-ci, qui se déplace à la vitesse de l'éclair, d'Alger, à Tel-Aviv, à la Mecque, à Baghdad, au Caire, à Londres'ne sait qu'inventer pour terroriser, à leur tour, tous les dictateurs et oppresseurs du monde arabe. Il se rend au pays des pyramides pour châtier un certain «M'barka» (l'auteur s'amuse comme un fou en déformant à peine les noms des protagonistes), et quelques dignitaires religieux d'Al Azhar à la solde de celui-ci.
«Vous avez bien assoiffé votre peuple en le privant de toute forme de liberté'Subissez à présent les souffrances de la soif », intime-t-il au Raïs. Visionnaire l'auteur ' -le livre a été écrit avant la déchéance du président égyptien- ; d'autre part, il admoneste copieusement les exégètes : «N'est-il pas monstrueux d'imposer à l'école, à des enfants, une forme d'éducation religieuse pour leur relater, entre autres, les tourments du mort dans sa tombe ou bien encore pour leur décrire l'implacable méchanceté des anges qui viendront leur arracher leurs âmes ' Et ce type d'enseignement se fait avec votre accord, messieurs les dignitaires d'Al Azhar avec l'approbation de votre répugnant Raïs ! ».
Aucun théocrate ne trouvera grâce à ses yeux. «Les Wahhabites ('), ces soi-disant musulmans qui portèrent des torts considérables au message originel de l'Islam, son message d'humanisme et de paix », les notables saoudiens (') qui affichent «arrogance et mépris envers ces musulmans leur servant de chauffeurs, de femmes de ménage, de gardes d'enfants ('), qu' « ils importent du Pakistan, de Malaisie, d'Indonésie' », et qu' « ils exploitent à outrance », rappelle l'implacable ange de feu, qui, tel Salomon, commande des armées de scarabées, de cochons sauvages, de lézards'pour tourmenter les scélérats et les félons. En fait, l'auteur s'invente allègrement une catharsis à la mesure de ses rêves de justice sociale, de paix, et d'amour.
Des supplices, plus raffinés les uns que les autres, sont ainsi imaginés pour les intégristes algériens, des personnalités au pouvoir, des usurpateurs de postes universitaires, des administrateurs nuls et corrompus jusqu'à la moelle des os, des quidams qui brisent des vies en toute incurie. Tout ce monde aura donc la visite de ce personnage investi de pouvoirs étendus grâce à son incommensurable et saine piété. Tous leurs travers seront exhibés avec une joie féroce ; ainsi s'adressera-t-il à un certain «Sheitan, l'esprit malin de l'ex-Front islamique du salut » (sic) : « Cessez donc de glorifier le nom du Seigneur des Mondes de votre bouche immonde'vous en tant que numéro 2 du parti de l'affront des valeurs musulmanes, et tous vos monstres sanguinaires du FIS, allez payer un prix élevé pour tous vos crimes' ».
Mais la purge de ce monde, gagné par le mal, sera stoppée net par Eblis, le suprême maître chanteur, qui promet des représailles, -notamment à l'encontre des enfants de l'auteur, -Ange de feu-, coupant l'herbe sous les pieds de ce dernier, qui, penaud, maladroit, - et attachant malgré tout-, arrête illico presto de jouer aux redresseurs de torts, mettant fin à toutes les illusions.
L'Ange de Feu de Ahmed-Habib Laraba
Edititions L'Harmattan, (collection lettres du monde arabe) 2011, 190 p.


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